Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Claude Fruteau attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la problématique des biens départemento-domaniaux à La Réunion. En effet, au terme de la répartition des biens de l'ancien domaine colonial issue d'un arrêté de 1948, les biens départemento-domaniaux constituent de vastes et divers terrains et immeubles appartenant au Département mais échappant totalement à sa maîtrise car soumis à un régime juridique rigide et devenu, avec le temps, obsolète. Si le Département conserve la propriété des immeubles de l'ancien domaine colonial immobilier, l'État, en sa qualité d'affectataire, est le titulaire du droit d'usage et tant que l'État exerce ce droit, les droits de propriété du Département sont suspendus. Ce statut, datant de la décolonisation et étant spécifique à l'Outre-Mer, maintient un pouvoir exorbitant du droit commun et arbitraire de l'État sur les biens immobiliers du Département et fait entrave au principe de la libre administration des collectivités territoriales puisque le Conseil général ne peut pas disposer librement de son patrimoine. L'ensemble des élus départementaux souhaitent l'abrogation de ce régime juridique particulier et ont exprimé cette volonté par le vote d'une motion en séance plénière du Conseil général de La Réunion le 10 décembre dernier. Dans celle-ci, les conseillers généraux demandent à l'État de renoncer à son droit d'usage et de restituer les biens concernés au Département dans un délai maximum de cinq ans. En cas d'impossibilité pour l'État de libérer les lieux au terme de ce délai, les Conseillers généraux souhaitent que soit établi un contrat à titre onéreux pour formaliser les occupations desdits sites utilisés par les services de l'État. Aussi, il souhaite connaître sa position à ce sujet ainsi que les mesures qu'elle entend prendre pour accéder à la demande des élus départementaux.
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Texte de la REPONSE :
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Le décret n° 47-2222 du 6 novembre 1947 a réparti l'ancien domaine colonial entre l'État, les départements d'outre-mer et, éventuellement, les communes, mais a conféré à l'État le droit de maintenir l'affectation de certains de ces biens au fonctionnement des divers services administratifs de l'État. Cette affectation a été réalisée par l'arrêté interministériel du 30 juin 1948 portant répartition des biens de l'ancien domaine colonial dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion, notamment son annexe II. Les modalités de cette affectation ont été précisées par le Conseil d'État dans son avis du 12 mars 1948, qui a indiqué que ces biens « resteront régis par l'État tant qu'ils n'auront pas cessé définitivement d'être nécessaires, non seulement au service auquel ils auront été initialement affectés, mais encore, éventuellement, à un quelconque des services publics entretenus par l'État ». Cette interprétation a également été confirmée par un arrêt du Conseil d'État du 2 avril 1997 (département de la Réunion C/ONF requête n° 132113) à propos du massif forestier. À cet égard, l'affectation, ainsi définie, a fait l'objet de nombreux ajustements pour tenir compte des besoins nouveaux de l'administration de l'État et du conseil général. Notamment à la suite des lois de décentralisation de 1982-1983, il a été procédé à une nouvelle répartition de ces biens entre l'État et le conseil général pour tenir compte du transfert de l'exécutif du conseil général du préfet de département au président de l'assemblée délibérante départementale. De même que la transformation du régime juridique de La Poste a conduit à une dévolution législative des biens départemento-domaniaux affectés à ce service en 1992. Dès lors, la situation des biens du conseil général de La Réunion affectés aux services de l'État n'est pas fondamentalement différente de celle de la métropole où il a été mis en oeuvre un régime de mise à disposition à titre gratuit par bail emphytéotique. En effet, en vertu de l'article 30 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, applicable à la Réunion, les biens des départements affectés au fonctionnement des services de l'État, à la date des conventions de partage des attributions entre l'État et les conseils généraux, conservaient leur affectation et leur statut, en l'espèce celui de biens départemento-domaniaux. À ce jour, les biens relevant du statut départemento-domanial qui restent à la disposition des services de l'État (en particulier la résidence préfectorale à Saint-Denis et les locaux affectés aux services de la préfecture) ne représentent plus qu'une petite partie de ceux inscrits en annexe II de l'arrêté du 30 juin 1948. Ces biens ont fait l'objet d'un inventaire contradictoire entre les services de l'État (service du domaine et préfecture) et les services du conseil général, en 2008, tant sur leur consistance que sur leur affectation effective à la date de l'inventaire (juin 2008). Ils correspondent strictement aux missions exercées à la Réunion par ces services. Ces derniers en ont la jouissance, la charge et l'entretien, y compris le gros oeuvre, jusqu'à ce que ces biens deviennent définitivement inutiles à l'État, qui les remettra alors au département, avec ou sans soulte. D'une façon générale, le législateur fait prévaloir l'affectation au service public sur le droit de propriété des collectivités territoriales. Toutefois, dans ce statut le droit de propriété du département n'est pas remis en cause, le bien étant replacé sous sa main dès que l'État sépare la mission de service public du bien qui lui est affecté. En tout état de cause, la question de la restitution de ces biens en pleine propriété au conseil général de la Réunion relève de la loi. En effet, le régime de la propriété et de la domanialité publique relève de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958.
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