FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 47898  de  M.   Sainte-Marie Michel ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Gironde ) QE
Ministère interrogé :  Solidarité
Ministère attributaire :  Affaires européennes
Question publiée au JO le :  05/05/2009  page :  4171
Réponse publiée au JO le :  28/07/2009  page :  7414
Date de changement d'attribution :  23/06/2009
Rubrique :  économie sociale
Tête d'analyse :  généralités
Analyse :  services sociaux d'intérêt général. directive. perspectives
Texte de la QUESTION : M. Michel Sainte-Marie attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité sur les clarifications des cadres d'organisation et de fonctionnement des services sociaux d'intérêt général. L'objectif de la France doit être la clarification du cadre d'organisation et de fonctionnement des services sociaux d'intérêt général considéré comme un enjeu majeur. Elle devra convaincre ses partenaires que cette clarification ne contrarie pas le principe de subsidiarité : celui-ci est au contraire menacé par une application extensive des règles du marché et de la concurrence. Pour que le principe de subsidiarité ait un effet, il faut un cadre juridique clairement adapté au secteur intéressé par sa mise en oeuvre et simple à faire respecter. Les services sociaux sont un secteur qui n'est l'objet aujourd'hui d'aucun droit positif. En revanche, l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne fournit une base juridique pour l'adoption d'un tel cadre communautaire à plus ou moins long terme. Cette entrée en vigueur coïncidera avec la révision prévue en 2009 de la décision de la Commission relative au financement des compensations de services publics, notamment en matière de services sociaux d'intérêt général (paquet Monti-Kroes). Le rôle de la France pendant sa présidence aurait pu être de permettre l'adoption d'un agenda européen précis en matière de services d'intérêt général et de services sociaux d'intérêt général. Le contenu de cet agenda pourra être développé au cours des futures présidences tchèque et suédoise afin de permettre à la nouvelle Commission et au nouveau Parlement européen de s'emparer du sujet après 2009. Les services d'intérêt général pourraient figurer comme point à l'ordre du jour du Conseil européen de décembre 2008. Lors de ce Conseil, il s'agirait de réaffirmer solennellement l'importance des services d'intérêt général dans le cadre de l'achèvement du marché intérieur et de l'élargissement de l'Union européenne. Ceux-ci doivent être considérés, à égalité, avec les règles du marché intérieur et de la concurrence, comme un pilier de la construction européenne, favorisant une réelle citoyenneté européenne et permettant de réaliser une ouverture des marchés tout en préservant ou améliorant la qualité des services sociaux et leur adaptation aux contextes locaux. Un cadre réglementaire est nécessaire à la réalisation de ces objectifs. Les étapes permettant d'aboutir à ce cadre et les difficultés à lever pour y parvenir devront être précisées lors du Conseil européen sous la forme d'une feuille de route. L'enjeu de cette feuille de route est de déboucher à moyen terme sur l'adoption d'un cadre juridique spécifique pour les SSIG, à l'instar des autres directives sectorielles concernant les services en réseau. Aussi, il lui demande de bien vouloir expliciter la politique future du Gouvernement sur cet enjeu.
Texte de la REPONSE : 1. La clarification du droit communautaire et la sécurisation juridique des services publics ou « services d'intérêt économique général » (SIEG), en particulier les services sociaux d'intérêt général (SSIG), est une exigence que la France fait valoir de longue date tant auprès de la Commission européenne que de ses partenaires de l'Union européenne. C'est ce qu'elle s'est attachée à poursuivre sous sa récente présidence du Conseil de l'Union européenne. Il en va en effet de la pérennité et de la vitalité du modèle social européen, dont la crise économique et financière actuelle ne fait que confirmer la pertinence. 2. Des évolutions positives ont toutefois pu être enregistrées au cours des dernières années. Elles tendent à davantage protéger les spécificités des services publics et des services sociaux : a) les services sociaux « relatifs au logement social, à l'aide à l'enfance et à l'aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin qui sont assurés par l'État, par des prestataires mandatés par l'État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l'État » sont exclus du champ d'application de la directive 2006/1231CE du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (art. 2.2.j). Cette exclusion concerne également les services, de soins de santé « qu'ils soient ou non assurés dans le cadre d'établissements de soins et indépendamment de la manière dont ils sont organisés et financés au niveau national ou de leur nature publique ou privée » ; b) l'exclusion de certains services sociaux du champ d'application de la directive sur les services ne vaut pas exonération du respect des règles de concurrence et du marché intérieur. Ce principe est toutefois très tempéré tant par les dispositions du traité (articles 86 §2 CE et 87 CE en particulier) que, progressivement, par le droit dérivé, tout particulièrement la décision de la Commission du 28 novembre 2005, dite « Monti-Kroes » qui tire les conséquences de l'arrêt « Altmark » de la CJCE du 24 juillet 2003. Cette jurisprudence et les instruments élaborés sur cette base offrent un cadre et une sécurité juridique supplémentaire aux financements versés par les pouvoirs publics en compensation des charges des services d'intérêt économique général (SIEG). En particulier la décision de 2005 définit sous quelles conditions des compensations de service public peuvent être exemptées de notification à la Commission. 3. Le Gouvernement s'est engagé à prendre en compte les inquiétudes des acteurs publics et privés, en particulier locaux, qui sont gestionnaires de services sociaux d'intérêt général. Il a ainsi confié en juillet 2008 à M. Michel Thierry une mission relative à la prise en compte des spécificités des services d'intérêt général dans la transposition de la directive « Services » et l'application du droit communautaire des aides d'État. Désormais disponible, ce rapport permet de bien cerner sur ces questions les enjeux, les acquis et, enfin, les difficultés qu'il reste à résoudre ainsi que les améliorations souhaitables, tant sur le plan national pour assurer une bonne articulation avec le droit communautaire qu'au niveau européen pour y faire évoluer le droit et les pratiques. Le rapport invite fermement la Commission à poursuivre ses travaux de clarification du droit européen et sur l'ordonnancement des objectifs sociaux et des règles de concurrence et de libre circulation dans le marché intérieur, notamment dans la perspective de la révision à venir du paquet « Monti-Kroes ». S'agissant plus précisément du bilan de la présidence française du Conseil de l'UE en 2008, les auteurs du rapport rappellent que cette présidence fut l'occasion de démontrer la dimension pleinement européenne des préoccupations sur le devenir des SIEG, ce que le forum sur les SSIG à Paris les 28 et 29 octobre derniers a bien illustré. La « feuille de route sur les SSIG » établie par la présidence française constitue ainsi un signe fort de la volonté de l'Union européenne de maintenir le fil du dialogue et d'anticiper les problèmes qui pourraient se poser à l'avenir aux opérateurs de SSIG du fait de l'application du droit communautaire. Cette volonté permanente de rappeler le rôle crucial des SSIG pour la cohésion sociale et territoriale, de pair avec la nécessité de clarifier leur statut au regard du droit communautaire, a également animé l'adoption le 17 décembre dernier par le conseil des ministres européens du travail et des affaires sociales de conclusions relatives à « l'inclusion active des personnes exclues du marché du travail ». Ce texte souligne l'articulation nécessaire des trois piliers sur laquelle repose la stratégie pour l'inclusion active : accès à des services sociaux de qualité, revenu minimum, accès au marché de l'emploi. Sous présidence tchèque du Conseil de l'UE, ce fut aussi le sens des conclusions du Conseil, adoptée le 8 juin, sur « les services sociaux, un instrument d'inclusion active, de renforcement de la cohésion sociale et un secteur offrant des perspectives d'emploi ». 4. À noter enfin que l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne consacrerait des avancées non négligeables dans deux directions qui reflètent les différentes sensibilités européennes s'agissant de la protection des spécificités des services publics : a) le Protocole n° 9 sur les « services d'intérêt général » consacre le rôle essentiel et la grande marge de manoeuvre des pouvoirs publics nationaux, régionaux et locaux, autrement dit le bien-fondé de la subsidiarité en vue d'assurer « un niveau élevé de qualité, de sécurité et d'accessibilité, l'égalité de traitement et la promotion de l'accès universel et des droits des utilisateurs ». Ces « dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres relative à la fourniture, à la mise en service et à l'organisation de services non économiques d'intérêt général. » ; b) un nouvel article 14 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne de Lisbonne offre, contrairement à l'actuel article 16 CE, la faculté au Parlement européen et au Conseil de légiférer au niveau communautaire afin de garantir que les SIEG « fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d'accomplir leurs missions ». Les deux institutions peuvent adopter des règlements qui « établissent ces principes et fixent ces conditions, sans préjudice de la compétence qu'ont les États membres, dans le respect des traités, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services » ; c) la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dont l'insertion dans le traité de Lisbonne lui donne force contraignante consacre en son article 36 un « accès aux services d'intérêt économique général » : « L'Union reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt économique général tel qu'il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément aux traités, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l'Union ». 5. La bonne articulation du droit national et du droit communautaire, afin de sécuriser les opérateurs de services sociaux d'intérêt général, ainsi que le renforcement du cadre européen ont donc fait l'objet de progrès importants ces dernières années qui doivent être poursuivis.
S.R.C. 13 REP_PUB Aquitaine O