Texte de la QUESTION :
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M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le dossier des séquestrations de cadres et chefs d'entreprise dans les conflits sociaux du 1er trimestre 2009. En effet, les conflits chez Caterpillar à Grenoble, chez Scapa dans l'Ain et la séquestration du P-DG de Sony France et du directeur industriel du groupe pharmaceutique 3M ont montré une nouvelle forme de conflit salarial qui voit les patrons et des cadres retenus contre leur gré, pour faire pression contre les décisions des directions de ces entreprises. Ces séquestrations sont tout autant inquiétantes qu'inadmissibles dans un état de droit et dans un pays démocratique. Elles on été dénoncées à raison et avec force par le Chef de l'État. Elles doivent donc être combattues pratiquement par des poursuites fermes et exemplaires pour éviter que ces actions violentes ne se renouvellent et ne se banalisent dans les semaines et les mois qui viennent. Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser ses intentions en ce domaine.
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Texte de la REPONSE :
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Les faits de séquestration de dirigeants d'entreprise sont prévus et réprimés par l'article 224-1 du code pénal. Son premier alinéa dispose que « le fait, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, d'arrêter, d'enlever, de détenir ou de séquestrer une personne, est puni de 20 ans de réclusion criminelle ». Selon le dernier alinéa de cet article, « si la personne détenue ou séquestrée est libérée volontairement avant le septième jour accompli depuis celui de son appréhension, la peine est de 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende », sauf si la victime a subi durant les faits une mutilation ou une infirmité permanente. La chambre criminelle de la cour de cassation a, dans un arrêt du 23 décembre 1986, validé l'application de cette incrimination aux faits de séquestrations de chefs d'entreprise commis dans le cadre d'un conflit du travail. Elle a estimé que « constitue le délit de séquestration arbitraire le fait, par des salariés, de retenir contre son gré, pendant moins de 5 jours, un chef d'entreprise sur les lieux du travail, même s'il n'est pas usé de violences, afin de le contraindre d'accorder des avantages qu'ils réclament ». Toutefois, ces agissements ne peuvent donner lieu à des poursuites pénales que lorsque leurs auteurs ont été identifiés. Or, il est parfois difficile d'identifier les salariés ayant personnellement pris part aux faits et il n'est pas rare que les chefs d'entreprise qui décident de déposer plainte omettent d'y faire figurer des éléments permettant d'identifier les auteurs des faits. Par ailleurs, dans les hypothèses où il s'avère que le dirigeant retenu reste néanmoins libre de maintenir tout contact avec l'extérieur ou refuse, parfois légitimement, de quitter de force les lieux ou de demander l'intervention des forces de l'ordre, la réunion des éléments constitutifs de l'infraction de séquestration peut s'avérer délicate. Le ministère public dispose, sur le fondement des articles 40 et 40-1 du code de procédure pénale, du libre exercice de l'action publique et apprécie, dans chaque cas, l'opportunité d'engager des poursuites pénales. L'appréciation de l'opportunité des poursuites peut se faire en fonction du dépôt ou non d'une plainte par les victimes (peu de dirigeants décident de déposer plainte), de la durée de la séquestration, de l'usage ou non de violence. Enfin, la décision de poursuivre pénalement les auteurs d'une séquestration survenue dans le cadre d'un conflit social qui ne serait pas achevé peut avoir des conséquences sur la poursuite voire l'aggravation de ce conflit. Il s'agit d'un élément qui peut être pris en compte par le ministère public dans sa décision.
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