FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 49192  de  M.   Morel-A-L'Huissier Pierre ( Union pour un Mouvement Populaire - Lozère ) QE
Ministère interrogé :  Justice
Ministère attributaire :  Justice et libertés (garde des sceaux)
Question publiée au JO le :  12/05/2009  page :  4486
Réponse publiée au JO le :  09/03/2010  page :  2775
Date de changement d'attribution :  23/06/2009
Rubrique :  Union européenne
Tête d'analyse :  institutions communautaires
Analyse :  jurisprudence. effets en droit interne
Texte de la QUESTION : M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences des jurisprudences européennes en France Il lui demande de bien vouloir lui préciser l'effet des jurisprudences européennes sur les jurisprudences de la Cour de Cassation.
Texte de la REPONSE : La Cour de cassation assume aujourd'hui pleinement sa fonction de juridiction suprême dans l'application effective de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme des traités communautaires. Dans ce cadre, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme comme celle de la Cour de justice des communautés européennes ont été prises en compte tant par la jurisprudence que pour le fonctionnement de la Cour de cassation. Si la Cour européenne des droits de l'Homme a pour rôle d'harmoniser l'interprétation de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, le juge interne est lui, du fait du principe de subsidiarité, juge de droit commun de cette Convention internationale d'effet direct. Cette convention se trouve désormais au coeur de la jurisprudence de sa chambre criminelle. La Cour de cassation est donc fréquemment conduite, notamment en matière pénale, à examiner le droit national sous le prisme du droit conventionnel et à appliquer la Convention européenne, fût-ce au détriment des normes nationales. Durant l'année 2007, la chambre criminelle a rendu 779 arrêts mentionnant la Convention, que celle-ci apparaisse dans les visas, ou qu'elle soit citée par l'un des moyens du pourvoi. Si l'on s'en tient aux seuls arrêts publiés, l'on obtient le chiffre encore élevé de 115 arrêts. du point de vue du fonctionnement de la Cour de cassation, la prise en compte de la jurisprudence de la Cour européenne a conduit, sans remettre en cause ses structures et son fonctionnement, à des aménagements des méthodes de travail et d'examen des dossiers. Ainsi, la Cour de cassation a été conduite à modifier les modalités d'instruction et de jugement des affaires. Depuis la décision Stepkinska c./ France du 15 juin 2004, la Cour de cassation autorise les parties représentées par un avocat aux conseils à plaider en réplique aux observations orales de l'avocat général. S'agissant du suivi des décisions de la Cour européenne en matière pénale, la Commission de réexamen des condamnations pénales consécutif au prononcé d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme, a été saisie depuis sa mise en place, en 2000, de 47 requêtes dont 14 ont été déclarées irrecevables, 7 rejetées et 26 ont donné lieu à la saisine des juridictions de fond afin de rejuger l'affaire. S'agissant de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), celle-ci dispose du monopole de l'interprétation des règles du traité CE et des actes dérivés ainsi que de l'appréciation en validité de tous les actes dérivés. La jurisprudence interne admet aujourd'hui la primauté du droit communautaire sur les lois. Le juge interne, juge de droit commun du droit communautaire, conserve lui le premier rôle dans l'application du traité et des actes dérivés. Toutefois, la coexistence des ordres juridiques internes et communautaires rend nécessaire l'instauration d'un dialogue des juges. Le mécanisme en est assuré, en droit communautaire, par l'article 267 TFUE. La Cour de cassation, à l'instar d'ailleurs du Conseil d'État, utilise pleinement ce mécanisme en posant des questions préjudicielles dans les domaines les plus variés relevant de son champ de compétence. Il en va ainsi notamment des questions environnementales fiscales ou de la problématique des marques et de la propriété intellectuelle. Le nombre de questions préjudicielles posées par la Cour de cassation elle-même demeure constant au cours des dernières années puisqu'elle ne pose en moyenne qu'entre trois et quatre questions par an. Le nombre apparemment restreint de renvois préjudiciels émanant de la Cour de cassation française n'est pas un indice de non-application du droit communautaire. La Cour de cassation, n'hésite pas, d'ailleurs, à utiliser de nouveau ce mécanisme pour obtenir de la Cour de justice des précisions sur une jurisprudence existante qui pose des difficultés d'application. En outre, elle se fonde sur les solutions adoptées par la Cour de justice pour justifier une décision critiquée ou condamner une décision qui les ignorerait. De même, lorsque les affaires dont la solution nécessite l'application de normes communautaires ne soulèvent aucune difficulté d'interprétation, elle ne manque pas d'appliquer la jurisprudence Cilfit du 6 octobre 1982 de la Cour de justice. Celle-ci dispense en effet les juridictions dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne d'interroger la Cour de justice lorsque la question soulevée n'est pas pertinente, que la disposition communautaire en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour ou que l'application correcte du droit communautaire s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. Elle tranche donc elle-même les questions de droit communautaire, qui relèvent de l'une de ces catégories en jouant pleinement son rôle de garante du droit communautaire.
UMP 13 REP_PUB Languedoc-Roussillon O