Texte de la QUESTION :
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M. Kléber Mesquida attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la saisine de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) qui réalise des enquêtes administratives pouvant conduire à la prise de sanctions tant sur le plan disciplinaire que pénal par les administrations dont dépendent les fonctionnaires. La CNDS qui n'est pas une instance disciplinaire peut inviter les fonctionnaires à se présenter dans le cadre d'une affaire les concernant pour y être auditionnés. Ils ne peuvent se soustraire à cette procédure. Or il s'avère que s'ils sont informés du droit de se faire assister du conseil de leur choix, aucun d'eux n'a accès au dossier malgré les demandes formulées à cet effet avant la date de l'audition prévue. Toutefois, la loi du 26 janvier 1984 offre des garanties minimales en matière de procédure disciplinaire. Parmi les principes généraux de la procédure administrative figure le respect des droits de la défense. Un tel principe ayant une valeur constitutionnelle (CC 02 décembre 1976, n° 76-70 DC ; CC 20 juillet 1977 ; CC 19 janvier 1981 n° 80-127 DC). Le Conseil d'État l'a érigé en principe général du droit dans tout acte administratif édictant une sanction. Il a précisé que l'administration se devait de respecter certaines règles notamment, les faits reprochés à l'agent, l'informer de son droit à obtenir communication intégrale de son dossier, et l'informer de la possibilité d'être assisté par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Outre le fait que cela paraisse être en contradiction avec les dispositions de la loi du 26 janvier 1984, et de la jurisprudence qui précise que si l'administration entend mettre en place un dispositif antérieur au déclenchement éventuel d'une procédure disciplinaire, ce dispositif doit avoir pour but de protéger le fonctionnaire et lui garantir l'ensemble de ses droits. Dans ce contexte, la question se pose de l'utilité de la présence d'un conseil aux côtés du fonctionnaire auditionné en l'absence de la connaissance intégrale du dossier. Ainsi les fonctionnaires vont avoir à s'expliquer devant le rapporteur désigné de la commission, sans connaître l'existence d'éléments de nature à leur permettre d'apporter des éclaircissements à une situation donnée, de connaître des faits susceptibles d'être considérés comme des manquements à leur code déontologie par les personnes auteurs de la saisine du parlementaire, de connaître l'existence même de témoins, de leurs déclarations, des témoins qui ne se sont pas manifestés lors des faits ni même lors de l'audience pénale à l'issue de laquelle le requérant à l'origine de la saisine du parlementaire a été condamné. Si la CNDS est saisie, c'est en tout état de cause par la victime elle-même ou une tierce personne témoin des faits, considérant qu'un fonctionnaire n'aurait pas satisfait aux obligations du code de déontologie, accusations qui peuvent ne pas être fondées, mais pas sans conséquence sur le fonctionnaire à la fois sur le plan administratif et pénal. En l'absence d'accès aux pièces du dossier et de la connaissance des déclarations qui ont conduit la CNDS à procéder à des auditions, les incriminés se retrouvent privés du droit de déposer une plainte pour dénonciation calomnieuse, infraction prévue par l'article 226-10 du code pénal. Aussi, il lui demande de l'éclairer sur cette pratique de la CNDS au regard des dispositions tant de la loi du 26 janvier 1984 que du respect du principe constitutionnel, que de la jurisprudence constante en matière de droit de la défense. Il lui demande également de lui apporter des précisions sur les moyens dont disposent les fonctionnaires incriminés privés de l'accès aux pièces du dossier, de déposer plainte pour dénonciation calomnieuse à la fois contre le requérant et les tiers pouvant être à l'origine de la saisine du parlementaire et obtenir réparation du préjudice subi, ces derniers pouvant avoir été injustement été mis en cause, dans l'obligation de justifier de leurs actes devant la CNDS.
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Texte de la REPONSE :
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L'enquête administrative diligentée par la Commission nationale de la déontologie de la sécurité (CNDS) ne constitue pas une procédure disciplinaire. En effet, une procédure disciplinaire a pour finalité le prononcé d'une sanction à l'encontre d'une personne qui a commis une faute. La procédure menée par la CNDS vise uniquement à établir l'existence de manquements aux règles de déontologie qui lui ont été dénoncés. Cette commission ne dispose d'aucun pouvoir de sanction à l'encontre des personnes qui pourraient avoir commis de tels manquements. Elle ne peut, au terme de la procédure diligentée, qu'adresser aux autorités publiques et structures privées exerçant des activités de sécurité des avis ou recommandation visant à remédier aux manquements constatés ou à en prévenir le renouvellement. Les droits de la défense, en particulier le droit d'obtenir communication du dossier de la procédure, ne sont reconnus qu'aux personnes visées par une décision, administrative ou juridictionnelle, susceptible de constituer une sanction. Dans le même sens, le respect des droits de la défense, érigé en principe général du droit par le Conseil d'État, et élevé au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République par le Conseil constitutionnel, ne s'applique, en matière administrative, qu'aux décisions qui prennent le caractère d'une sanction et portent une atteinte substantielle à une situation individuelle. Dès lors, la CNDS ne pouvant prononcer aucune sanction ou mesure pouvant porter atteinte aux personnes qu'elle a entendues, celles-ci ne peuvent se prévaloir du droit à obtenir communication du dossier de la procédure menée par cette commission. Toutefois, si une autorité administrative engage contre un fonctionnaire des poursuites disciplinaires en s'appuyant sur l'avis et les recommandations que la CNDS lui a transmis, elle devra communiquer ces éléments à l'intéressé avant de prendre une décision, conformément aux lois précitées. Le fonctionnaire pourra alors, s'il estime avoir été victime de l'infraction de dénonciation calomnieuse prévue à l'article 226-10 du code pénal, porter plainte contre la personne qui a dénoncé les faits à la CNDS.
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