FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 50929  de  M.   Blessig Émile ( Union pour un Mouvement Populaire - Bas-Rhin ) QE
Ministère interrogé :  Justice
Ministère attributaire :  Justice et libertés (garde des sceaux)
Question publiée au JO le :  02/06/2009  page :  5265
Réponse publiée au JO le :  11/05/2010  page :  5356
Date de changement d'attribution :  23/06/2009
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  juridictions commerciales
Analyse :  procédures
Texte de la QUESTION : M. Émile Blessig attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'article L. 611-2 du code de commerce qui permet au président du tribunal, lorsqu'il résulte d'un acte, document ou procédure, qu'une entreprise connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de son exploitation, de convoquer les dirigeants pour que soient envisagées des mesures propres à redresser la situation. Cette faculté est exercée par la plupart des présidents des tribunaux de commerce dans le cadre de ce qu'il est communément appelé « la prévention détection ». L'article R. 631-5, applicable aux procédures de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, prévoit que le tribunal peut se saisir d'office ou être saisi sur requête du ministère public aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Le même article prévoit que la procédure peut également être ouverte sur assignation d'un créancier. Les présidents d'un certain nombre de tribunaux de commerce, au rang desquels les plus importants, ont créé des cellules occultes de prévention détection ou « systèmes réactifs d'échanges et d'informations » auxquelles participent les représentants des administrations fiscales et sociales, des représentants de la Banque de France, cette liste n'étant pas exhaustive et pouvant comprendre également des commissaires aux comptes. Ces réunions occultes, dont la périodicité varie selon les tribunaux, permettent à chacun des intervenants de solliciter l'étude d'un ou plusieurs dossiers particuliers qui seront ainsi préparés par le greffe. À l'issue de cet examen, il est décidé soit une convocation par le président dans le cadre de l'article L. 611-2, soit une saisine d'office en vue de l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, soit une saisine par l'un des créanciers fiscaux ou sociaux, soit un classement sans suite. Par ailleurs, les administrations fiscales et sociales, notamment l'URSSAF et le Trésor public sont à l'origine de la délivrance d'un nombre très élevé d'assignations en ouverture de redressement ou de liquidation judiciaire. Les commissaires aux comptes ont également, à la suite des contrôles qu'ils effectuent sur les entreprises, la faculté de provoquer des procédures d'alerte. Il lui demande si de telles procédures, nullement prévues par les textes concernant les procédures collectives, ne sont pas contraires au principe du procès équitable au sens des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, notamment au principe du contradictoire. Il s'interroge sur la garantie d'impartialité que peut avoir un justiciable assigné par le tribunal de commerce en liquidation judiciaire ou en redressement judiciaire par l'un quelconque des intervenants à ces réunions informelles organisées par le président du tribunal de commerce. Enfin, au regard de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il se demande s'il n'y a pas une confusion grave et préjudiciable également à l'impartialité de la juridiction entre les fonctions de détection et d'enquête et celle de jugement.
Texte de la REPONSE : Les articles L. 611-2 et R. 611-10 à R. 611-17 du code de commerce consacrent le rôle actif du président du tribunal de commerce en matière de détection des difficultés des entreprises. Dans le même temps, ils fixent les conditions et limites de son intervention. Ces dispositions permettent au président de convoquer un dirigeant à un entretien lorsqu'il résulte de tout acte, document ou procédure que l'entreprise connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l'exploitation. Elles lui ouvrent également la possibilité, postérieurement à 'cette convocation et selon une procédure précise, d'obtenir communication de renseignements sur la situation économique et financière de l'entreprise de la part de certains tiers énumérés à l'article L. 611-2. La pratique qui consisterait, pour un président du tribunal, à participer à des « cellules » comprenant les tiers mentionnés à l'article L. 611-2 et ayant pour objet d'échanger des informations sur des entreprises ainsi que d'analyser leurs difficultés ne s'inscrit pas dans ce cadre normatif. En effet, les renseignements ainsi portés à la connaissance du président ne résulteraient pas d'un « acte, document ou procédure » et ne sauraient donc déboucher sur une convocation. En outre, ils seraient recueillis en dehors de la procédure prévue à cet effet, laquelle subordonne leur obtention, entre autres, à la convocation préalable du dirigeant. À défaut d'avoir été collectées conformément aux prévisions de l'article L. 611-2 ou de tout autre disposition législative, ces informations ne pourraient être utilisées judiciairement, y compris à l'appui d'une saisine d'office du tribunal aux fins d'examen de l'ouverture d'une procédure collective. Si les réunions, en elles-mêmes, ne semblent pas pouvoir être critiquées au regard de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'elles ne relèvent pas du champ du procès équitable, l'opportunité de la présence du président du tribunal doit être appréciée au regard des fonctions juridictionnelles exercées. Ainsi, son impartialité pourrait être mise en cause s'il était appelé à siéger dans une formation de jugement saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure collective à l'égard d'un débiteur dont la situation aurait été évoquée lors des réunions. Une saisine d'office du tribunal ou sur assignation de l'un des créanciers participant à de telles réunions seraient de nature à nourrir encore davantage une suspicion de partialité. Dans ces conditions, la participation du président du tribunal à des « cellules » de la nature de celles décrites par la question n'apparaît pas susceptible de s'inscrire dans le prolongement des missions dont celui-ci est investi, en application du livre VI du code de commerce.
UMP 13 REP_PUB Alsace O