Texte de la QUESTION :
|
M. François Grosdidier alerte M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la situation politique de la Mauritanie après le coup d'État, du 8 août 2008 contre cette démocratie naissante dans ce pays ami de la France et surtout à la veille du simulacre d'élection organisé par la junte le 6 juin prochain. Le 2 juin, dans une salle de l'Assemblée nationale, le Président Abdellahi, président élu, légal et légitime de la Mauritanie a pu s'adresser, en vidéo, à la France : "Je m'adresse à vous à partir du village de Lemden, petite localité du désert mauritanien, cette Terre des hommes si chère à Saint-Exupéry. La magie des nouvelles technologies me permet de m'adresser à vous, alors que vous êtes réunis dans les locaux de l'Assemblée nationale française, fière héritière de la Constituante de 1789... Je m'adresse à vous en ma qualité de président de la république islamique de Mauritanie, élu le 25 mars 2007, de façon transparente et honnête par près de 53 % de mes concitoyens et renversé le 8 août 2008 par mon chef d'état-major particulier. En effet, il y a dix mois, le général Aziz usurpa un pouvoir que les Mauritaniens m'avaient librement confié, quinze mois auparavant. J'avais alors fait le serment devant dieu, devant les Mauritaniens, devant nos partenaires, dont la France, de défendre la Constitution et de veiller au bon fonctionnement de nos institutions. Ce serment, je fais tout mon possible, et je suis résolu de continuer à le faire, pour ne pas le trahir. La France, votre pays, a très vite exprimé sa condamnation ferme du coup d'État et s'est employée à faire adopter sa position au sein de l'Union européenne qu'elle présidait. Elle a pris position en même temps que d'autres grandes nations démocratiques et bien des institutions et organisations internationales. L'Union africaine et les États-unis sont même allés loin. Ils ont inscrits les membres de la junte, le gouvernement de celle-ci et ses soutiens politiques sur une liste noire. Les sanctions individuelles visant les fauteurs de ce coup d'État sont très efficaces et épargnent les populations des affres de l'embargo... Vous avez certainement reçu les échos des manifestations, sit-in, marches blanches et nuits blanches que les Mauritaniens et, de façon remarquable, les Mauritaniennes ont organisés et continuent à organiser contre le coup d'État et l'agenda unilatéral de la junte. Des femmes ont été battues. Des parlementaires, vêtus de leur écharpe d'élus, ont été maltraités et certains d'entre eux ont été passés à tabac par les forces de l'ordre. Le premier ministre et plusieurs de ses collaborateurs sont en prison. Le pays est bloqué depuis dix mois, livré à des règlements de compte de toute sorte et à l'appétit de clans et de factions qui s'empressent de le piller avec méthode et un savoir-faire consommé. Tout cela parce qu'un officier de l'armée a estimé que le président de la république, son supérieur hiérarchique, ne pouvait pas le limoger et qu'il menait une politique qui ne lui convenait pas... Les partenaires de la Mauritanie, organisés en groupe international de contact, sont de nouveau au chevet de notre pays... Mais j'ai dit à mes compatriotes que la solution ne pourrait venir que du dialogue entre Mauritaniens. J'ai été élu pour cinq ans... Mais j'ai suggéré à mes compatriotes, y compris ceux qui s'était fourvoyés dans le soutien de l'anticonstitutionnalité, de se mettre autour d'une table et de débattre de leurs problèmes. Je m'engage à appliquer la solution qu'ils auront dégagées, à condition qu'elle ne viole pas la Constitution". Enfin, le président n'a pas manqué de souligner l'enjeu au-delà de la Mauritanie : "Le putsch en Mauritanie a ouvert la voie à bien d'autres sur le continent. Mais ce putsch n'est pas encore consommé. Sa mise en échec découragerait bien d'autres. C'est une dictature naissante, encore fragile. Aidez-nous à y mettre fin. Ne laissez pas la chape militaire retomber sur les Mauritaniens. Vive la Mauritanie, vive la démocratie et le respect du choix du peuple ! ". Il souhaite qu'il lui confirme la fermeté de la position française, exprimée clairement par le Président de la République française, mais que des informations publiées par la presse ont pu brouiller : interventions officieuses de représentants d'intérêts français, déclarations du représentant de la France complaisantes pour la junte... Il souhaite enfin savoir quand la France et l'Union européenne s'aligneront, dans les faits, sur la position ferme de l'Union africaine et des États-unis, en mettant en oeuvre des sanctions individuelles contre les membres et les soutiens de la junte, seules mesures de nature à les faire céder tant leur motivation est plus mercantile qu'idéologique.
|
Texte de la REPONSE :
|
Après une transition démocratique menée de 2005 à 2007, la Mauritanie constituait, à la veille du coup d'État du 6 août dernier, un modèle pour l'Afrique. Ce pays représente par ailleurs pour la France un partenaire historique privilégié. Les autorités françaises n'ont donc pas ménagé leurs efforts pour aider la Mauritanie à sortir de la crise ouverte par le coup d'État. La France, qui assumait alors la présidence du Conseil de l'Union européenne, a condamné avec la plus grande fermeté le coup d'État du 6 août 2008, à l'instar de l'Union africaine et de l'ensemble de la communauté internationale. Cette position s'est traduite par le gel d'une partie de la coopération internationale. Bien entendu, les mesures de gel des programmes et projets de la coopération française ont fait l'objet d'un examen vigilant afin de ne pas priver la population d'une aide indispensable. Les aides alimentaire et humanitaire notamment ne sont pas concernées. Au niveau de l'Union européenne, une procédure de dialogue renforcé, dans le cadre de l'article 96 de l'accord de Cotonou, a été mise en oeuvre. Parallèlement, la France, avec ses partenaires internationaux réunis au sein d'un groupe international de contact, n'a cessé de promouvoir une solution consensuelle permettant le retour à l'ordre constitutionnel. Dans ce contexte, un accord entre les principales forces politiques mauritaniennes a pu être signé à Nouakchott le 4 juin, à l'issue d'une médiation conduite par le Président Abdoulaye Wade et le ministre des affaires étrangères sénégalais, M. Cheikh Tidiane Gadio, avec l'appui du groupe international de contact. Cet accord ouvre la voie au règlement de la crise politique que connaît la Mauritanie depuis août dernier, via l'organisation d'une élection présidentielle prévue les 18 juillet et 1er août 2009. Conformément à cet accord, un gouvernement transitoire d'union national a été mis en place et le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a démissionné de ses fonctions, qui sont dans l'intérim assumées par le président du Sénat. La France apporte son plein soutien à la mise en oeuvre de cette solution de sortie de crise, notamment à travers un appui au dispositif d'assistance et d'observation électorale mis en place par l'Organisation internationale de la francophonie.
|