FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 53912  de  M.   Liebgott Michel ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  Culture et communication
Ministère attributaire :  Culture et communication
Question publiée au JO le :  30/06/2009  page :  6294
Réponse publiée au JO le :  27/07/2010  page :  8310
Rubrique :  propriété intellectuelle
Tête d'analyse :  droits d'auteur
Analyse :  oeuvres multimédia. reproduction
Texte de la QUESTION : M. Michel Liebgott interroge M. le ministre de la culture et de la communication sur la décision du Conseil constitutionnel s'agissant de la loi sur le téléchargement illégal. Le Conseil constitutionnel a censuré, le mercredi 10 juin 2009, dans les articles 5 et 11 de la loi « création et Internet », toutes les dispositions accordant un pouvoir de sanction à la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres de la protection des droits sur Internet (Hadopi). Le Conseil considère que le droit de se connecter à Internet relève de la liberté de communication et d'expression. Il se réfère à l'exercice de cette liberté énoncée à l'article 11 de la déclaration de 1789. De surcroît, il affirme que ce droit « implique » la liberté d'accès à Internet. En ce qui concerne les prérogatives de l'autorité administrative (Hadopi), le Conseil constitutionnel a validé tout ce qui relevait d'un pouvoir d'avertissement. En revanche, il estime que seule une juridiction peut être habilitée à suspendre l'accès à Internet. Le Conseil constitutionnel rappelle enfin un principe fondamental du droit français : la présomption d'innocence. Le dispositif prévu visait à poser l'obligation pour tout abonné à Internet de veiller à ce que cet accès ne puisse être utilisé pour télécharger illégalement. Compte tenu de la difficulté de démontrer que l'accès au web avait été utilisé à son insu, le Conseil a estimé que le texte conduisait à instituer une présomption de culpabilité. Il lui demande donc ses intentions.
Texte de la REPONSE : La loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet du 12 juin 2009 a pour objectif de prévenir le pillage des oeuvres sur Internet, dont l'ampleur remet en cause les fondements mêmes de la diversité culturelle en tarissant les sources de rémunération et de financement des artistes et des industries culturelles. À cet effet, elle confie à une Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) la mission d'adresser aux titulaires d'abonnements dont les accès ont été utilisés à des fins de piratage des recommandations pédagogiques, d'abord sous forme électronique puis, en cas de nouveau manquement, par lettre remise contre signature. Toutefois, les recommandations adressées par la HADOPI n'auront d'effet dissuasif que si elles sont assorties d'une possible sanction en cas de renouvellement des infractions. Il avait donc été envisagé de confier à la HADOPI la compétence de prononcer, à l'encontre des abonnés qui auraient manqué de façon répétée à leur obligation de surveillance en dépit des avertissements reçus, une suspension temporaire de leur accès Internet. Dans sa décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, le Conseil constitutionnel a considéré que, dans la mesure où une sanction de cette nature pouvait conduire à restreindre l'exercice, par toute personne, de son droit de s'exprimer et de communiquer librement, le législateur ne pouvait, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, confier de tels pouvoirs à une autorité administrative. Pour autant, le Conseil n'a absolument pas jugé que l'accès à Internet constitue en lui-même un droit fondamental, et encore moins qu'il devrait prévaloir sur tous les autres droits et libertés. En effet, si le Conseil a renvoyé au juge la possibilité de prononcer une sanction de suspension de l'accès à Internet, il n'a pas remis en cause le dispositif de lutte contre le piratage des oeuvres culturelles mis en place par la loi du 12 juin 2009, fondé sur le signalement des actes de téléchargement illégal par les ayants droit et leur traitement par la HADOPI sous la forme de recommandations. Il a même consacré la légitimité de cette démarche préventive de la HADOPI compte tenu de l'ampleur des contrefaçons commises au moyen d'Internet et de l'utilité, dans un souci de bonne administration de la justice, de limiter le nombre d'infractions dont l'autorité judiciaire sera saisie. Toutefois, amputé de toute possibilité de sanction en cas de renouvellement des infractions, le dispositif confié à la HADOPI s'est trouvé privé d'un maillon qui était de nature à en assurer l'efficacité car l'action préventive est d'autant plus crédible et efficace qu'il existe, au bout du compte, la menace réelle de la sanction. La loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet du 28 octobre 2009 tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel précitée en renvoyant au juge la possibilité de prononcer une sanction de suspension de l'accès à Internet à l'encontre des internautes préalablement avertis, au moins à deux reprises, par la HADOPI. La loi prévoit tout d'abord la possibilité d'un recours à la procédure du juge unique aux ordonnances pénales en matière de contrefaçon sur Internet. Parallèlement, le juge pourra prononcer une nouvelle peine de suspension de l'abonnement, en plus ou à la place des peines d'amende et d'emprisonnement déjà prévues. La loi permet, en second lieu, la création d'une contravention de négligence caractérisée visant à sanctionner l'abonné qui laisse utiliser sa connexion à Internet pour commettre des téléchargements illégaux. Le juge pourra dans ce cas sanctionner la personne concernée d'une peine complémentaire d'un mois de suspension de son accès à Internet.
S.R.C. 13 REP_PUB Lorraine O