Texte de la QUESTION :
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Mme Annick Le Loch attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur les conséquences qu'aurait la suppression du juge d'instruction notamment pour mener à bien le volet pénal du dossier amiante. Alors que le procès pénal s'est ouvert au printemps 2009 en Italie et que la première plainte d'une victime française remonte déjà à treize années, les dizaines de milliers de victimes recensées, leurs veuves et ayants droit, se désespèrent de voir enfin se tenir le procès pénal tant attendu. Outre le fait que l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) est doté d'une cellule amiante composé de onze enquêteurs, alors qu'il en faudrait au moins le double pour mener à bien les investigations de police judiciaire relatives aux dossiers amiante, il est à craindre que le projet de suppression du juge d'instruction ne vienne également gravement hypothéquer la tenue d'un procès pénal touchant à la sphère de la santé publique. Alors que le rapport officiel issu des travaux du comité Léger visant à formuler des propositions en matière de justice pénale demeure attendu, certaines conclusions révélées le 16 juin 2009 laissent entrevoir que le parquet deviendrait le seul directeur d'enquête. Les possibilités de contre-expertise ou de contre-enquête, auparavant diligentée par le juge d'instruction, magistrat indépendant, seraient donc réduites et réservées à une partie civile disposant de moyens. Dès lors, la recherche de simplicité et d'efficacité affichée se traduira inévitablement par une procédure moins objective et une justice moins indépendante, au risque de bafouer le principe essentiel d'égalité de tous devant elle. Les conditions pour mener à bien le procès pénal de l'amiante étant encore aujourd'hui préservées, elle lui demande de contribuer à conforter rapidement les moyens d'une instruction entamée en 1996 afin que la justice puisse enfin statuer en toute indépendance. Enfin, elle souhaiterait connaître plus généralement les propositions que le Gouvernement entend formuler pour asseoir réellement les droits des justiciables en matière pénale.
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Texte de la REPONSE :
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Le comité de réflexion sur la justice pénale présidé par M. Philippe Léger, ancien avocat général à la Cour de justice des communautés européennes, a remis son rapport au Président de la République le 2 septembre 2009. Ce comité, qui avait pour mission de réfléchir à une rénovation et à une remise en cohérence du code de procédure pénale, formule douze propositions afin de réformer cette procédure. Il est ainsi proposé de rénover en profondeur la phase préparatoire au procès pénal en transformant le juge de l'instruction en un juge de l'enquête et des libertés, en créant un cadre d'enquête unique dirigée par le procureur de la République et en renforçant les droits des mis en cause et des victimes. Le comité envisage également un nouveau déroulement de l'audience pénale avec un président davantage arbitre du débat judiciaire et des interrogatoires menés par le ministère public et les parties. Sur les bases de ce rapport, une large consultation va être menée par le ministère de la justice afin de poursuivre cette réflexion et de permettre l'élaboration d'un projet de loi réformant la procédure pénale, qui pourrait être prochainement présenté au parlement. Les associations de victimes seront bien évidemment associées à cette consultation. Quelles que soient les orientations retenues, ce projet de loi devra préserver l'intégralité des droits des victimes qui bénéficieront toujours de la possibilité de déclencher des investigations ou de devenir partie à une enquête avec des droits équivalents aux droits actuels de la partie civile. De la même manière, les contreparties procédurales ou statutaires susceptibles d'être justifiées par la suppression du juge d'instruction seront examinées avec une attention toute particulière, afin de permettre que les toutes les procédures pénales soient menées, à charge et à décharge, de façon autonome par les autorités judiciaires. Par ailleurs, le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, veillera à ce que la mise en place de cette réforme n'entraîne aucun retard dans la conduite des procédures qui seront alors en cours. Enfin, en ce qui concerne plus spécifiquement les procédures pénales liées à l'amiante, tout est mis en oeuvre pour que les magistrats en charge de ces dossiers disposent des moyens nécessaires pour mener à bien leurs investigations. Ainsi, dans un souci de bonne administration de la justice, une circulaire a été adressée le 12 mai 2005 aux procureurs généraux pour que ces affaires particulièrement complexes soient regroupées dans des juridictions disposant de moyens spécifiques et de magistrats spécialisés. Dès le mois de janvier 2006, les procédures liées à l'amiante ont été transmises aux pôles de santé publique de Paris ou de Marseille. D'importants moyens ont été mis à la disposition des magistrats, notamment par le recours à des assistants et à des enquêteurs spécialisés accompagné d'un renforcement des effectifs de l'Office central de lutte contre les atteintes environnementales et la santé publique (OCLAESP). Ce renforcement a abouti depuis le 1er janvier 2009 à un quasi doublement des effectifs de la « cellule amiante » de l'OCALESP, qui est actuellement composée de 11 gendarmes et policiers qui sont en charge des enquêtes préliminaires et des commissions rogatoires ordonnées par les juges d'instruction des pôles de santé publique. La cellule amiante coordonne également les enquêtes des 15 groupes régionaux, dont l'effectif est de 75 policiers et gendarmes, qui travaillent à temps plein sur les procédures d'exposition à l'amiante.
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