FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 59178  de  M.   Raimbourg Dominique ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Loire-Atlantique ) QE
Ministère interrogé :  Affaires étrangères et européennes
Ministère attributaire :  Affaires étrangères et européennes
Question publiée au JO le :  22/09/2009  page :  8902
Réponse publiée au JO le :  27/10/2009  page :  10166
Rubrique :  traités et conventions
Tête d'analyse :  traité instituant une cour pénale internationale
Analyse :  attitude de la France
Texte de la QUESTION : M. Dominique Raimbourg attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la nécessité de mettre enfin notre droit en conformité avec le statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) que la France a ratifié en 2000. La loi française doit définir, d'une part, les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, conformément au statut de la CPI, mais également l'imprescriptibilité de ces crimes. Pour pouvoir juger les crimes cités dans le statut de la CPI, les juges français ont besoin de s'appuyer sur une loi interne. Cependant, le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la CPI, examiné par le Sénat, ne contient aucune disposition relative aux crimes de guerre et ne reconnaît pas non plus aux tribunaux français de compétence territoriale élargie pour les crimes visés par le statut de la CPI. En conséquence, il lui demande les intentions du Gouvernement afin que soit déposé au plus vite un projet de loi conforme aux principes généraux du droit pénal international, afin que l'isolement de la France à l'échelle de l'Union soit rompu.
Texte de la REPONSE : L'honorable parlementaire a souhaité interroger M. le ministre des affaires étrangères et européennes au sujet de la mise en conformité du droit français avec le statut de la Cour pénale internationale (CPI) et notamment au sujet de la définition dans la loi française des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre, ainsi que de la question de l'imprescriptibilité et de la compétence territoriale élargie des tribunaux français. Cette question appelle la réponse suivante : 1. La Convention signée à Rome le 17 juillet 1998 portant statut de la CPI, ratifiée par la France le 9 juin 2000, fait obligation à tous les États parties d'adapter leur législation interne afin de « coopérer pleinement » avec la cour. La loi n° 2002-268 du 26 février 2002 relative à la coopération avec la cour a permis à la France de se conformer à cette obligation de coopération avant même l'entrée en vigueur du statut de Rome, le ler juillet 2002. Celui-ci ne fixe aucune autre obligation notamment de transposition des infractions de la compétence de la CPI. C'est pourquoi le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la cour - qui a été adopté en première lecture au Sénat le 10 juin 2009 et devrait être examiné par l'Assemblée nationale dès que le calendrier parlementaire le permettra - n'est aucunement un texte de transposition des dispositions du statut de Rome. Une fois voté par le Parlement, il constituera le second volet de l'adaptation de notre droit aux dispositions du statut de Rome. 2. Sur le fond, le projet de loi prévoit d'adapter notre droit interne afin de permettre la poursuite, par les juridictions nationales, des auteurs de crimes entrant dans le champ de la compétence de la cour (génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre) en application du principe de complémentarité de juridiction prévu par le statut de Rome. Le Gouvernement n'a pas jugé nécessaire de reprendre strictement les définitions des infractions énumérées dans le statut pour y parvenir, la plupart des infractions qui y sont énumérées pouvant d'ores et déjà être poursuivies en application du droit en vigueur. Il a néanmoins fait le choix d'une certaine harmonisation avec les définitions des crimes figurant dans le statut de Rome en complétant notamment les dispositions actuellement applicables au génocide et aux crimes contre l'humanité. 3. Le projet de loi contient par ailleurs, depuis sa transmission au Parlement en juillet 2006, des dispositions spécifiques relatives aux crimes de guerre. Le Gouvernement a en effet souhaité traiter, de manière autonome dans notre code pénal, les crimes et délits commis en temps de guerre dont la répression relève jusqu'à présent de dispositions de droit commun et d'incriminations disséminées notamment dans le code pénal et le code de justice militaire. 4. Quant à la question de l'imprescriptibilité des crimes de la compétence de la CPI, ce principe fixé par le statut de Rome a vocation à s'appliquer aux procédures engagées devant la cour. En droit français, la règle de prescription de l'action publique est un principe qui ne souffre d'exception que pour les crimes qui révoltent particulièrement la conscience collective et qui sont imprescriptibles par leur nature. C'est le cas des crimes contre l'humanité qui couvrent le génocide en droit interne (cf. articles 211 et suivants du code pénal). Sans les relativiser, les crimes de guerre relèvent d'une logique différente. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a jugé souhaitable de conserver à l'imprescriptibilité un caractère d'exception afin de ne pas banaliser la catégorie des crimes contre l'humanité compte tenu de leur exceptionnelle gravité, comme l'a rappelé le président Badinter lors de l'examen du projet de loi au Sénat. Les recommandations d'un récent rapport parlementaire vont d'ailleurs dans le même sens (cf. rapport du Sénat de juin 2007 : « Pour un droit à la prescription moderne et cohérent »). Néanmoins, soucieux de prendre en compte la spécificité des crimes de guerre, le Gouvernement a prévu une extension des délais de prescription aujourd'hui applicables. Un régime de prescription renforcée au regard des règles de droit commun en matière criminelle a de ce fait été prévu dans le projet de loi d'adaptation faisant passer ce délai de 3 à 20 ans pour les délits de guerre et de 20 à 30 ans pour les crimes de guerre. 5. Enfin, le Gouvernement avait fait le choix de ne pas introduire dans le projet de loi d'adaptation transmis au Parlement de clause de compétence quasi universelle autorisant les tribunaux français à poursuivre les auteurs de crimes de la compétence de la CPI commis à l'étranger, par des étrangers, contre des étrangers et ce, pour plusieurs raisons : d'abord parce que, comparativement à de nombreux États, les critères de compétence de droit commun de nos juridictions sont déjà très larges pour connaître de faits commis à l'étranger. Ainsi, en plus de la compétence territoriale traditionnelle qui permet aux juridictions nationales de connaître des crimes commis sur notre sol, une compétence personnelle permet aux juges français de poursuivre les auteurs d'un crime commis à l'étranger par l'un de nos ressortissants, ou bien lorsque des Français figurent parmi les victimes ; ensuite, parce que, par principe, une telle compétence n'a été introduite en droit interne que sur le seul fondement des engagements internationaux souscrits par la France le prévoyant expressément (c'est le cas de la convention contre la torture ou encore de la convention pour la répression du terrorisme). Or aucune disposition du statut de Rome ne prévoit d'obligation de cette nature. Par ailleurs, et en tout état de cause, en dehors des cas de saisine de la cour par le Conseil de sécurité des Nations unies, la compétence des juridictions françaises serait a priori limitée à la poursuite des auteurs de crimes de la nationalité d'un État partie au statut de Rome, ce qui en réduirait sensiblement la portée. On doit rappeler que la question de la portée des clauses de compétence extra-territoriale à l'égard des ressortissants d'États non parties à une convention est actuellement pendante devant la Cour internationale de justice. Lors de l'examen de ce projet de loi d'adaptation le 10 juin 2009, les sénateurs ont finalement adopté un amendement parlementaire introduisant une telle compétence pour nos juridictions. Conscients des problèmes pratiques que pourrait soulever sa mise en jeu et à la lumière notamment des expériences de certains États qui les ont conduits à revenir partiellement en arrière en la matière, les sénateurs ont souhaité la subordonner à plusieurs conditions notamment de résidence habituelle en France de l'auteur des faits et de monopole des poursuites par le ministère public après vérification qu'aucune autre juridiction internationale ou nationale ne demande la remise de l'intéressé ou son extradition. Une compétence quasi universelle ainsi encadrée a été jugée acceptable par le Gouvernement. Au-delà de la compétence de nos juridictions, en toute hypothèse, un éventuel suspect présent sur le sol français pourrait toujours être interpellé sur la base d'un mandat d'arrêt délivré par la cour et remis à celle-ci ou à tout autre État revendiquant sa compétence aux fins de le juger.
S.R.C. 13 REP_PUB Pays-de-Loire O