Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Jacques Candelier attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la survivance de l'esclavage en Mauritanie. Travail non rémunéré, vente, viol, lynchage, castration ou « suppression de la vie », tout ceci est vécu encore aujourd'hui par les Haratine (esclaves des Maures) de Mauritanie. L'Association des Haratine de Mauritanie en Europe (AHME) milite contre l'esclavage en Mauritanie, ancienne colonie française où l'esclavage a été aboli par le décret du 12 décembre 1905. Cette abolition a été plus au moins appliquée (création des villages de liberté, acceptation des Haratine à l'école...), mais ce décret n'a pas été intégré dans la législation mauritanienne après l'indépendance en 1960. L'État postcolonial a adopté l'ordonnance n° 81-234 du 09 novembre 1981 et la loi n° 2007-048, mais celles-ci n'ont jamais été appliquées. Cette absence de volonté politique a conduit à la persistance au fléau social de l'esclavage. La Mauritanie est membre de la Francophonie et l'Union européenne demeure son premier bailleur de fonds. Il lui demande de bien vouloir lui donner son appréciation de la situation des Haratine. Il lui demande quels moyens il compte mettre en oeuvre pour aller vers l'abolition effective de l'esclavage et du racisme en Mauritanie, condition préalable à l'existence d'un État de droit fondé sur l'égalité, la justice et le respect mutuel entre les trois communautés (Maures, Négro-mauritaniens et Haratine).
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Texte de la REPONSE :
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La question de la lutte contre l'esclavage est un sujet de préoccupation majeure pour la France. La loi adoptée unanimement par les parlementaires mauritaniens en 2007 incrimine et réprime les pratiques esclavagistes. Elle criminalise également les pratiques discriminatoires à l'égard des hommes, des femmes et des enfants. Même si elle demeure perfectible, elle consacre des avancées par rapport aux textes antérieurs et permet à la Mauritanie de progresser dans la mise en conformité de sa législation avec ses engagements internationaux. Les résultats concrets concernant la protection de la communauté « haratine » sont cependant insuffisants et l'application effective du droit requiert à la fois la détermination des administrations, la modernisation du fonctionnement de la justice, le renforcement des acteurs de la société civile et la sensibilisation des populations concernées. Le président nouvellement élu de la République islamique de Mauritanie s'est engagé à régler un certain nombre de questions cruciales pour la stabilité et la cohésion de la société mauritanienne, dont le règlement du « passif humanitaire » et la mise en oeuvre de la loi sur les pratiques esclavagistes. Ces questions doivent notamment faire l'objet du dialogue politique inclusif prévu par l'Accord intermauritanien de Dakar, signé le 4 juin 2009 à Nouakchott. À titre bilatéral, la France soutient activement plusieurs actions dans le domaine de la lutte contre les formes modernes d'esclavage en Mauritanie. Le fonds social de développement (FSD) finance de nombreux projets portés par la société civile mauritanienne comme le développement d'activités économiques par les Haratine, esclaves affranchis. D'autres projets sont plus largement centrés sur la dignité des personnes (lutte contre l'extrême pauvreté, importants soutiens aux fédérations des personnes handicapées, projets ciblant les femmes victimes de violence). Notre ambassade en Mauritanie apporte également son appui à différents projets en faveur d'une abolition effective : financement d'associations nationales, actions de sensibilisation et de formation, notamment dans les lycées. Des conférences sur ce thème ont par exemple été organisées au centre culturel français, à l'occasion des célébrations du 60e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme. La France continue également de porter ce sujet à un niveau multilatéral. Au conseil des droits de l'homme de l'ONU, elle avait soutenu la création en 2007 du mandat de rapporteur spécial sur les formes contemporaines d'esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, qui a succédé au groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage. L'experte indépendante des Nations unies, Mme Gulnara Shahihian, vient précisément d'effectuer une visite en Mauritanie (24 octobre - 4 novembre 2009). La France étudiera attentivement les conclusions et recommandations de son rapport, attendu prochainement. De manière générale, notre pays accorde une attention toute particulière à cette question, notamment lors de l'examen périodique de la Mauritanie dans le cadre du conseil des droits de l'homme.
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