Texte de la QUESTION :
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M. Jérôme Bignon attire l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État sur les licenciements d'agents contractuels et les « mises au placard » d'agents publics pour des motifs politiques, lors des changements de majorité dans les collectivités territoriales. Si, depuis la décision du Conseil d'État (arrêt Barel 28 mai 1954), les fonctionnaires savent qu'un pouvoir hiérarchique ne saurait, sans méconnaître le principe de l'égalité de l'accès de tous les Français aux emplois et fonctions publics, écarter un candidat en se fondant exclusivement sur ses opinions politiques, les agents publics des collectivités territoriales n'ont pas les mêmes garanties. On constate de plus en plus que les changements de majorité dans les collectivités territoriales sont suivis de licenciements d'agents contractuels, sans autre motif que leur remplacement par d'autres contractuels supposés plus soumis à la nouvelle majorité ou pire, par la "mise au placard" d'agents titulaires ou en contrat à durée indéterminée, payés à ne plus rien faire à leur niveau de compétence et de rémunération. Coûteux en argent public par les doublons ainsi créés, souvent dramatiques sur le plan humain par le sentiment d'inutilité sociale, d'isolement physique et moral, d'injustice ressentie, inadmissibles dans une société de droit, ces comportements sont évidemment illégaux. De ce fait beaucoup d'agents territoriaux s'étiolent dans un bureau à occuper des journées sans fin dans des missions sans objet. Ils donnent, malgré eux, une image désastreuse de la fonction publique. Les agents concernés sont démunis pour obtenir des réparations rapides et opérationnelles. La saisine du juge administratif est un parcours aussi long que coûteux, si l'on prend un avocat, et à l'issue incertaine si l'on ne dispose pas "d'une décision faisant grief" que l'exécutif averti se garde bien de prendre. Les élus responsables, souvent très attentifs aux conditions de travail dans les entreprises privées, légitiment ces décisions désastreuses au motif qu'ils doivent s'appuyer sur une administration qu'ils qualifient de loyale, en la voulant simplement partisane. N'ayant pas à supporter aucune conséquence personnelle de telles décisions, ils ont tendance à les multiplier au-delà des personnels de cabinet ou de direction générale des services que la loi autorise. Les élections régionales puis cantonales sont devant nous. Il faut affirmer maintenant que notre pays ne peut pas s'offrir deux fonctions publiques territoriales, l'une de gauche et l'autre de droite, à tour de rôle dans un placard en attendant l'alternance. La loi charge le préfet du contrôle de la légalité des actes administratifs des collectivités territoriales. Le statut des personnels de ces collectivités relève de la loi, donc de son contrôle. Ainsi, un agent victime de cette "mise au placard" saisirait d'un recours gracieux le chef de l'exécutif de sa collectivité pour être rétabli dans ses fonctions ou que de nouvelles lui soient précisées. Sans réponse dans le délai légal de deux mois, il saisirait le préfet qui exigerait lui-même de la collectivité, sous un délai de deux mois, une décision formelle et motivée pour en vérifier la légalité. Faute de cette décision formelle, indispensable à la saisine du tribunal administratif, (que beaucoup d'exécutifs réfléchiraient avant de prendre), le préfet défèrerait cette "décision implicite" au juge administratif. De plus, l'intervention du préfet donnerait une publicité bien venue à ces pratiques et contribuerait, sans aucun doute, à les faire disparaître du paysage social de nos collectivités. Compte tenu de la rareté de l'argent public, il demande si le Gouvernement envisage de prendre des mesures pour arrêter ces pratiques illégales, et humainement désastreuses, que sont les « mises au placard » d'agents publics pour des motifs politiques. Il demande également si les préfets sont aujourd'hui engagés dans le contrôle de légalité des décisions des collectivités territoriales en matière de personnel afin d'éradiquer cette pratique. Il demande si une instruction peut leur être donnée ou renouvelée pour déférer au juge administratif les décisions non motivées ou susceptibles d'illégalité.
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Texte de la REPONSE :
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Le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a pris connaissance avec intérêt de la question relative aux licenciements d'agents contractuels et aux mises à l'écart d'agents publics pour des motifs politiques, lors des changements de majorité dans les collectivités territoriales. La mise à l'écart d'un agent territorial pour des motifs d'ordre politique est d'ores et déjà susceptible de donner lieu à un recours contentieux. Dans le cas où aucun acte n'a été formellement pris, l'agent a la possibilité de faire naître une décision, notamment en demandant à bénéficier d'un rétablissement dans ses précédentes fonctions ou en tout état de cause dans des missions conformes à celles définies par le statut particulier de son cadre d'emplois, assorties des conditions matérielles permettant leur exercice. Le refus, exprès ou implicite, de donner suite à cette demande constitue une décision susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux. S'il apparaît que cette décision a été prise pour des motifs autres que ceux tirés de la bonne marche du service et de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, elle pourra être annulée par le juge administratif comme entachée de détournement de pouvoir ou, le cas échéant, comme contraire aux dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi n° 88-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Cette procédure peut être engagée sans préjudice d'éventuelles actions pénales contre l'élu ou l'agent responsable en cas de harcèlement (Cass. Crim. 21 juin 2005, Bulletin n° 187, page 661). En ce qui concerne la proposition de confier un rôle particulier au représentant de l'État, celle-ci ne paraît pas en phase avec le recentrage du contrôle de légalité qui a récemment fait l'objet d'une habilitation législative donnée au Gouvernement et débouché sur l'ordonnance du 17 novembre 2009.
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