FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 61693  de  M.   Trassy-Paillogues Alfred ( Union pour un Mouvement Populaire - Seine-Maritime ) QE
Ministère interrogé :  Alimentation, agriculture et pêche
Ministère attributaire :  Alimentation, agriculture et pêche
Question publiée au JO le :  27/10/2009  page :  10065
Réponse publiée au JO le :  02/02/2010  page :  1068
Rubrique :  agriculture
Tête d'analyse :  PAC
Analyse :  surfaces herbagères. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Alfred Trassy-Paillogues attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur les nouvelles règles des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) annoncées pour 2010 dans le cadre du bilan de santé de la PAC. Celles-ci inquiètent en effet fortement les agriculteurs qui souhaitent, dans le contexte de crise sérieuse que connaît actuellement la profession, avoir plus de lisibilité sur le long terme. Pour ce qui concerne les BCAE « maintien des particularités topographiques », le choix d'aller au-delà des exigences européennes en consacrant 5 % de la surface agricole utile au maintien d'éléments fixes du paysage représente un réel coût économique pour les agriculteurs qui s'apparente à un retrait de 5 % de la surface exploitée. De même, pour la BCAE « herbe » qui prévoit une interdiction des retournements de prairies quelle que soit leur localisation, il ne semble pas justifié de figer des systèmes d'exploitation alors qu'il n'existe pas, pour certaines prairies, de débouchés économiques et/ou d'intérêt environnemental à leur maintien. Les organisations syndicales demandent donc un report d'application de ces nouvelles BCAE avec une mise en place progressive entre 2011 et 2013, ainsi que l'abaissement à 3 % du plafond de la BCAE « maintien des particularités topographiques » et la suppression de la BCAE « herbe » pour les zones à faible enjeu environnemental. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui préciser quelle suite il compte donner à ces sollicitations.
Texte de la REPONSE : Les conditions de mise en oeuvre du « bilan de santé » de la politique agricole commune (PAC) sont issues d'un long processus de concertation mené notamment avec l'ensemble des organisations professionnelles agricoles au premier semestre de l'année 2009. Les derniers arbitrages concernant les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) « herbe » et « particularités topographiques » ont été rendus publics à la fin du mois de juillet et publiés dans la presse agricole en août 2009. Ce processus de concertation a abouti à la réorientation de 700 millions d'euros d'aides en faveur des exploitations herbagères par la mise en place de droits à paiement unique « herbe ». Afin de garantir que les exploitations herbagères maintiennent bien leurs surfaces en herbe malgré la mise en place de ce droit à paiement unique (DPU), aide découplée de la nature de la production, des règles d'encadrement, voire d'interdiction de retournement de certaines catégories de prairies ont été introduites à travers une conditionnalité : la BCAE « gestion des surfaces en herbe ». Ces dispositions s'inscrivent dans la réglementation communautaire qui impose aux États membres de respecter un ratio de prairies permanentes (ensemble des prairies naturelles et des prairies temporaires de plus de cinq ans) dans la surface agricole utile par rapport à 2005. En cas de détérioration, les États membres doivent se donner les moyens de limiter l'érosion des pâturages permanents, voire d'en obliger la réimplantation si la baisse atteint 10 %. Ce ratio ne s'est pas dégradé au regard de son niveau de 2005. Au regard de ce constat, les règles de la BCAE relatives à la gestion des surfaces en herbe, et plus précisément l'interdiction stricte de retournement des prairies naturelles, ont été modifiées. Cette interdiction conduit en effet à figer excessivement les parcelles agricoles et à bloquer les possibilités de gestion courante des exploitations, notamment de remaniement des parcelles, d'aménagement de l'exploitation et d'entretien des prairies. Avec les assouplissements déjà décidés début octobre, dans un souci de pragmatisme et de pédagogie, les règles de gestion des prairies sont désormais les suivantes : 1. Les prairies naturelles peuvent être retournées selon les mêmes règles que les prairies temporaires de plus de cinq ans, c'est-à-dire à condition d'être réimplantées à l'identique pour une surface similaire sur une autre parcelle de l'exploitation. 2. Une tolérance est accordée dans les surfaces réimplantées pour tenir compte de la réalité des exploitations, et notamment du parcellaire agricole qui n'est pas de taille constante. Le ratio de prairies sera examiné chaque année au niveau départemental pour vérifier que cette tolérance n'entraîne pas de dégradation des surfaces en herbe. 3. Aucune déclaration n'est nécessaire avant de retourner ces prairies. 4. Les prairies temporaires de moins de cinq ans pourront être retournées dans la limite de 50 %. 5. Les exigences seront adaptées pour les jeunes agriculteurs qui s'installent au regard de leurs projets d'installation. 6. Des dérogations seront accordées aux exploitations en reconversion aidée par l'État. 7. Les surfaces qui étaient déclarées en prairies temporaires l'année de référence alors qu'elles étaient en gel l'année précédente ne seront pas retenues dans la référence. 8. Les surfaces en prairies temporaires engagées dans une mesure agro-environnementale de reconversion des terres arables ne seront pas non plus comptabilisées. Ces nouvelles dispositions permettent de redonner de la souplesse de gestion aux exploitations agricoles et de respecter l'équilibre général de la mise en oevre du bilan de santé de la PAC ainsi que les engagements communautaires de la France. En effet, les prairies naturelles piègent et stockent du carbone et sont des réservoirs de biodiversité, ce qui justifie leur maintien ; en cas de retournement, le stock de carbone est relâché rapidement et les conditions nécessaires au maintien d'une biodiversité sont fortement détériorées. Les assouplissements apportés à la BCAE herbe visent simplement, en gardant une superficie de prairies constante, à permettre les adaptations marginales des exploitations, et ainsi à rendre cette mesure applicable sur le terrain ; ils visent également, et paradoxalement, à ne pas pénaliser des exploitations qui, ayant développé des pratiques herbagères, se retrouveraient complètement figées et bloquées dans leur stratégie vertueuse d'un point de vue environnemental. La principale garantie que le bilan carbone national des prairies ne sera pas détérioré réside dans le fait que le ratio de prairies permanentes au niveau national ne doit pas se dégrader. Ainsi, les stocks de carbone dans les sols sont maintenus à l'échelle de la France entière. Pour ce qui concerne le maintien des particularités topographiques, la règle communautaire est de maintenir les particularités topographiques existantes en 2010, notamment dans un but de préservation de la biodiversité. Compte tenu de l'impossibilité de fixer une référence des particularités topographiques existantes qui n'ont jamais fait l'objet de déclaration, le choix a été fait, en France, de fixer un pourcentage de particularités topographiques en équivalent de surface agricole utile à l'échelle de l'exploitation. Le Gouvernement a fixé ces pourcentages au niveau de 1 % en 2010, 3 % en 2011 et 5 % en 2012. Pour le calcul du pourcentage, la diversité des systèmes de production et des territoires a été prise en compte à travers une liste très large d'éléments affectés d'un équivalent surface forfaitaire en fonction de leur intérêt écologique. Par exemple, 100 mètres de haie ou de lisière de bois ou une mare de 30 mètres de diamètre équivalent à 1 hectare, 1 hectare de tourbières équivaut à 10 hectares et 1 hectare de pré-verger à 5 hectares. Les bordures de champs sont également comptabilisées, comme les fossés et cours d'eau. Ainsi, en 2010, une exploitation de 100 hectares devra comporter, par exemple, au moins 50 mètres de haie et 50 mètres de lisière de bois, ou un pré-verger de 0,2 hectare. Cette BCAE ne consiste donc pas en un gel brut de surface agricole. Afin de tenir compte des inquiétudes des agriculteurs, un point d'étape sera fait chaque année pour évaluer les difficultés rencontrées. Par ailleurs, cette exigence ne s'appliquera pas aux exploitations disposant d'une surface inférieure à 15 hectares. Enfin, l'attribution des aides communautaires est liée au respect d'exigences par les bénéficiaires, garanti par des contrôles réguliers et des sanctions. La Commission contrôle, lors d'audits, que les États membres appliquent de manière suffisamment rigoureuse ce principe. Pour la France, la Commission a relevé un certain nombre de faiblesses, notamment des sanctions insuffisantes. Cela a conduit la Commission à sanctionner la France de 71 millions d'euros pour les années 2005 et 2006, et des sanctions pour les années suivantes sont prévisibles au regard des contrôles déjà réalisés. Compte tenu de cet impact financier d'une part et du fait que la France est le premier pays bénéficiaire des aides communautaires d'autre part, il n'est pas possible de reporter la mise en place des contrôles liés à ces nouvelles normes BCAE en 2010. Les souplesses et les adaptations des règles constituant ces BCAE sont de nature à répondre aux inquiétudes et aux besoins des professionnels agricoles.
UMP 13 REP_PUB Haute-Normandie O