Texte de la QUESTION :
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M. Lionnel Luca attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur l'application de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 réformant les procédures civiles d'exécution stipulant que « l'État est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l'État de prêter son concours ouvre droit à réparation ». En matière d'expulsion locative, 75 % des procédures d'expulsion n'étant pas exécutées, la préfecture rembourse à certains propriétaires loyers et charges impayés. L'année dernière, le préfet des Alpes-Maritimes a ainsi déboursé 518 000 euros pour indemniser les particuliers dont les appartements sont illégalement occupés et qui, malgré un jugement d'expulsion, ne peuvent recouvrer leurs biens. Ce sont, depuis quatre ans, plus de 2,8 millions d'euros d'argent public qui ont été alloués à l'indemnisation de plusieurs centaines de propriétaires. En cas de non-exécution d'une décision de justice, le bailleur à qui l'État crée un préjudice en refusant son concours à l'exécution d'une mesure d'expulsion, fût-ce pour les raisons les plus respectables, doit être indemnisé en principe à hauteur de l'indemnité d'occupation et des charges non réglées à compter de la date à laquelle le concours aurait dû être apporté, soit deux mois après la réquisition. La requête en indemnisation s'effectue, dans un premier temps, par recours gracieux (lettre recommandée au préfet ou acte d'huissier). L'administration dispose alors d'un délai de quatre mois pour prendre une décision, son silence valant une décision implicite de rejet. Ainsi, le bailleur fait l'avance des charges impayées et, deux ou trois mois après, la préfecture lui rembourse tout, loyer compris. Alors qu'il y a un jugement d'expulsion et que le locataire mauvais payeur est dans nombre de cas loin d'être insolvable, on lui paye donc son loyer ! En 2005, l'État s'est acquitté de 78 millions d'euros de loyers (contre 48 millions en 2000) en lieu et place des occupants illégaux auprès des bailleurs floués. Dans les Alpes-Maritimes, en 2009, sur 1 082 procédures d'expulsion, 400 seulement ont été menées à terme ; la préfecture pourrait être contrainte à suppléer financièrement à 682 mauvais payeurs. Il lui demande quelles mesures sont envisagées afin de procéder aux expulsions jugées plutôt que de procéder à ces indemnisations.
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Texte de la REPONSE :
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Selon une jurisprudence constante, l'administration peut refuser le concours de la force publique pour procéder à des expulsions quand elle estime que l'opération entraînerait un danger pour l'ordre et la sécurité. La précarité de la situation des occupants peut justifier un refus de concours. Le Premier ministre a inscrit la lutte contre le mal-logement comme chantier national prioritaire pour la période 2008-2012. Une série de recommandations pour améliorer la prévention des expulsions locatives et en atténuer les conséquences humaines a d'ailleurs été adressée aux préfets : mise en place des commissions départementales de coordination de prévention des expulsions ; recherche d'une solution d'intermédiation locative pour la famille en cas de difficulté grave de paiement ; rappel à l'occupant, dès la réception de la demande de concours de la force publique, de la possibilité de saisir la commission de médiation DALO. Ainsi, le Gouvernement est pleinement mobilisé dans la lutte contre le mal-logement, mais il n'a pas pour autant entendu mettre en place un moratoire des expulsions locatives comme le demandaient plusieurs associations. Si la mise en oeuvre des mesures de prévention des expulsions peut parfois retarder l'octroi du concours de la force publique, certaines d'entre elles sont à la fois des aides pour les locataires les plus en difficulté et une meilleure protection pour les propriétaires victimes d'impayés. En outre, quelle que soit la cause du délai dans l'octroi du concours, la responsabilité de l'État est engagée deux mois après la demande de concours de la force publique. Il appartient au bénéficiaire du jugement d'expulsion de faire une demande préalable d'indemnisation auprès du préfet, qui lui proposera alors de l'indemniser dans le cadre d'une transaction amiable. À l'issue d'une telle transaction ou du jugement condamnant l'administration à indemniser le propriétaire, l'administration est subrogée dans les droits que le bailleur détenait sur son locataire L'administration peut ainsi, par le biais d'actions récursoires, récupérer auprès du locataire les sommes qu'elle a versées au bailleur. Le propriétaire peut être obligé de faire l'avance des charges impayées jusqu'à ce que l'administration l'indemnise des préjudices dont elle doit assumer la charge. Toutefois, lorsqu'un locataire ne paye plus ses loyers et charges, le propriétaire n'est pas tenu d'attendre l'engagement de la responsabilité de l'État pour tenter d'obtenir le paiement de ce qui lui est dû. Si le propriétaire a pris la précaution de souscrire une assurance garantissant les impayés de loyers, il doit s'adresser en premier à son assureur. Des voies de droit privé, telles que la saisie de biens ou la saisie sur salaire, peuvent également être utilisées.
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