Texte de la QUESTION :
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M. Pierre Cohen rappelle à M. le ministre de la défense que, alors que vient de s'ouvrir à Toulouse le procès de la catastrophe AZF, de nombreuses questions restent encore sans réponse. Il appartient aujourd'hui à la justice de déterminer en toute indépendance les responsabilités. C'est pourquoi ni l'État ni les élus locaux ne doivent intervenir dans ces débats sous peine de perturber la manifestation de la vérité. Un sujet préoccupe les riverains du site et les institutions locales, il relève non pas de la justice mais de son ministère. Le site que l'on nomme « Les Ballastières » est vécu par les Toulousains comme une menace permanente depuis le début du siècle compte tenu des tonnes d'explosif qui y sont stockées. En février 2003, le représentant de la direction générale des armées laissait entendre que la dépollution de l'ensemble de la zone se ferait selon le scénario de la « dépollution sur site ». En décembre 2008, son successeur revient en arrière et annonce que le choix entre les trois scénarii suivants n'a toujours pas été opéré : le maintien en l'état et la sécurisation, la dépollution hors site ou la dépollution sur site. À ce jour, l'État semble se satisfaire de la situation actuelle au motif que le danger ne serait pas avéré tant que les ballastières seraient immergées. Par ailleurs, le niveau d'intensité de dépollution n'est toujours pas officiel et les collectivités locales pourraient être sollicitées pour participer au tour de table financier de la dépollution. Aujourd'hui, il est temps de répondre à toutes ces questions. À l'issue du procès chacun souhaitera, non pas oublier, mais envisager l'avenir avec plus de sérénité. À cette fin, les sinistrés et l'ensemble des toulousains ont besoin de savoir quand et comment le site sera dépollué. Il lui demande quelles mesures il compte prendre pour, qu'après sept ans de tergiversations, une réponse soit enfin donnée aux Toulousains.
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Texte de la REPONSE :
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DÉPOLLUTION DU SITE " LES BALLASTIÈRES " À TOULOUSE M. le président. La parole est à M. Pierre
Cohen., pour exposer sa question, n° 645, relative à la dépollution du site "
Les Ballastières " à Toulouse. M. Pierre Cohen. Ma question
s'adresse à M. le ministre de la défense. Alors que se déroule à Toulouse le
procès de la catastrophe d'AZF, de nombreuses questions restent sans réponse.
Pour tourner enfin la page, il appartient aujourd'hui à la justice d'identifier
les responsabilités mais il y a lieu aussi pour l'État de confirmer les
conditions de dépollution du site militaire de Braqueville avec ses 4 700 tonnes
de poudre intégrées à 20 000 tonnes de vase à proximité de l'ancien site
chimique aujourd'hui reconverti en Cancéropôle. La présence d'une telle quantité
d'explosifs en zone urbaine est en effet vécue par les Toulousains comme une
menace permanente rendue intolérable pour ceux qui sont restés traumatisés par
l'explosion d'AZF. Dans une lettre du ministère de la défense de mars 2006 au
laboratoire pharmaceutique Pierre Fabre, Michèle Alliot-Marie écrivait que le
dossier de réhabilitation du site de Braqueville et du site voisin des
Ballastières était une priorité. Depuis des années, collectivités territoriales,
riverains et entreprises locales attendaient confirmation de l'implication
réelle de l'État et du niveau de sa participation financière à ce lourd et
complexe chantier de dépollution. Différents scenarii avaient été avancés :
maintien en l'état et sécurisation, dépollution hors site ou sur site. Enfin, en
décembre 2008, la DGA annonce le lancement d'une étude de définition et de mise
en oeuvre d'un ou deux pilotes industriels destinés au test de traitement des
tonnages de poudre résiduelle à proximité du site du Cancéropôle de Toulouse,
qui va ouvrir prochainement. L'objectif de la DGA est de terminer cette phase
d'étude et de test pré-opérationnel à la fin de 2013 avant d'engager le
traitement à grande échelle. Quatre années sont prévues pour valider l'étude et
la construction du pilote, une phase qui s'élève à 3,2 millions d'euros et pour
laquelle l'État se serait engagé. Or la clinique universitaire du cancer, les
laboratoires de recherche et pharmaceutiques, les entreprises Pierre Fabre et
Sanofi seront installés sur le Cancéropôle avant la fin de cette
expérimentation. Après de nombreuses tergiversations et dans ce contexte
particulièrement anxiogène, pouvez-vous me confirmer, monsieur le secrétaire
d'État, que l'État ira jusqu'au bout de ses engagements en s'appliquant à
lui-même le principe " pollueur-payeur " ? M. le président.
La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux
anciens combattants. M. Jean-Marie Bockel, secrétaire
d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le député,
permettez-moi de vous apporter certains éléments de réponse au sujet de ce
dossier, qui pourront être utilement portés à la connaissance des
Toulousains. En premier lieu, je vous rappelle que les produits stockés sur
le site des Ballastières ne sont pas des explosifs, mais des poudres pour armes
dont le risque principal, sans confinement, est une combustion. Je vous confirme
par ailleurs que l'immersion de ces poudres dans les ballastières empêche tout
phénomène pyrotechnique. Ce mode de stockage est celui recommandé pour assurer
la sécurité, sur le long terme, de ce type de produit, et le niveau d'eau des
ballastières est surveillé. Tout risque d'accident pyrotechnique est donc pour
l'heure écarté. Un diagnostic approfondi du site a par ailleurs été mené, qui
n'a pas révélé de pollution chimique notable ni de menace sur l'environnement
nécessitant une intervention. Depuis cinq ans des efforts constants ont été
menés par le ministère de la défense pour améliorer la sécurité des
ballastières, et ce en toute transparence pour répondre aux préoccupations
légitimes de la population. La surveillance du site a été accrue ; dès 2004, des
études ont été menées pour effectuer une analyse et un bilan des risques
pyrotechniques, mais aussi pour évaluer les risques hydrologiques,
hydrogéologiques et hydrochimiques. Elles ont en particulier permis de ramener
la quantité estimée de poudres de 46 000 tonnes à environ 5 000 tonnes. En 2007,
l'évaluation détaillée des risques a montré que la situation était acceptable,
tant sur le niveau de pollution chimique que sur les risques pyrotechniques,
comme je l'évoquais à l'instant. Aujourd'hui, le ministère s'apprête à
engager un marché d'études et de définition qui permettra de préciser les
processus techniques de dépollution et de chiffrer finement les divers scénarii
de traitement du site. Tous ces points ont fait l'objet d'informations
régulières dans les commissions toulousaines locales et sur le site Internet de
la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de
l'environnement. À l'issue de ces travaux, l'État décidera, en lien avec
toutes les parties prenantes, de la meilleure solution à retenir pour la
réhabilitation du site et son financement. À ce titre, j'appelle votre attention
sur le point suivant : le site des ballastières présente des qualités
environnementales et une richesse écologique qui ont conduit à son classement au
titre du réseau Natura 2000. Or ce classement pourrait s'avérer incompatible
avec un scénario de dépollution maximaliste. Des études sont en cours pour
préciser ce point. Comme vous pouvez le constater, ce dossier est assez
complexe, mais l'État ne cesse de s'y investir. Enfin, j'insiste une nouvelle
fois sur le fait que le risque est maîtrisé et que la sécurité des Toulousains
n'est pas menacée par la présence de ce site, ce qui nous permet de poursuivre
sereinement notre réflexion, dans la plus large concertation. M. le
président. La parole est à M. Pierre Cohen. M. Pierre
Cohen. Monsieur le secrétaire d'État, le risque est nul tant que le
niveau d'eau est assuré. Or vous savez parfaitement que nul ne peut prédire si
ces ballastières ne seront pas asséchées à un moment donné, ce qui, compte tenu
de la masse de produits stockés, entraînerait non pas une combustion, mais bel
et bien une explosion, contrairement à l'information qui vous a été
donnée. Vous comprendrez donc que les Toulousains, traumatisés par la
catastrophe d'AZF, que nul n'avait prévue, ne peuvent plus se contenter de ce
genre de réponse. Il est aujourd'hui nécessaire que le ministère de la défense
respecte ses engagements. L'étude de définition n'est pas suffisante. Nous avons
besoin d'une étude réalisée à partir d'un site pilote, qui permette de savoir
exactement comment on peut dégrader les produits pour les extraire. Il est donc
indispensable que vous alliez plus loin que cette étude, qui se borne à
reprendre des scénarios que nous connaissons déjà.
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