FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 66005  de  M.   Moyne-Bressand Alain ( Union pour un Mouvement Populaire - Isère ) QE
Ministère interrogé :  Justice et libertés (garde des sceaux)
Ministère attributaire :  Justice et libertés (garde des sceaux)
Question publiée au JO le :  08/12/2009  page :  11633
Réponse publiée au JO le :  13/07/2010  page :  7911
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  procédures
Analyse :  dysfonctionnements. justiciables. indemnisations
Texte de la QUESTION : M. Alain Moyne-Bressand attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la situation des personnes victimes de dysfonctionnements de la justice judiciaire civile. Intervenant le 15 octobre 2009 devant le Sénat, pour évoquer la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, elle a précisé, d'une part, que « la saisine directe du Conseil supérieur porterait sur la seule matière disciplinaire » et, d'autre part, que « des recours existent déjà pour contester les décisions juridictionnelles ou le fonctionnement défectueux de la justice : appel et cassation d'un côté, action contentieuse sur le fondement de la responsabilité de l'État, de l'autre ». Elle a par ailleurs indiqué que la saisine du Conseil supérieur ne pourrait être présentée au-delà « d'un délai d'un an suivant la décision de justice devenue irrévocable ». Il en résulte que, s'adressant par la suite à la chambre civile d'un TGI pour obtenir réparation de leur préjudice, ces nouvelles et récentes victimes de dysfonctionnements de la justice judiciaire civile, détentrices d'un acte leur reconnaissant une légitime prétention à être indemnisées, se verraient doublement avantagées par rapport aux victimes antérieures. Elles seraient en premier lieu avantagées en tant qu'ayant eu l'opportunité de plaider leur cause par-devant une instance a priori moins sujette à des réflexes corporatistes, et portée, à ce titre, à interpréter de manière moins restrictive les notions de faute lourde et de déni de justice qui sont déterminantes de l'appréciation portée quant au fonctionnement défectueux du service de la justice. Elles seraient en second lieu avantagées, parce que faisant ipso facto l'économie de procédures à l'issue bien plus incertaine et certainement plus longues et coûteuses. Considérant ce qui précède, il lui demande si une telle différence de traitement liée au degré d'ancienneté du dysfonctionnement présumé, paraît compatible avec l'égalité devant la loi prévue par l'article 1er de la Constitution.
Texte de la REPONSE : Le projet de loi organique relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution, adopté définitivement le 23 juin 2010 par le Parlement, limite la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables à la matière disciplinaire. Le texte prévoit que tout justiciable qui estime qu'à l'occasion d'une procédure judiciaire le concernant le comportement adopté par un magistrat dans l'exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire, peut saisir le Conseil supérieur de la magistrature. Cette saisine ne pourra donc pas être utilisée pour dénoncer un fonctionnement défectueux du service de la justice. Lorsque le fonctionnement défectueux dont le justiciable s'estimera la victime résultera de circonstances ne mettant pas en cause des magistrats nommément désignés, ou mettant en cause des fonctionnaires des services judiciaires non magistrats, ou bien encore des magistrats mais pour des comportements ne pouvant être qualifiés de fautes disciplinaires, ce justiciable pourra, comme c'est le cas aujourd'hui, saisir le garde des sceaux, ministre de la justice, et le cas échéant les chefs de cour d'appel, qui devront tirer les conséquences de ces faits, concernant notamment l'organisation des juridictions ou l'indemnisation d'un préjudice. Ainsi, dans le cas, le plus fréquent, ou le fonctionnement défectueux sera allégué par un justiciable au soutien d'une mise en cause de la responsabilité de l'État dans le cadre d'une demande indemnitaire - qui a pour fondement l'article L. 141-1 du code de code de l'organisation judiciaire -, le justiciable pourra, comme aujourd'hui, soit présenter une demande amiable au garde des sceaux, ministre de la justice, soit assigner l'État devant les juridictions judiciaires, ou les deux successivement. Rien n'interdira toutefois les justiciables, s'estimant lésés par un fonctionnement défectueux du service de la justice, d'engager une action, amiable ou contentieuse, en indemnisation sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire et de saisir dans le même temps le Conseil supérieur de la magistrature. L'insertion dans la loi organique d'un mécanisme de sursis à statuer, dans l'hypothèse où un justiciable saisirait à la fois l'organe disciplinaire et la juridiction compétente pour statuer sur une action en responsabilité de l'État, est cependant apparue inopportune. Elle aurait en effet conduit à exiger d'un organe constitutionnel qu'il sursît à statuer dans l'attente d'une décision rendue par une juridiction de l'ordre judiciaire. Au demeurant, l'action disciplinaire et l'action en responsabilité civile sont juridiquement distinctes et ne sont pas déterminées par les mêmes critères. En tout état de cause, le nouveau dispositif de saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables, qui se verront tous, sans distinction, appliquer les mêmes règles, respecte parfaitement le principe d'égalité devant la loi posé par l'article 1er de la Constitution.
UMP 13 REP_PUB Rhône-Alpes O