FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 68593  de  M.   Dupont-Aignan Nicolas ( Députés n'appartenant à aucun groupe - Essonne ) QE
Ministère interrogé :  Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Ministère attributaire :  Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Question publiée au JO le :  12/01/2010  page :  237
Réponse publiée au JO le :  27/04/2010  page :  4769
Rubrique :  papiers d'identité
Tête d'analyse :  délivrance
Analyse :  données biométriques. fichier. garanties
Texte de la QUESTION : M. Nicolas Dupont-Aignan appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur le projet de loi d'orientation pour la sécurité. En effet, parmi les principales mesures présentées dans ce texte, certaines méritent des précisions quant au respect des libertés publiques et de leur droit à la vie privée. Ainsi en est-il de la création d'une carte d'identité biométrique par recueil de l'image numérisée du visage et des empreintes digitales, afin d'alimenter un fichier informatique national. En France, cet enregistrement biométrique est soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Or il apparaît que la CNIL privilégie le stockage des données sur un support individualisé, la carte nationale d'identité ou le passeport eux-mêmes, et non sur une base de données centralisée qui comporte pour elle « des risques sérieux d'atteintes graves à la vie privée et aux libertés individuelles ». Dès lors, on peut légitimement s'interroger sur la pertinence de ce fichage généralisé et systématique des citoyens, effectué en dehors de toute infraction pénale. C'est pourquoi il lui demande si le Gouvernement entend assouplir les textes réglementaires concernant les conditions de délivrance et de renouvellement de la carte nationale d'identité des citoyens français et s'il entend présenter au législateur un projet de texte conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. De même, le projet de loi d'orientation pour la sécurité évoque l'extension des fichiers d'analyse sérielle qui doit s'étendre au-delà des seules affaires sexuelles ou criminelles graves pour toucher la délinquance de masse. Or la constitution d'un tel fichier n'est pas anodine. Aussi, serait-il intéressant de connaître l'avis de la CNIL sur ce point. Enfin, il lui demande si, avec ce nouveau fichier, il n'existe pas un risque de créer un système de désignation des suspects par ordinateur au détriment de l'enquête véritable.
Texte de la REPONSE : Le projet de création de la carte d'identité électronique est encore à l'étude et ne fait donc pas l'objet de dispositions dans le projet de loi d'orientation pour la sécurité intérieure qui a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 16 février 2010. S'agissant de la délivrance des passeports biométriques, une base centralisée de traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « TES » contient des données biométriques, telles que l'image numérisée du visage et celle des empreintes digitales. Ces données sont conservées pendant une durée limitée à 10 ans pour les mineurs et à 15 ans pour les majeurs. Cette base de données a été créée par le décret n° 2008-426 du 30 avril 2008 modifiant le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports. Dans sa délibération du 11 décembre 2007, la Commission nationale de l'informatique et des libertés a considéré que « le traitement, sous une forme automatisée et centralisée de données telles que les empreintes digitales (...) ne peut être admis que dans la mesure où des exigences de sécurité ou d'ordre public le justifient », ce qu'elle contestait au cas d'espèce. Or, l'existence de cette base centralisée de données se justifie par le souci d'améliorer la mise en oeuvre des procédures d'établissement, de délivrance, de renouvellement et de retrait des passeports, d'une part, ainsi que par la nécessité de mettre à la disposition des services et agents spécialement et individuellement habilités à y accéder, des données fiables tendant à faire obstacle à toute tentative de fraude lors d'une demande de renouvellement de passeport, d'autre part. La base « TES » constitue ainsi une réponse mesurée et adaptée à la nécessité de protéger les titulaires de passeport contre les usurpateurs d'identité et les faussaires dont les actes peuvent avoir des conséquences désastreuses pour leurs victimes. Le fonctionnement de cette base de données est entouré de garanties concernant la nature des données collectées, leur conservation, la traçabilité des consultations, ou encore le droit à l'information et à rectification des personnes concernées. Une éventuelle utilisation non autorisée des données, qu'elles soient nominatives ou biométriques, serait bien sûr sanctionnée, dans les conditions prévues au chapitre VII de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal. Les données recueillies dans la base de données « TES » sont pertinentes et non excessives par rapport aux finalités de la base, la durée de conservation des données n'excède pas la durée nécessaire à la poursuite de ces finalités et les données sont protégées efficacement contre des usages impropres ou abusifs. La création de la base de données n'est pas en contradiction avec les stipulations de la Convention européenne des droits de l'Homme, ni avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. S'agissant des fichiers d'analyse sérielle : ceux-ci ont fait la preuve de leur efficacité car l'analyse de la sérialité, c'est-à-dire la réitération de comportements délictuels caractéristiques de leurs auteurs, est souvent nécessaire à la résolution d'affaires judiciaires. Il est donc indispensable pour les services de police et de gendarmerie d'utiliser ces outils dans la conduite de leurs enquêtes, en complément du recours éventuel aux données contenues dans des fichiers d'antécédents judiciaires. Aujourd'hui, les forces de l'ordre ne peuvent recourir aux fichiers d'analyse sérielle que pour rechercher les auteurs d'infractions concernant des atteintes aux personnes punies de plus de cinq ans d'emprisonnement et des atteintes aux biens punies de plus de sept ans d'emprisonnement. La recherche de l'amélioration du taux d'élucidation des faits constatés nécessite notamment un élargissement de la faculté de recourir à l'analyse de la sérialité. C'est pourquoi le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 16 février 2010, prévoit la possibilité pour les services enquêteurs de constituer des fichiers d'analyse sérielle dès lors que la peine encourue est de cinq ans d'emprisonnement, toutes infractions confondues. L'abaissement de ces seuils permettrait la collecte d'informations en vue de la résolution de vols aggravés prévus par l'article 311-4 du code pénal comme par exemple les vols à l'encontre de personnes particulièrement vulnérables ou encore les vols accompagnés d'acte de destruction ou de détérioration. Saisie pour avis de certains des articles du projet de loi, la Commission nationale de l'informatique et des libertés avait constaté que l'abaissement des seuils conduirait à une augmentation du nombre des infractions et des personnes pouvant figurer dans les fichiers d'analyse sérielle mais elle avait surtout indiqué qu'en toute hypothèse elle « serait saisie pour avis de tout acte réglementaire portant création de ce type de traitement » et pourrait dans ce cadre faire part, au cas par cas, de ses observations. Le Gouvernement s'est attaché à respecter la conciliation entre, d'une part, la sauvegarde de l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et, d'autre part, le respect de la vie privée et des autres droits et libertés constitutionnellement protégés. C'est pourquoi il est prévu que cet élargissement du champ d'application s'accompagne de nouvelles garanties, avec notamment la création d'un magistrat chargé de veiller à la mise à jour des données. Enfin, ce traitement n'ayant pas vocation à remplacer les enquêteurs dans l'accomplissement de la procédure judiciaire, le risque de désignation des suspects par ordinateur est totalement infondé. Le traitement se présente comme un outil d'aide à l'enquêteur, avec la finalité de fournir, à partir de l'exploitation d'un nombre élevé d'éléments factuels de procédures distinctes préalablement rassemblés par les enquêteurs, des orientations permettant de faire évoluer les recherches.
NI 13 REP_PUB Ile-de-France O