FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 69274  de  M.   Le Fur Marc ( Union pour un Mouvement Populaire - Côtes-d'Armor ) QE
Ministère interrogé :  Justice et libertés (garde des sceaux)
Ministère attributaire :  Alimentation, agriculture et pêche
Question publiée au JO le :  26/01/2010  page :  756
Réponse publiée au JO le :  18/05/2010  page :  5491
Date de changement d'attribution :  23/03/2010
Rubrique :  baux
Tête d'analyse :  baux ruraux
Analyse :  réglementation
Texte de la QUESTION : M. Marc Le Fur attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le régime juridique du bail agricole cessible hors cadre familial. En l'état actuel des textes, le bailleur ne peut bénéficier du versement d'un pas-de-porte sans encourir les sanctions civiles et pénales prévues à l'article L. 411-74 du code rural. En effet la fixation du montant maximal du fermage des baux cessibles hors cadre familial apparaît incertaine. De plus la validation des clauses dérogatoires à des dispositions mineures du statut du fermage par la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux est une protection surabondante, eu égard à leur portée et au rôle de conseil confié par le législateur au notaire. En outre, les modalités de calcul de l'indemnité d'éviction due en cas de refus de renouvellement sont imprécises et que le bailleur ne dispose pas d'un droit de repentir. C'est pourquoi il pourrait être envisagé que pour assurer tant sa sécurité que sa promotion, le bail cessible, tel que prévu aux articles L. 418-1 et suivants du code rural, soit modifié afin de prévoir la possibilité de convenir d'un pas-de-porte lors de la conclusion d'un bail cessible, la prise en compte, pour la majoration de 50 % du montant du fermage, des maxima applicables dans chaque département aux baux à long terme de dix-huit ans ou de vingt-cinq ans, selon la durée du bail, - la suppression de la validation par la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux des clauses dérogatoires au statut, et la clarification du mode de calcul de l'indemnité d'éviction et l'admission d'un droit de repentir au profit du bailleur. Il lui demande de préciser la position du Gouvernement à ce sujet.
Texte de la REPONSE : Le bail agricole cessible, y compris hors du cadre familial, a été mis en place par la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006. De fait, les informations recueillies depuis peu d'années sont insuffisantes pour faire un bilan constructif, étant toutefois entendu que cette forme nouvelle de location des biens agricoles n'a manifestement pas rencontré le succès que l'on pouvait espérer. La prohibition du pas de porte édictée à l'article L. 411-74 a bien été levée par la loi pour ce nouveau bail mais seulement pour ce qui concerne sa cession du preneur sortant au preneur entrant. La dite prohibition reste donc à la lettre applicable à la conclusion proprement dite du bail entre le propriétaire et le premier preneur entrant. Les représentants des bailleurs considèrent que ceci constitue un frein à la conclusion de ces baux. Toutefois, la suppression de ce frein à l'offre de baux cessibles se traduirait mécaniquement par un obstacle à la demande de tels contrats, notamment pour les jeunes agriculteurs dont le coût de l'installation serait par le fait augmenté d'autant. Il convient de noter que le versement d'un pas de porte au propriétaire, librement négocié avec le fermier entrant, serait en pratique non conforme à l'encadrement du prix des fermages qui s'applique également aux baux cessibles. Concernant le prix des fermages pour ces nouveaux baux, le législateur a prévu que leur montant puisse être négocié entre les parties au-delà des maximas prévus à l'article L. 411-11 du code rural sans cependant pouvoir dépasser ces limites de plus de 50 %. Ces maximas prévus à l'article L. 411-11 du code rural concernent tout d'abord les baux traditionnels de neuf ans. Mais ces mêmes maximas concernent également, avec un supplément, les baux qui ont une durée supérieure à neuf ans (c'est-à-dire les baux à long terme de dix-huit ans voire les baux de vingt-cinq ans). Le supplément de 50 % des maximas liés à la cessibilité des baux s'applique à l'ensemble de ces maximas de l'article L. 411-11 du code rural, y compris donc aux maximas déjà majorés pour la durée du bail. Une autre spécificité du bail cessible tient à la capacité donnée aux parties de s'entendre pour déroger à certaines dispositions du statut du fermage ayant trait, notamment, aux droit et obligations du preneur en matière d'exploitation définis aux articles L. 411-25 à L. 411-29 du code rural. Cette ouverture du champ contractuel qui était demandée par les représentants des bailleurs, si modeste qu'elle soit dans son contenu, constitue néanmoins une disposition importante en termes de principe. C'est la raison pour laquelle les représentants des preneurs ont souhaité que cette nouveauté soit dans son application validée par la commission consultative départementale des baux ruraux, dont la composition paritaire constitue une garantie pour la protection des intérêts de chacune des parties. Au vu de l'expérience il pourra, le cas échéant, être envisagé d'alléger, voire de supprimer, cette disposition dans un souci de simplification. Enfin reste la difficile question du calcul de l'indemnité que le bailleur doit verser au preneur en fin de bail, quand celui-ci n'est pas renouvelé. Lors des travaux préparatoires de la loi d'orientation du 5 janvier 2006, les représentants des preneurs avaient émis le souhait que le nouveau bail cessible comprenne, au même titre que le bail à ferme traditionnel, un droit au renouvellement pour le fermier. Les représentants des bailleurs se sont opposés à cette proposition qui aurait conduit de fait à instituer une sorte de bail perpétuel. Ils demandaient pour leur part au contraire qu'à l'échéance du bail le propriétaire puisse librement retrouver la jouissance pleine et entière de son bien sans avoir de conditions à remplir, contrairement à ce qui prévaut pour le bail à ferme classique où le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du bail de son fermier que pour l'exploiter lui-même personnellement et pendant neuf ans au moins. Il convient donc de pallier pour les preneurs les conséquences de la suppression du droit au renouvellement du bail cessible, ce qu'a fait le législateur en s'inspirant de ce qui existe depuis fort longtemps en matière de droit commercial. En effet un propriétaire est toujours en droit de ne pas renouveler un bail commercial arrivé à échéance sans avoir à faire état de motivations particulières. Toutefois, dans cette situation, il doit verser au preneur une indemnité qui correspond à la valeur du fonds de commerce augmentée des frais normaux de déménagement et de réinstallation pour lui permettre ainsi de reprendre son activité professionnelle. La loi d'orientation du 5 janvier 2006 ayant utilement créé le fonds agricole en même temps que le bail cessible, cette pratique du droit commercial pouvait donc être transposée au droit rural à une nuance près toutefois. En effet, le commerçant a la plupart du temps un seul propriétaire des murs dans lesquels il exerce son activité professionnelle alors qu'un agriculteur fermier loue les biens immobiliers qu'il exploite à cinq, dix, voire plus de propriétaires bailleurs différents. Par suite, en cas de non-renouvellement d'un bail, le propriétaire devra indemniser le preneur non pas à la valeur de son fond dans sa globalité mais en fonction de la dépréciation que ce fond subit du fait de la perte de jouissance par l'exploitant du seul bien qui cesse de lui être loué. Or, en la matière, les situations peuvent être extrêmement diverses selon l'importance du bien en cause, au sein de l'entreprise de l'agriculteur qui peut être essentielle ou au contraire marginale. Cela étant, au cours des années, une jurisprudence s'est progressivement mise en place pour donner des évaluations des fonds de commerce selon les types d'activités. Il est logique de penser qu'au fil du temps la même procédure se mettra en place dans le secteur agricole. En tout état de cause un droit de repentir au profit du bailleur pourrait être mis en place dans un souci de sécurité pour ce dernier.
UMP 13 REP_PUB Bretagne O