FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 70575  de  Mme   Pérol-Dumont Marie-Françoise ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Haute-Vienne ) QE
Ministère interrogé :  Justice et libertés (garde des sceaux)
Ministère attributaire :  Justice et libertés
Question publiée au JO le :  09/02/2010  page :  1291
Réponse publiée au JO le :  23/08/2011  page :  9178
Date de changement d'attribution :  14/11/2010
Rubrique :  droit pénal
Tête d'analyse :  garde à vue
Analyse :  modalités. mise en oeuvre
Texte de la QUESTION : Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont souhaite attirer l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l'augmentation de la pratique de la garde à vue. L'an dernier, 577 816 personnes y ont été placées. Entre 2000 et 2007, leur nombre a augmenté de 54,2 %, celles de plus de 24 heures de 73,8 %. Elle est aujourd'hui devenue un élément de routine accompagnée de pratiques humiliantes et dégradantes sans justification, telles la mise à nu et la fouille au corps. La consigne donnée aux forces de police et de gendarmerie de « faire du chiffre » est évidemment très directement liée à cette dérive, qui ne correspond en rien à une lutte plus efficace contre la délinquance et l'insécurité. Plusieurs avis de la Cour européenne des droits de l'Homme ont dénoncé les conditions de la garde à vue dans notre pays. La commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a, à plusieurs reprises, déposé des observations similaires. Le Premier ministre vient de déclarer que cette procédure pénale méritait d'être « repensée ». Elle a annoncé que la garde à vue ne serait possible que pour des faits pouvant entraîner une peine d'emprisonnement, ce qui demeure un critère arbitraire et aléatoire au moment où l'enquête débute et où les preuves du délit sont à établir. Aussi, souhaiterait-elle donc connaître ses intentions précises quant à la suppression de ces pratiques.
Texte de la REPONSE : Le projet de loi relatif à la garde à vue a été adopté par le Parlement le 12 avril 2011. Ce texte a été promulgué le 14 avril et est entré en vigueur le 1er juin. Cette très importante réforme poursuit trois objectifs principaux, partagés par le Gouvernement et le Parlement : limiter strictement le recours à la garde à vue, développer les droits de la défense et mettre notre droit en conformité avec les exigences constitutionnelles et conventionnelles. Afin d'atteindre le premier objectif, la loi adoptée redéfinit les conditions de la garde à vue. Cette mesure ne sera ainsi possible que si la personne est soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement et si une contrainte s'avère indispensable pour remplir l'un des objectifs prévus par l'article 62-2 du code de procédure pénale. Elle ne pourra de même faire l'objet d'une prolongation que s'il est reproché à la personne une infraction punie d'au moins un an d'emprisonnement. Enfin, le législateur a rappelé de manière formelle que le placement en garde à vue ne constitue jamais une obligation, sauf si la personne a été conduite par la force publique dans les locaux des services de police et que les enquêteurs souhaitent l'entendre immédiatement sur les faits. En revanche, il ne figure plus dans le texte adopté les dispositions initiales qui tendaient à créer un régime d'audition libre. Le Gouvernement a pris acte sur ce point de la volonté du Parlement. Conformément au deuxième objectif du projet de loi, le texte adopté accroît aussi de manière importante les droits de la défense de la personne gardée à vue. L'assistance par un avocat au cours de la garde à vue est ainsi élargie sur trois points essentiels : toutes les personnes placées en garde à vue, quelle que soit la nature des faits commis, pourront s'entretenir avec un avocat dès le début de la mesure ; l'avocat aura accès à certains des procès-verbaux de la procédure, et notamment les procès verbaux d'audition de son client ; l'avocat pourra assister à toutes les auditions de la personne gardée à vue. Toutefois, le Gouvernement et le Parlement n'ont pas souhaité altérer l'efficacité de notre procédure pénale, et plus spécifiquement celle de la phase d'enquête. C'est pourquoi, dans un souci d'équilibre, le texte voté permet, de manière exceptionnelle, le report de l'intervention de l'avocat. L'autorité judiciaire pourra en effet différer cette intervention pendant une durée limitée si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes. Par ailleurs, la personne placée en garde à vue se verra notifier son droit de garder le silence et le respect de sa dignité sera mieux garanti, notamment à travers l'interdiction des fouilles à corps intégrales pour des raisons de sécurité. L'ensemble de ces modifications législatives permet d'atteindre le troisième objectif de ce texte : garantir la conventionnalité et la constitutionnalité de notre procédure pénale. Il importe de rappeler, à cet égard, que le Conseil constitutionnel a, statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité, déclaré le régime des gardes à vue de droit commun contraire à la Constitution par sa décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 et que, par trois arrêts du 19 octobre 2010, la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que certaines dispositions encadrant les gardes à vue dérogatoires au droit commun n'étaient pas compatibles avec l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. La loi du 14 avril 2011 intègre dans notre législation pénale l'ensemble des conséquences de ces décisions. Par ailleurs, contrairement à ce qui a pu être avancé par certains, la possibilité d'un report de l'intervention de l'avocat en garde à vue est totalement conforme à la décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 et à la jurisprudence de la cour de Strasbourg. Ces deux juridictions admettent une telle éventualité lorsque celle-ci est justifiée par des circonstances particulières. Le projet de loi adopté a donc permis de trouver un équilibre entre la protection des libertés et les nécessités de l'enquête dans le respect des exigences supra-législatives. Le Gouvernement accompagnera avec vigilance et attention la mise en oeuvre de cette loi qui aura des conséquences importantes tant pour les juridictions, que pour les services d'enquête et les barreaux. Ainsi, d'une part, cette réforme va entraîner une augmentation importante des dépenses liées à la rémunération des avocats au titre de l'aide juridique. Afin de financer ces dépenses supplémentaires, le projet de loi de finances rectificative pour 2011 institue une contribution pour l'aide juridique dont le produit attendu s'élève à 85 Meuros en année pleine. Cette somme, arrêtée sur la base des nouveaux besoins d'assistance découlant du projet de loi transmis au Parlement, permettra de porter à 103 Meuros l'enveloppe annuelle consacrée à l'indemnisation des avocats commis d'office intervenant au cours de la garde à vue. Elle représentera un engagement budgétaire sans précédent de l'État permettant d'allouer aux barreaux une dotation plus de 5 fois supérieure à la dotation actuelle qui s'élève à 18 Meuros. D'autre part, une mission d'audit et de suivi de la réforme va être menée par le ministère de la justice et des libertés et par celui de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Cette mission, à laquelle des parlementaires sont associés, a débuté ses travaux le 18 mai 2011 et permettra de dresser rapidement un constat objectif et documenté de la mise en oeuvre de la loi du 14 avril 2011.
S.R.C. 13 REP_PUB Limousin O