FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 74296  de  M.   Urvoas Jean-Jacques ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Finistère ) QE
Ministère interrogé :  Justice et libertés (garde des sceaux)
Ministère attributaire :  Justice et libertés
Question publiée au JO le :  16/03/2010  page :  2876
Réponse publiée au JO le :  18/01/2011  page :  544
Date de changement d'attribution :  14/11/2010
Rubrique :  système pénitentiaire
Tête d'analyse :  détenus
Analyse :  suicides. lutte et prévention
Texte de la QUESTION : M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la crédibilité des statistiques officielles relatives au nombre des suicides survenus en prison. Il ressort, en effet, d'un document de la direction de l'administration pénitentiaire, établi le 6 janvier 2009 et intitulé « Bilan provisoire des suicides en 2008 », qu'une large majorité des décès survenant en détention sont considérés comme des morts accidentelles alors que nombre d'entre eux seraient susceptibles d'être reclassés en suicides. Parmi les 131 décès relevés, hors suicides, en 2008, peut-on ainsi y lire, « 85 sont qualifiés « autres » (hors mort naturelle et homicide). Il convient de noter que les décès survenus suites à une ingestion médicamenteuse nécessiteraient un examen des résultats d'autopsie et, pour un certain nombre d'entre eux, une possibilité de reclassement en suicide ». Il semblerait pourtant qu'un tel examen n'ait pas été effectué depuis lors, puisque le chiffre officiel des suicides enregistré en 2008 est demeuré inchangé. De même, celui des années précédentes n'a jamais été modifié postérieurement à la publication par l'administration des données y afférentes en début d'année. Cette situation s'avère d'autant plus surprenante que, dans ces cas, une autopsie est systématiquement réalisée et qu'une commission de suivi des actes suicidaires en milieu carcéral est chargée de veiller au recensement effectif de l'ensemble des décès par suicide en détention. Or, depuis 2002, date de mise en place de cette commission, il paraîtrait qu'elle n'a jamais usé de sa prérogative de requalification des décès, puisque les statistiques officielles de l'administration pénitentiaire n'ont pas été modifiées. Il lui demande, en conséquence, quelles suites ont été données à la note de janvier 2009 à laquelle il est fait ici référence, pourquoi la seule administration pénitentiaire est responsable de la qualification des décès en prison, et quelles sont les statistiques détaillées en matière de décès dans le milieu carcéral pour 2009, en particulier le nombre de ceux classés dans la catégorie « autres ».
Texte de la REPONSE : Les suicides des personnes détenues constituent une des préoccupations majeures du ministère de la justice et des libertés. Le plan d'actions mis en place le 15 juin 2009 par le garde des sceaux comporte vingt mesures ayant toutes pour finalité de prévenir les actes suicidaires en détention. Il systématise les commissions pluridisciplinaires de prévention du suicide à tous les échelons : local, régional et national. Ainsi, la commission centrale de suivi des actes suicidaires évolue en commission centrale de prévention du suicide et de suivi des actes suicidaires (CCPSSAS). Toujours chargée de veiller au recensement de tous les décès par suicide, cette commission regroupe des représentants de l'administration pénitentiaire et du ministère du travail, de l'emploi et de la santé, ainsi qu'un médecin psychiatre, praticien hospitalier dont l'expertise dans le domaine de la prévention du suicide est reconnue. Elle est chargée, entre autres, de contrôler les analyses, réalisées au plan interrégional, des suicides et tentatives de suicides survenus au sein des établissements pénitentiaires et de traiter les cas litigieux. L'administration pénitentiaire comptabilise les décès des personnes placées sous main de justice et, parmi eux, tous les actes de suicide des personnes hébergées dans les établissements pénitentiaires. De façon plus générale, elle recense l'ensemble des décès des personnes sous écrou quel que soit le lieu de leur survenance (en ou hors détention). Par ailleurs, le décès d'un détenu, quelle qu'en soit la cause, et a fortiori si la cause de la mort n'est pas immédiatement connue, donne systématiquement lieu à des investigations menées sous le seul contrôle de l'autorité judiciaire. Les conclusions des investigations judiciaires peuvent conduire à reconsidérer les causes d'un décès, soit qu'elles établissent que la mort résulte d'un acte suicidaire, soit qu'a contrario ce qui semblait être un acte de nature suicidaire n'en soit pas un en définitive. En conséquence, ces éléments peuvent donc aussi bien modifier le recensement, opéré pour une année donnée, à la hausse ou à la baisse. Par ailleurs, lorsqu'ils sont portés à la connaissance de l'administration pénitentiaire, leur transmission intervient généralement de nombreux mois après la survenance du décès et parfois même plus d'une année après. La CCPSSAS procède aux requalifications au fur et à mesure des éléments qui lui parviennent. Inclus dans le rapport annuel, les chiffres des suicides sont stabilisés en janvier de l'année suivante. Ils font l'objet d'une communication deux fois par an selon l'annonce faite par le ministère de la justice et des libertés sur la question des suicides le 18 août 2009. Le fait d'arrêter en janvier d'une année donnée le recensement des actes suicidaires intervenu l'an passé répond à une volonté de célérité et de transparence de la part de l'administration pénitentiaire. Si les requalifications ultérieures ne donnent effectivement pas lieu à une modification des données statistiques puisque, d'un point de vue méthodologique, le recensement est opéré en janvier de chaque année afin d'assurer une cohérence d'analyse, elles n'en sont pas moins recensées, analysées et prises en compte. De même, elles sont mises à disposition des chercheurs de l'INED ou de l'INSERM qui souhaitent améliorer la connaissance de la mortalité par suicide observée en prison afin de permettre, sur cette question majeure de santé publique, le développement des politiques publiques de prévention. À titre informatif, parmi les décès survenus en 2008, 5 ont fait l'objet d'une requalification au cours des années suivantes.
S.R.C. 13 REP_PUB Bretagne O