FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 74875  de  M.   Luca Lionnel ( Union pour un Mouvement Populaire - Alpes-Maritimes ) QE
Ministère interrogé :  Alimentation, agriculture et pêche
Ministère attributaire :  Enseignement supérieur et recherche
Question publiée au JO le :  30/03/2010  page :  3514
Réponse publiée au JO le :  21/09/2010  page :  10361
Date de changement d'attribution :  20/04/2010
Rubrique :  animaux
Tête d'analyse :  expérimentation animale
Analyse :  méthodes substitutives. développement
Texte de la QUESTION : M. Lionnel Luca attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la nécessité d'inscrire dans le code rural le droit pour tout citoyen de déclarer son" objection de conscience" pour chaque acte d'expérimentation animale. Considérant les progrès de la science qui permettent aujourd'hui des méthodes substitutives au modèle animal, plusieurs pays européens se sont dotés de cette législation, permettant, comme cela est le cas en Italie, de toucher les étudiants mais également les médecins et les chercheurs. Conformément à la déclaration universelle des droits de l'Homme et à la convention européenne des droits de l'Homme, actant de la liberté de conscience, il lui demande de bien vouloir traduire en droit français ce droit à l'objection de conscience à l'expérimentation animale.
Texte de la REPONSE : L'objection de conscience est définie fondamentalement comme le refus de porter les armes pour des raisons de conscience (philosophiques, religieuses...). De nos jours, le conflit de conscience peut survenir dans presque tous les secteurs de la médecine et dans toutes les disciplines médicales (gynécologie, génétique médicale, prélèvement d'organes à des fins de transplantation, soins palliatifs destinés aux personnes en fin de vie ou âgées). L'objection de conscience concerne donc des domaines propres à l'homme dans ses rapports avec ses congénères, les autres hommes, ce qui permet à la ministre de la recherche d'émettre sérieusement des doutes sur la pertinence d'une objection de conscience pour chaque acte d'expérimentation animale, qui implique des activités des hommes non pas sur les hommes mais sur les animaux. Ce doute est renforcé par la référence à la convention européenne des droits de l'Homme qui traite effectivement de l'objection de conscience dans son article 4, point 2 : « Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire », mais l'expérimentation animale est mise en oeuvre pour trouver des remèdes aux maladies humaines, animales ou pour améliorer la protection de l'environnement et ne constitue pas un travail forcé ou obligatoire. La notion d'objection de conscience pourrait éventuellement être transposée à l'expérimentation animale avec la définition suivante : l'objection de conscience en expérimentation animale serait le refus d'intervenir sur l'animal de laboratoire pour des raisons de conscience. L'honorable parlementaire attire l'attention de Mme la ministre chargée de la recherche sur la nécessité d'inscrire dans le code rural le droit pour tout citoyen de déclarer son « objection de conscience » pour chaque acte d'expérimentation animale, mais l'expérimentation animale n'est pas une pratique imposée à tout citoyen. En effet, l'expérimentation animale est une pratique professionnelle, dont le choix a été fait et mûri par le citoyen au cours de sa formation initiale en biologie. La demande ne paraît donc pas adaptée, car elle apporte de la confusion sur une pratique professionnelle par ailleurs parfaitement encadrée par une réglementation forte, qui définit l'animal de laboratoire comme un être sensible qui ne doit être utilisé qu'en cas de stricte nécessité (art. L. 214-1 et 3 du code rural). Il faut savoir qu'une expérimentation animale n'est mise en oeuvre que dans un objectif bien précis, celui d'apporter une réponse à une question biologique donnée qui aura ensuite des applications en santé humaine, animale, ou pour la protection de l'environnement. La réflexion humaine pertinente dans ce cas, n'est pas l'objection de conscience qui concerne les humains entre eux, mais plutôt l'analyse éthique sur une pratique utilisant l'animal dont l'homme est responsable : considérer le bien-fondé du projet, les moyens mis en oeuvre pour répondre à cet objectif et la méthode d'analyse des résultats sont des éléments qui font partie de la démarche éthique. Elle implique dans un premier temps l'expérimentateur et dans un deuxième temps un comité d'éthique qui va susciter plus avant sa réflexion. La conscience de l'individu que l'on retrouve dans l'objection de conscience, va donc pouvoir s'exprimer pleinement et de manière pertinente et responsable dans la démarche éthique du professionnel. Le ministère chargé de la recherche a toujours mis en avant la responsabilité du professionnel qui se doit de respecter la réglementation dans le domaine mais aussi de mettre en oeuvre une démarche éthique. En collaboration avec le ministère chargé de l'agriculture, il a travaillé à l'organisation du dispositif éthique actuellement mis en place suite à la rédaction de la charte nationale portant sur l'éthique de l'expérimentation animale par le Comité national de réflexion éthique sur l'expérimentation animale (http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid28541/la-charte-nationale-portant-sur-l-ethique-de-l-experimentation-animale.html). L'honorable parlementaire prend comme exemple l'Italie qui, semble-t-il, s'est dotée de ce droit pour tout citoyen de déclarer son objection de conscience pour chaque acte d'expérimentation animale. Les relations entre l'église et l'État ne sont pas les mêmes en Italie et en France, pays laïc, où l'Église est séparée de l'État depuis 1905. Dans le cadre de la révision de la directive européenne 86/609 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, l'Italie avait demandé à la présidence suédoise du Conseil que le mot « éthique » soit supprimé de l'expression « évaluation éthique des projet » afin d'éviter une consultation du Vatican... Les différences culturelles propres à chaque pays s'expriment donc dans le domaine de l'expérimentation animale avec une considération différente de l'éthique dans les deux pays ; l'objection de conscience peut également être considérée différemment. Quant à la référence « aux progrès de la science qui permettent aujourd'hui des méthodes substitutives au modèle animal », il est à noter dans la proposition actuelle de la directive que malgré les progrès dans la recherche de méthodes alternatives, « l'utilisation d'animaux vivants demeure nécessaire pour protéger la santé humaine et animale ainsi que l'environnement ». La question de l'honorable parlementaire reprend exactement les propos de la Fondation Brigitte Bardot qui défend « une objection de conscience à l'expérimentation animale à l'instar de la réglementation italienne qui autorise les citoyens à ne plus être complices de cette « science » sans conscience » ; la mise en place d'un dispositif éthique en France démontre bien, justement, la conscience des acteurs de l'expérimentation animale en la matière. L'honorable parlementaire fait référence à la liberté de conscience actée dans la déclaration universelle des droits de l'Homme. En effet, ce texte fait référence dans son article premier à la conscience des êtres humains qui « doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » ; l'expression de la conscience qui, nous le constatons ici encore, s'applique pour les êtres humains entre eux, trouve donc, dans le domaine de l'expérimentation animale, son expression adaptée non pas dans l'objection de conscience mais dans la réflexion éthique accompagnant l'utilisation d'animaux à des fins scientifiques.
UMP 13 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O