Texte de la QUESTION :
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M. Éric Raoult attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes sur le droit de vote des citoyens européens demeurant à Gibraltar. En effet, voici quelques mois, les instances européennes, et plus particulièrement la Cour européenne des droits de l'Homme, se sont penchées sur le dossier de citoyens européens, qui ne pouvaient pas participer au scrutin européen. Cette affaire de saisine mériterait d'être mieux connue et expliquée, pour éviter les abus et les dérives, qui se sont parfois multipliées ces dernières années. Il pourrait donc être intéressant de mieux apprécier ce dossier pour en comprendre les causes, les objectifs et pour en saisir la finalité. Il lui demande, en conséquence, de lui communiquer des éléments de réponses.
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Texte de la REPONSE :
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Le secrétaire d'État chargé des affaires européennes rappelle à l'honorable parlementaire que, par son arrêt du 18 février 1999, Matthews c. Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que, en n'organisant pas, à Gibraltar, d'élections au Parlement européen, le Royaume-Uni a violé l'article 3 du protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, en vertu duquel les parties s'engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif. Selon la CEDH, la requérante, en sa qualité de citoyenne britannique résidente de Gibraltar, s'est vue privée de toute possibilité d'exprimer son opinion sur le choix des membres du Parlement européen. En vue de l'exécution de cet arrêt de la CEDH, le Royaume-Uni a créé, en 2003, une nouvelle circonscription électorale qui rattache Gibraltar à une circonscription existante du Royaume-Uni et a institué un registre électoral spécial. C'est dans ces conditions que le droit de vote aux élections au Parlement européen a été accordé aux citoyens de l'Union européenne résidant à Gibraltar, mais également à des citoyens du Commonwealth remplissant certains critères. Toutefois, sur fond du différend tricentenaire opposant le Royaume-Uni et l'Espagne sur le statut de Gibraltar, cette modalité d'exécution de l'arrêt de la CEDH par le Royaume-Uni a été contestée par l'Espagne devant la Cour de justice de l'Union européenne. En effet, l'Espagne soutenait que seuls les citoyens de l'Union européenne, et non des ressortissants d'États tiers, pouvaient se voir reconnaître le droit de vote aux élections au Parlement européen. Suite à cela, par son arrêt du 12 septembre 2006, Espagne/Royaume-Uni (C-145/04), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que ni le traité CE, ni l'acte de 1976 portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct ne déterminent de manière explicite et précise quels sont les bénéficiaires du droit de vote et d'éligibilité au Parlement européen. Dès lors, la Cour a considéré que, en l'état actuel du droit communautaire, la détermination des titulaires du droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen appartient à la compétence de chaque État membre dans le respect du droit communautaire. En effet, selon la Cour, les articles pertinents du traité CE ne s'opposent pas à ce que les États membres octroient ce droit de vote et d'éligibilité à des personnes déterminées ayant des liens étroits avec eux, autres que leurs propres ressortissants ou que les citoyens de l'Union européenne résidant sur leur territoire. Par ailleurs, par sa résolution du 2 novembre 2006, le comité des ministres du Conseil de l'Europe, qui est notamment en charge du suivi de l'exécution des arrêts de la CEDH, a déclaré que l'arrêt de la CEDH avait été correctement exécuté par le Royaume-Uni. Ainsi, il résulte de ce qui précède que la modification de la loi électorale britannique, qui permet aux résidents de Gibraltar, qu'ils soient citoyens de l'Union européenne ou citoyens du Commonwealth remplissant certains critères, de voter aux élections au Parlement européen, est conforme tant au droit de l'Union européenne qu'à la Convention européenne des droits de l'homme.
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