Texte de la QUESTION :
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Mme Geneviève Gaillard attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur la nécessité de mettre en oeuvre un plan d'élimination du frelon asiatique (vespa velutina nigrithorax). Depuis quelques années nous avons observé un phénomène de colonisation du frelon asiatique en France, sa propagation du sud au nord de notre territoire s'accélère, des nids ayant récemment été localisés en région parisienne. Le frelon asiatique, dernière espèce invasive à sévir sur notre territoire, se nourrit abondamment d'abeilles ; à ce titre, il occasionne des préjudices non négligeables aux apiculteurs déjà en crise du fait de la surmortalité des abeilles, en menaçant les ruchers et essaims. Cette nouvelle cause de mortalité des abeilles s'ajoute à un moment où la profession est sinistrée et où les conditions de création d'un institut apicole, et les doutes sur le niveau d'application des mesures de réduction de l'usage de pesticides du Grenelle, ne sont pas de nature à rassurer les apiculteurs. Au surplus, même si il n'a pas été démontré qu'il soit plus agressif que notre frelon autochtone, la présence du frelon asiatique constitue une menace pour les personnes. En effet, les particuliers entreprennent d'éliminer eux-mêmes les nids qui sont le plus souvent situés à grande hauteur ; les chutes accidentelles graves sont en recrudescence. Ceci pose aussi la question des conditions d'intervention ou de non-intervention des pompiers pour la destruction des nids de frelon... De facto les particuliers, souvent livrés à eux mêmes, et certains professionnels du secteur privé ont déployé des modes de destructions allant du dangereux au rocambolesque, en passant par des modes non sélectifs, toxiques et polluants menaçant la biodiversité, à l'instar des frelons européens et des oiseaux. On a ainsi maintes fois rapporté des destructions inefficaces au fusil, à l'aspirateur, à l'insecticide, ou par le feu... À ce jour, plusieurs de nos organismes publics de recherche à l'instar de l'INRA, du Muséum national d'histoire naturelle, de l'IRBI ou du CNRS, ont diligenté nombre d'études sur la biologie, l'éthologie ou la définition de techniques de destructions du frelon asiatique, tant et si bien qu'à ce jour les connaissances accumulées sont suffisantes pour envisager la certification d'une méthode de destruction qui soit efficace et écologiquement soutenable. Sachant que, idéalement, il faudrait avoir repéré les nids au printemps avant que les arbres ne s'épaississent de leur feuillages et les détruire avant septembre ou les jeunes reines quittent les nids, elle le presse afin de savoir s'il entend rapidement engager l'élaboration d'un plan national de lutte et d'élimination du frelon asiatique qui définisse une méthode efficace et exigeante au plan écologique, des procédures et équipements d'intervention et de sécurité pour protéger les professionnels de l'apiculture, les professionnels d'intervention et les particuliers, ainsi que des budgets mobilisables à cette fin.
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Texte de la REPONSE :
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Le frelon à pattes jaunes poursuit l'expansion qu'il a commencée en 2004 dans le sud-ouest de la France. Les raisons principales sont que les conditions actuelles des milieux qu'il colonise en France lui conviennent et que l'on ne sait techniquement pas faire obstacle à sa progression. Puisqu'il s'agit d'un insecte contre l'expansion duquel aucun moyen de contrôle efficace n'est actuellement connu, l'avis général des experts est qu'il est illusoire d'espérer éradiquer cette espèce de notre territoire ; un plan qui viserait son élimination n'aurait donc aucune chance d'atteindre cet objectif. Il faut au contraire nous attendre à ce que le frelon à pattes jaunes continue son expansion en Europe, au-delà de nos frontières. Les conséquences de l'arrivée de cette nouvelle espèce n'en sont donc qu'à leur début, ce qui implique de continuer activement à rechercher les moyens de protéger les intérêts légitimes qu'il menace. En effet, le frelon à pattes jaunes est un prédateur des abeilles domestiques qu'il chasse devant les ruches. Comme les autres guêpes sociales, et en particulier les frelons européens, il s'agit d'un chasseur d'insectes qui a besoin de proies pour nourrir ses larves. Or, une ruche, riche de ses dizaines de milliers d'abeilles, constitue pour lui une source alimentaire supérieure à ce que peut lui offrir, en France, n'importe quelle autre espèce d'insecte. Cette remarque est d'autant plus importante en ville ou en zone d'agriculture intensive où la richesse du milieu en insectes, susceptibles de constituer des proies, peut être faible. La présence permanente d'abeilles devant les ruches en fait donc des lieux hautement attractifs pour ce frelon et la prédation qu'il exerce ainsi cristallise aujourd'hui l'exaspération des apiculteurs, déjà confrontés au dépérissement de leurs ruchers. En revanche, on ne lui connaît pas d'impact significatif dommageable à la biodiversité, en particulier au détriment des espèces protégées ni au détriment des autres espèces de pollinisateurs qui, le plus souvent, sont solitaires ou vivent en petites colonies. Du point de vue de la santé et de la sécurité publique, une enquête du comité de coordination de toxicovigilance publiée en mars 2009 a notamment conclu : « ... après une à quatre années pleines de colonisation de certains départements, on peut observer que ce frelon asiatique ne semble pas responsable d'un nombre plus élevé de piqûres qu'à l'accoutumée, et que les envenimations semblent posséder les mêmes caractères de gravité que nos espèces autochtones... ». Bien que réputé encore moins agressif que le Vespa crabro (le frelon européen présent en France), le frelon à pattes jaunes (Vespa velutina) est pourtant susceptible de présenter un danger pour des personnes dans certaines situations, par exemple si un nid est construit dans une cour d'école. Toutefois, selon la synthèse des observations recueillies, les attaques ont rarement lieu à plus de 5 m du nid. Ces nids étant habituellement construits dans les arbres à 15 m du sol, les risques pour la population sont relativement limités. En tout état de cause, aucune espèce de guêpe ni de frelon ne figure en France parmi les espèces protégées et, par conséquent, rien ne s'oppose juridiquement à la destruction de ces insectes ou de leurs nids. Les autorités ont examiné les moyens réglementaires d'intervention dont elles disposent et, comme suite à une demande du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat (MEEDDM), a présenté, à la commission faune du Conseil national de la protection de la nature, un projet d'arrêté visant à classer le frelon asiatique en tant qu'espèce concernée par les dispositions de l'article L. 411-3 du code de l'environnement. Bien qu'il ait été approuvé par cette commission, ce projet n'a pas été présenté au comité permanent du Conseil national de la protection de la nature. En effet, les incriminations de l'article L. 411-3 du code de l'environnement visent à interdire et à réprimer l'introduction et la commercialisation de certaines espèces ; il s'agit donc d'une loi pénale, efficace pour réprimer, mais mal adaptée pour intervenir efficacement contre une espèce en expansion rapide comme le frelon à pattes jaunes. Le seul intérêt d'un tel arrêté aurait été de permettre d'imposer une intervention chez des personnes qui refuseraient qu'on vienne détruire les nids de guêpes ou de frelons dans leur propriété. La procédure d'élaboration de ce projet n'a donc pas été poursuivie. Plus fondamentalement, la destruction systématique des nids ne présenterait d'intérêt que dans le cadre d'une stratégie d'éradication - ici impossible - ou d'une stratégie de contrôle dont il reviendra à la mission d'inspection générale actuellement engagée de déterminer l'éventuel intérêt. Enfin et en tout état de cause, l'exemple des pratiques mises en oeuvre contre les guêpes ou le frelon indigènes montre qu'il n'est pas nécessaire qu'une espèce soit inscrite sur une liste réglementaire pour que des mesures de protection adaptées soient mises en oeuvre. L'expansion du frelon à pattes jaunes conduit à examiner de telles questions juridiques, mais elle conduit surtout à affronter des difficultés d'ordre technique. À défaut de pouvoir envisager l'éradication de cette espèce, deux autres voies sont envisageables : le contrôle et les protections ponctuelles. Dans son principe, le contrôle vise soit à retarder l'expansion d'une espèce, soit à obtenir localement une diminution de sa densité. Les protections, en revanche, sont ponctuelles ; elles impliquent le recensement des intérêts à protéger, soit par un dispositif préventif comme dans le cas des ruchers, soit par une intervention curative comme lorsqu'il y a lieu de détruire un nid dans une zone à risque. Chacune de ces deux voies nécessite des solutions techniques fiables qui font encore défaut. Par exemple, le piégeage des reines sortant d'hibernation a été conseillé par un institut technique, mais déconseillé par le Muséum national d'histoire naturelle. Concernant l'opportunité de détruire les nids, les avis divergent aussi. Une mission réunissant des inspecteurs généraux du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, du ministère de la santé et des sports et du MEEDDM est en cours. Le rapport qu'elle va rendre orientera les choix juridiques et techniques. D'ores et déjà, le MEEDDM apporte son soutien au Muséum national d'histoire naturelle qui travaille à réunir et à valider les données naturalistes relatives à l'expansion de cette espèce en France et qui contribue à la recherche de solutions nouvelles.
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