FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 75527  de  M.   Rousset Alain ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Gironde ) QE
Ministère interrogé :  Économie, industrie et emploi
Ministère attributaire :  Économie, industrie et emploi
Question publiée au JO le :  06/04/2010  page :  3820
Réponse publiée au JO le :  31/08/2010  page :  9494
Rubrique :  banques et établissements financiers
Tête d'analyse :  services bancaires
Analyse :  tarification. rapport. propositions
Texte de la QUESTION : M. Alain Rousset attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur les difficultés d'obtention de crédit et les frais bancaires abusifs, malgré les engagements pris par les établissements bancaires dans le cadre du plan de sauvetage des banques françaises. D'un montant de 360 milliards d'euros, ce plan devait s'accompagner, selon le Gouvernement, d'une augmentation du volume des crédits de 3 % à 4 %, objectif qui n'a pas été atteint. La Banque centrale européenne et la Banque de France auraient même constaté, durant cette période, une contraction du crédit à court terme. Les conséquences en sont désastreuses pour nombre de nos concitoyens comme pour les TPE-PME. L'enjeu est pourtant primordial pour notre économie puisque le crédit conditionne notre capacité à sortir de la crise économique et financière que nous traversons. Par ailleurs, s'ajoute à cela, selon la Commission européenne, des pratiques tarifaires particulièrement onéreuses et opaques. À titre d'exemple, alors que les principales banques françaises facturent en moyenne 154 euros la gestion d'un compte courant, le coût de cette prestation est de 46 euros au Pays-Bas et de 58 euros en Belgique. S'appuyant sur la loi du 03 janvier 2008 qui oblige les banques à dresser une liste intégrale des frais bancaires de l'année, un certain nombre d'associations de consommateurs ont noté une augmentation injustifiée de ces frais et constaté la multiplication de frais « abusifs » par exemple appliqués pour « compte inactif » ou pour de simples retraits d'argent. En somme, dans cette période de crise économique et financière où les banques doivent plus que jamais jouer un rôle moteur dans la relance de notre économie, il semble essentiel qu'elles reviennent à leur métier traditionnel : la sécurisation de fonds déposés et la distribution de crédits. Aussi, il lui demande si le Gouvernement entend prendre des dispositions en ce sens qui pourraient, par exemple, se traduire par l'instauration d'un « droit au crédit opposable » et d'une réglementation plus contraignante pour lutter efficacement contre les frais bancaires abusifs.
Texte de la REPONSE : Le Gouvernement est très attentif à la question des frais bancaires. La réglementation en vigueur impose aux établissements de crédit la transparence concernant les tarifs des services bancaires qu'ils appliquent, afin de permettre aux clients de comparer les offres des banques et de choisir la banque qui répond le plus à leurs attentes. À ce titre, les établissements de crédit sont tenus d'informer leurs clients des conditions générales de banque qu'ils pratiquent pour les opérations qu'ils effectuent (art. R. 312-1 du code monétaire et financier). Cette information peut se faire par tous moyens : affichage ou mise à disposition de brochures dans les agences, site Internet de la banque ou envoi d'un courrier à la clientèle. Les établissements de crédit doivent également communiquer par écrit à leurs clients qui ont signé une convention de compte tout projet de modification des conditions tarifaires applicables au compte de dépôt, et ce trois mois avant la date d'application envisagée (art. L. 312-1-1 du code monétaire et financier). Depuis ces trois dernières années, le sujet des frais bancaires a fait l'objet en France d'un intense travail réglementaire. L'objectif poursuivi est celui d'une plus grande transparence, et d'une plus grande maîtrise des frais : le 16 mai 2008 est entré en vigueur le décret n° 2007-1611 du 15 novembre 2007 relatif au plafonnement des frais bancaires en cas d'incident de paiement, pris en application de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (il faut rappeler que les tarifs bancaires, hormis ceux précités, ne sont pas réglementés) ; en application de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, les banques doivent adresser chaque année, depuis le 1er janvier 2009, un relevé annuel des frais perçus, permettant ainsi à chaque client d'en avoir une vision complète et détaillée ; cette mesure a reçu un très large soutien de toutes les parties prenantes ; pour renforcer la transparence, un exercice de clarification a été mené avec le Comité consultatif du secteur, financier, qui a permis l'élaboration d'un glossaire apportant une définition des termes utilisés par les banques ; ce travail a été actualisé cette année et une attention particulière a été apportée à la question des frais ; pour faciliter le changement de banque, un service d'aide à la mobilité a été mis en place dans chaque établissement et les frais de clôture pour la fermeture de tous les comptes à vue et comptes sur livret et assimilés L (livret de développement durable, LEP, Livret A et Livret bleu) ont été supprimés ; les frais de mise en opposition sur carte bancaire ont été supprimés à compter du 1er novembre 2009 en application de l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement ; enfin, pour faciliter l'accès des consommateurs à bas revenu aux services bancaires à des tarifs adaptés, une gamme de paiements alternatifs aux chèques (GPA) a été créée. Les banques la proposent pour environ 3 EUR par 1 mois. Ce forfait ne comprend pas de chéquier mais une carte de paiement sans dépassement (carte à autorisation systématique), ce qui limite les incidents de paiement et les frais associés. Le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a cependant estimé que des efforts supplémentaires étaient nécessaires. Afin de disposer d'un constat et de propositions consensuels, il a demandé par une lettre de mission du 17 mars 2010 à Georges Pauget et à Emmanuel Constans, président du Comité consultatif du secteur financier, de conduire une mission d'analyse et de propositions sur les frais bancaires. La mission a rendu ses conclusions au ministre le 8 juillet 2010 et son rapport a été rendu public le même jour. Il montre que le dispositif français de tarification présente plusieurs spécificités. Ainsi, la banque de détail, qui s'adresse aux particuliers, est sensiblement moins chère en France que chez les principaux partenaires européens, en raison du faible niveau des marges sur le crédit immobilier. En revanche, les services de la banque « au quotidien » (gestion du compte, moyens de paiement, gestion des incidents) compensent en partie cette modération tarifaire. Le rapport souligne que les tarifs de la banque au quotidien connaissent une évolution maîtrisée : selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), leur augmentation est moins rapide que celle de l'indice général des prix à la consommation. En outre, les frais bancaires associés aux moyens de paiement et à la gestion du compte représentent 0,57 % des dépenses de consommation des ménages, soit quatre fois moins que les services d'assurance ou de télécommunication ; il faut donc relativiser leur importance. Les auteurs du rapport rappellent également que les banques de détail françaises se caractérisent par un niveau de service supérieur aux standards européens, avec 176 conseillers clientèle pour 100 000 habitants contre 130 dans l'Union européenne, et un réseau physique d'agences et d'automates plus dense. Le rapport identifie cependant plusieurs difficultés dans le fonctionnement de la tarification bancaire en France : une transparence insuffisante, l'inadéquation de certains forfaits avec les besoins des consommateurs, des difficultés résultant de l'accumulation des incidents de paiement pour une minorité de 1 % des clients les plus fragiles des banques. Il formule enfin une trentaine de propositions afin de répondre à ces difficultés. Le ministre souhaite que les réformes nécessaires puissent être engagées dans les meilleurs délais. Il souhaite que les banques affichent dans un encadré en tête de leurs plaquettes tarifaires le prix des dix services les plus souvent utilisés par les consommateurs. Il a souhaité que les associations de consommateurs soient pleinement associées au choix de ces dix services. Le rapport propose que les sommaires des conditions tarifaires soient les mêmes d'une banque à une autre et que les mots employés dans les conditions tarifaires soient tirés d'un glossaire commun à toutes les banques. Ces mesures vont permettre de rendre les tarifs bancaires facilement comparables d'une banque à une autre. Le ministre souhaite par ailleurs confier une nouvelle mission d'observatoire des frais bancaires au Comité consultatif du secteur financier, pour suivre l'évolution des tarifs bancaires. Il souhaite également que les banques ajoutent à leur offre commerciale un « pack sécurité ». En premier lieu, plutôt qu'un chéquier, ce forfait comprendrait une carte de paiement anti dépassement, avec laquelle le consommateur ne peut pas dépenser plus que ce dont il dispose. Par ailleurs, les banques prévoiraient un plafonnement du montant et du nombre des commissions d'intervention qu'une banque peut faire payer en cas d'incident de paiement. Le rapport propose également que les banques développent les systèmes d'alerte par SMS ou courriel pour permettre aux consommateurs de réagir et d'éviter les incidents. Les forfaits devront également évoluer vers une offre personnalisable et modulaire, ce qui permettra de corriger les manquements relevés dans les pratiques actuelles. Le ministre a enfin demandé aux banques de travailler à la création d'un nouveau « virement de proximité » à la main des consommateurs, qui permettrait de faire des virements à des proches ou des fournisseurs de services depuis un distributeur de billets ou un téléphone portable. À sa demande, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF), qui regroupe l'ensemble des parties prenantes, en particulier les associations de consommateurs, s'est réuni le 12 juillet, pour examiner les conclusions de ce rapport. Les résultats de ces travaux seront présentés à la mi-septembre, lors d'une réunion présidée par le ministre, qui pourra ainsi vérifier que les associations de consommateurs et les banques sont parvenues à un accord sur les engagements à prendre pour parvenir à mettre en oeuvre ces propositions. Dans l'hypothèse où cette concertation ne donnerait pas lieu à des conclusions satisfaisantes, le ministre n'exclut pas que des mesures législatives puissent être proposées au Parlement pour répondre aux difficultés identifiées. S'agissant du droit opposable au crédit, la souscription d'un crédit est un engagement qui ne doit pas intervenir de manière irréfléchie et systématique. Le Gouvernement souhaite en effet privilégier le développement d'un accès responsable au crédit, fondé sur une meilleure information de l'emprunteur et un devoir de vérification de la solvabilité accru pour le prêteur, comme l'illustre le projet de loi sur le crédit à la consommation adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 27 avril dernier. Un consommateur qui souhaite un crédit doit être assuré de ses capacités de remboursement, au risque de se retrouver en situation de surendettement. De son côté, le prêteur est chargé d'analyser de manière approfondie la solvabilité de l'emprunteur et de lui proposer des solutions adaptées à ses besoins. Instituer un droit au crédit revient à contredire le devoir de mise en garde défini par la Cour de cassation pour le crédit à la consommation, et serait contraire à l'obligation d'évaluation de la solvabilité introduite par la directive 2008/48/CE pour le crédit à la consommation, transposée dans le futur article L. 311-9 du code de la consommation. La seule obligation de motiver systématiquement un refus d'accord de crédit aurait pour conséquence un renchérissement du coût d'un crédit, en particulier pour le crédit à la consommation, qui peut porter sur des montants modestes. Par ailleurs, il est à craindre que ce type de mesure engendrerait une multiplication des recours contentieux et la substitution du juge au banquier. Enfin, les dispositifs actuels tels que la médiation bancaire pour les particuliers et le médiateur du crédit pour les entreprises donnent des résultats très satisfaisants, et il ne serait pas opportun de les faire disparaître au profit d'un dispositif dont l'impact sur les mécanismes de crédit est incertain.
S.R.C. 13 REP_PUB Aquitaine O