FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 75550  de  M.   Grosdidier François ( Union pour un Mouvement Populaire - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Ministère attributaire :  Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Question publiée au JO le :  06/04/2010  page :  3849
Réponse publiée au JO le :  17/08/2010  page :  9159
Rubrique :  communes
Tête d'analyse :  personnel
Analyse :  contractuels. réglementation
Texte de la QUESTION : M. François Grosdidier appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les conditions d'embauche par un maire d'un parent au sein du personnel municipal. Plus précisément, il souhaiterait savoir si une telle embauche ne peut faire l'objet de recours devant le juge administratif ou le juge pénal et s'il convient de distinguer entre une embauche approuvée par le conseil municipal et une embauche effectuée directement par le maire en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés par le conseil municipal. Enfin, il souhaiterait savoir quel est l'état de la jurisprudence en la matière.
Texte de la REPONSE : Les conditions de recrutement au sein de la fonction publique territoriale sont en premier lieu, comme pour les autres fonctions publiques, présidées par le principe d'égal accès aux emplois publics. Ensuite, elles sont encadrées par la loi n 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, laquelle prévoit que les emplois publics territoriaux sont prioritairement pourvus par la voie du concours. Ce n'est que dans des cas limitativement énumérés que les collectivités peuvent avoir recours au recrutement d'un agent non titulaire. Quelle que soit l'hypothèse envisagée, c'est l'exécutif qui détient le pouvoir de nomination et à qui il revient de choisir la candidature retenue pour pourvoir l'emploi vacant. S'agissant du cas où un maire souhaiterait recruter un parent, la voie contractuelle et celle du recrutement direct sans concours sont indissociables d'un risque pénal résultant de l'intérêt moral qu'aurait ce maire à recruter un membre de sa famille. En effet, il convient de faire une lecture combinée des dispositions statutaires applicables à la fonction publique territoriale et celles résultant, d'une part, de l'article 432-12 du code pénal définissant la prise illégale d'intérêt et, d'autres part, de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, lesquelles tendent à écarter ce type de recrutement. En ce qui concerne l'état actuel de la jurisprudence de la Cour de cassation, le « délit est caractérisé par la prise d'un intérêt matériel ou moral, direct ou indirect, et se consomme par le seul abus de la fonction, indépendamment de la recherche d'un gain ou de tout autre avantage personnel » (Cass. Crim. 21 juin 2000, n 99-86871). C'est ainsi que le juge pénal sanctionne l'élu qui a recruté ses deux enfants comme agents non titulaires de la collectivité. En privilégiant les intéressés au mépris des prescriptions légales, il a pris un intérêt moral dans l'attribution de ces deux postes, alors qu'il avait la surveillance de ces opérations et en assurait le paiement. La circonstance que de tels recrutements auraient constitué une pratique courante dans les collectivités territoriales n'exonère pas l'élu du respect de la loi (Cass. Crim. 8 mars 2006 confirmant CA de Douai du 14 juin 2005, pourvoi n 05-85276 au bulletin). Par ailleurs, si la qualification pénale du délit de prise illégale d'intérêt relève, au cas par cas, de la seule appréciation du juge pénal, les juges administratifs censurent l'acte administratif qui expose l'élu à l'application de la sanction pénale. Ainsi, le juge administratif peut être amené à prendre en compte le droit pénal, non pour dire si une infraction a été commise ni pour prononcer une condamnation, mais pour déterminer si un acte administratif a respecté les prescriptions établies par ce droit (CE Ass. 6 décembre 1996, n 67502). À titre d'illustration, dans un jugement rendu le 20 décembre 1995 par le tribunal administratif de Besançon (instance n 951390), les juges ont considéré « qu'un conseil municipal ne peut légalement prendre une délibération qui, ayant pour objet d'autoriser un acte tel que le recrutement d'un agent conjoint du maire, exposerait celui-ci, en cas de réalisation effective de cet acte, à l'application de l'article 432-12 du code pénal ; que par suite, Mlle... et M.... sont fondés à soutenir que la délibération attaquée décidant du recrutement de la propre épouse du maire est illégale ». L'arrêt du Conseil d'État, statuant au contentieux, en date du 27 juillet 2005 (n 263714) a ainsi confirmé un jugement initial pris par le tribunal administratif de Papeete du 12 octobre 1999 qui se fondait sur le motif de la filiation des personnes recrutées avec les maire et adjoints de la commune et jugeait qu'il résultait des dispositions de l'article 432-12 du code pénal que l'autorité de tutelle pouvait légalement prononcer l'annulation des actes de recrutement litigieux. Il convient enfin de souligner que le 5° de l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales impose, dans le cadre du contrôle de légalité, la transmission obligatoire au représentant de l'État dans le département, de toutes les décisions individuelles relatives au recrutement de titulaires ou non-titulaires, à l'exception de celles prises dans le cadre d'un besoin saisonnier ou occasionnel. Par ailleurs, en vertu des 1 et 3 de ce même article, demeurent également soumises à l'obligation de transmission au préfet certaines délibérations, dont celles créant un emploi et prévoyant qu'il peut être occupé par un agent non titulaire ou celles autorisant le maire à signer le contrat d'engagement d'un agent non titulaire. Le préfet peut donc, s'il estime que les actes ainsi transmis sont contraires à la légalité, saisir le tribunal administratif dans le cadre d'un déféré.
UMP 13 REP_PUB Lorraine O