FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 75557  de  M.   Hénart Laurent ( Union pour un Mouvement Populaire - Meurthe-et-Moselle ) QE
Ministère interrogé :  Commerce, artisanat, pme,tourisme, services et consommation
Ministère attributaire :  Commerce, artisanat, pme,tourisme, services et consommation
Question publiée au JO le :  06/04/2010  page :  3801
Réponse publiée au JO le :  25/05/2010  page :  5742
Rubrique :  consommation
Tête d'analyse :  pratiques commerciales
Analyse :  subordination de vente. ordinateurs. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Laurent Hénart attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation sur l'obligation faite aux acquéreurs d'un ordinateur d'acheter simultanément, dans l'offre commerciale, un système d'exploitation. Ces pratiques commerciales sont connues et interdites : par l'article L. 122-11 du code de la consommation, qui les définit comme agressives lorsqu'elles « altèrent ou sont de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d'un consommateur et vicient ou sont de nature à vicier le consentement d'un consommateur » ; par l'article L. 122-11-1 qui répute agressive une pratique commerciale lorsqu'elle a pour objet « d'exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés » ; et par l'article R. 132-1 qui considère comme abusive une pratique commerciale visant à « constater l'adhésion du non-professionnel ou du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l'écrit qu'il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n'est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n'a pas eu connaissance avant sa conclusion ». Ces dispositions sont également reprises par la directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur consommateur. Compte tenu de cette situation, de nombreux consommateurs attirent l'attention des pouvoirs publics sur la persistance de ces offres commerciales. C'est pourquoi il lui demande les démarches que le Gouvernement compte engager pour apporter une prochaine résolution à cette problématique.
Texte de la REPONSE : La question du découplage du logiciel et de l'ordinateur est à replacer dans le cadre des débats qui ont eu lieu jusqu'à la fin de l'année 2009 entre la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et les professionnels du secteur sur les ventes liées d'ordinateurs avec leurs logiciels préinstallés. Si l'article L. 122-1 du code de la consommation interdit aux professionnels de subordonner la vente d'un produit à l'achat concomitant par le consommateur d'un autre produit, cette prohibition ne s'applique qu'en l'absence de motif légitime. En outre, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a rendu, le 23 avril 2009, un arrêt préjudiciel relatif à la conformité à la directive sur les pratiques commerciales déloyales du 11 mai 2005 d'une disposition de la législation belge comparable au texte français précité. Il ressort de cet arrêt qu'un État membre ne peut interdire par principe les ventes liées. Celles-ci peuvent en revanche tomber sous le coup des dispositions de la directive interdisant les pratiques déloyales, ces dernières nécessitant la réunion de deux critères : un manquement aux exigences de la diligence professionnelle et l'altération ou le risque d'altération substantielle du comportement économique des consommateurs. Les juridictions françaises font d'ores et déjà une analyse in concreto des pratiques de ventes liées afin de vérifier qu'il n'existe pas un motif légitime à une telle pratique. Ainsi, certaines d'entre elles ont estimé que l'infraction de vente liée n'était pas constituée dès lors qu'elle allait dans le sens de l'intérêt du consommateur ou qu'il existe une possibilité de remboursement de la licence que le consommateur souhaite refuser. Celui-ci est envisagé comme le consommateur moyen, et à ce titre la substitution d'un système d'exploitation à celui qui est préinstallé dans les ordinateurs n'est pas à sa portée. Force est de constater que certains fabricants et certaines enseignes de distribution spécialisées en micro-informatique proposent dès à présent des micro-ordinateurs sans logiciel préinstallé ou avec un système d'exploitation alternatif au logiciel dominant. Ces offres ne concernent que peu de références pour le moment, mais elles sont en mesure de satisfaire la demande spécifique d'une partie des consommateurs qui ne souhaitent pas payer une licence de système d'exploitation dont ils n'ont pas l'usage. Elles représentent, pour ces consommateurs, une alternative aux offres proposées par la grande distribution. Cependant, la DGCCRF est très attentive au fait que les consommateurs qui souhaitent disposer d'un autre système d'exploitation que celui qui est préinstallé dans leur ordinateur puissent le faire en obtenant le remboursement de la licence du système d'exploitation. Il résulte des consultations menées par cette administration à la fin de l'année 2009 que six fabricants représentant plus de 55 % du marché de l'informatique grand public ont mis en place une procédure de remboursement des logiciels. Ce remboursement est effectué après achat, directement par le fabricant selon une procédure qu'il détermine. Le distributeur, vendeur de l'ordinateur, n'intervient pas dans cette procédure de remboursement mais des rencontres avec les principaux distributeurs de produits informatiques ont permis d'améliorer l'information disponible dans leurs magasins. Les avancées obtenues sur la question du remboursement des logiciels préinstallés constituent un changement important pour ce secteur économique, dans un sens positif pour les consommateurs, dans un contexte où la prohibition de la subordination de ventes trouve difficilement à s'appliquer compte tenu notamment de l'évolution jurisprudentielle. En effet, deux décisions judiciaires défavorables aux associations de consommateurs ont récemment été rendues (TGI Nanterre, UFC Que choisir c/ HP, 30 octobre 2009, et CA Paris, UFC Que choisir c/ Darty, 26 novembre 2009). Il ressort tout d'abord clairement de ces décisions que l'article L. 122-1 du code de la consommation n'est pas incompatible avec le droit communautaire, notamment avec la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, dite directive PCD (pratiques commerciales déloyales), telle qu'interprétée par la CJCE dans son arrêt du 23 avril 2009. Pour autant, il ressort de ces deux décisions que la vente liée ne peut être sanctionnée que si elle remplit les critères de la pratique commerciale déloyale. Or, le fait de vendre des ordinateurs équipés d'un système d'exploitation préinstallé n'est pas une pratique commerciale trompeuse dès lors que le consommateur est informé de son intégration dans l'ordinateur. En outre, dans l'esprit du consommateur moyen, un ordinateur avec système d'exploitation préinstallé est un produit unique selon ces deux juridictions, le prix des logiciels préinstallés et les conditions d'utilisation de ceux-ci n'étant pas des informations substantielles de nature à influencer sa décision d'achat. Le fait que l'ordinateur équipé d'un système d'exploitation soit un produit unique, que le prix du système d'exploitation soit indifférent pour le consommateur et qu'il soit difficile pour le distributeur de communiquer une information qu'il ne maîtrise pas aboutit à l'absence d'obligation d'afficher séparément le prix de l'ordinateur nu et celui du système d'exploitation. De même, au pénal, la cour d'appel de Montpellier (3e chambre correctionnelle) a relaxé la société Dell Southern Europe des poursuites engagées contre celle-ci pour vente liée dans un arrêt du 7 mai 2009. La cour a estimé qu'en installant sur ses machines un système d'exploitation permettant l'utilisation immédiate du produit qu'elle fabrique et commercialise, la prévenue répondait à la demande de la majorité des consommateurs et ne commettait pas l'infraction de vente liée. Les opérateurs, rencontrés une seconde fois par la DGCCRF à la fin de l'année 2009, n'ont pas fait état de changements à venir dans leur politique commerciale malgré ces deux décisions. Les constructeurs remboursant actuellement le système d'exploitation préinstallé n'ont donc pas l'intention de supprimer cette possibilité, ce qui va dans le sens de l'intérêt des consommateurs. S'agissant du prix du système d'exploitation, il faut rappeler que son montant ou sa part relative dans le prix total d'un équipement informatique n'est ni fixe ni uniforme. Ainsi, le montant du remboursement du système d'exploitation est librement fixé par le fabricant et varie selon la version de Windows préinstallée sur l'ordinateur. Les autres logiciels préinstallés ne font pas l'objet d'un remboursement spécifique car ils n'ont pas de valeur commerciale. Il s'agit en effet de logiciels développés par les constructeurs eux-mêmes ou de versions d'essai dont la durée d'utilisation est limitée. Le montant remboursé (entre 40 et 60 EUR pour la version de Windows la plus couramment installée sur les ordinateurs destinés au grand public) est inférieur au prix public du système d'exploitation complet vendu en boîte. Cette différence s'explique par le fait que le système d'exploitation préinstallé est une version allégée (OEM) du logiciel, acquis à un prix préférentiel par le fabricant.
UMP 13 REP_PUB Lorraine O