Texte de la QUESTION :
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Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud alerte M. le ministre de la culture et de la communication sur le recours de plus en plus fréquent des enseignes de distribution aux anglicismes. L'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) ainsi que la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) ont travaillé en étroite collaboration afin de mener à bien une étude sur le thème de la langue dans la publicité. L'enquête publiée à l'automne 2009 présente deux enjeux : d'une part, évaluer l'ampleur des entorses à la langue française, c'est-à-dire les manquements à l'article 2 de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 et, d'autre part, valoriser les usages créatifs de langue française dans la publicité. Bien que les manquements constatés à l'issue de cette enquête soient considérés comme marginaux en raison notamment du grand nombre de contrôles effectués avant diffusion, et que l'on puisse se féliciter des utilisations innovantes et créatrices qui sont faites du français par de nombreuses marques à travers la mise en oeuvre de jeux de mots ou de détournement de mots entre autres, on ne peut toutefois manquer d'observer la présence de plus en plus fréquente, dans des désignations d'opérations, des appellations ou des noms de marques, de constructions calquées sur l'anglais ou de véritables anglicismes. Elle l'interroge donc sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour remédier à une situation susceptible d'entraîner un affaiblissement de la langue française dans l'espace public, un appauvrissement de la langue française et afin de mettre en avant les trésors de créativité et de subtilité que recèle notre langue.
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Texte de la REPONSE :
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Depuis l'édit de Villers-Cotterêts, la langue française est un élément constitutif de l'identité nationale. Aujourd'hui, l'usage du français, langue de la République, est garanti sur notre territoire, en vertu de la Constitution (art. 2), dans une perspective d'ouverture aux autres langues. Les pouvoirs publics disposent d'un service chargé d'animer, au plan interministériel, la politique linguistique de l'État : la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF). Rattachée au ministère de la culture et de la communication, elle joue un rôle de réflexion, d'impulsion et de coordination, assure le suivi des dispositifs législatifs et réglementaires (la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française) et s'appuie sur un réseau d'organismes partenaires parmi lesquels la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). Dans une circulaire du 14 février 2003, le Premier ministre a rappelé l'importance qu'il attache à l'information en langue française des consommateurs ; il a invité les services chargés du contrôle de l'application des textes relatifs à l'emploi de la langue française, en particulier la loi du 4 août 1994, à accomplir leur mission avec une particulière vigilance. Cette loi impose en effet l'emploi du français, sans exclure la présence d'autres langues, dans un certain nombre de circonstances où son usage est nécessaire pour protéger le citoyen. Elle n'a pas été inspirée par le souci de préserver la pureté du français en faisant la chasse aux mots étrangers, aux anglicismes ou aux incorrections orthographiques ou grammaticales : elle porte sur la présence du français, et non sur son contenu. Ainsi, dans le domaine de la consommation, l'article 2 de la loi du 4 août 1994 dispose que l'emploi du français est obligatoire dans la désignation et la présentation des biens, produits et services commercialisés sur le territoire français. Cet article précise que les mêmes dispositions s'appliquent à toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle. En 2008, les agents de la DGCCRF, chargés du contrôle de l'application des dispositions de cet article, ont effectué 11 248 interventions, avec un taux d'infractions constatées qui s'établit à 10,2 % ; ces infractions sont de faible gravité et aboutissent à des rappels de la réglementation plus qu'à la mise en oeuvre de procédures contentieuses. Le CSA, quant à lui, a l'obligation de veiller à la défense et à l'illustration de la langue et de la culture françaises dans la communication audiovisuelle ; il est donc responsable de l'application, dans ce secteur, des articles 12 et 13 de la loi. Enfin, l'ARPP intervient systématiquement auprès des professionnels en cas de manquement à l'article 2 de la loi, qui impose l'emploi du français dans la publicité d'un bien, d'un produit ou d'un service ainsi que pour les mentions et messages qui accompagnent une marque, dans le cadre de son action de contrôle avant et après diffusion des messages publicitaires.Cependant, si l'on peut déplorer la multiplication d'anglicismes dans des désignations d'opérations commerciales, des appellations ou des noms de marques ou des constructions calquées sur l'anglais, il convient de préciser que la circulaire d'application du 19 mars 1996 prévoit que « les dispositions de la loi ne s'étendent ni aux dénominations sociales, ni aux enseignes, ni aux noms commerciaux, ni aux marques de fabrique, de commerce ou de service », eux-mêmes protégés par la législation relative au droit d'auteur. Consciente de cette situation, la DGLFLF n'hésite pas à intervenir directement, lorsque des manquements flagrants sont constatés. Ainsi, sa vigilance l'a conduite, dans l'affaire « Lyon airports », à exprimer son soutien le plus absolu au préfet de la région Rhône-Alpes qui a demandé au conseil de surveillance de la société aéroportuaire de renoncer à l'appellation « Lyon airports » pour revenir à celle d'« Aéroports de Lyon » ; cette décision a été acceptée par le président du conseil de surveillance d'Aéroports de Lyon, qui s'est publiquement engagé à revenir à cette appellation. La DGLFLF s'appuie par ailleurs sur un certain nombre d'études pour orienter son action. En 2009, une enquête menée par l'ARPP avec son soutien a permis de dresser un état des lieux des relations entre la langue française et la publicité. Sur les 3 526 publicités analysées en radio et affichage, 147 manquements ont été dénombrés, soit 4 %. Au-delà de ces manquements, l'étude a permis de constater que de nombreuses publicités s'inscrivent dans un environnement international (musique, noms de marques, de produits). Il s'en dégage une atmosphère multiculturelle, qui tend parfois à reléguer au second plan la visibilité de notre langue. Par contre, les visuels témoignant d'une utilisation créative de la langue française sont proportionnellement quasi deux fois plus nombreux que ceux présentant des manquements. L'étude en a repéré 591 sur le premier trimestre 2009. Au final, ce rapport bat en brèche plusieurs idées reçues sur la langue publicitaire et met en lumière un gisement de créativité encore largement sous-exploité. Il prouve également la nécessité de développer un dialogue avec les professionnels pour promouvoir le rôle clé de l'utilisation du français dans les campagnes publicitaires.
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