FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 80424  de  M.   Vuilque Philippe ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Ardennes ) QE
Ministère interrogé :  Prospective et économie numérique
Ministère attributaire :  Culture et communication
Question publiée au JO le :  08/06/2010  page :  6271
Réponse publiée au JO le :  14/09/2010  page :  9990
Date de changement d'attribution :  07/09/2010
Rubrique :  ministères et secrétariats d'État
Tête d'analyse :  culture et communication : archives
Analyse :  communication. réglementation. perspectives
Texte de la QUESTION : M. Philippe Vuilque alerte Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique sur les évolutions concernant la réutilisation des archives publiques. Depuis plusieurs années, la photographie numérique a apporté un grand progrès pour la pratique de la généalogie. Nombreux sont les généalogistes qui ont ainsi photographié systématiquement les actes concernant leurs ancêtres, parfois même des registres complets (archives de l'état civil, archives notariales anciennes). Ces photographies sont ensuite diffusées via Internet, soit sur leur arbre généalogique (apportant ainsi la source de l'information affichée), soit via des sites communautaires dans le droit fil de l'entraide et du partage qui caractérisent la pratique de la généalogie en France. Or ces évolutions réglementaires en cours nous inquiètent et risquent de ne plus permettre aux généalogistes de poursuivre serainement leur passion. En effet, le rapport de la commission Ory-Lavollée préconise que la réutilisation des données d'archives publiques fasse l'objet de licences payantes. Elles interdiraient de facto la poursuite des projets d'entraides et de partage des archives en octroyant un rôle d'intermédiaire à des société privées françaises ou étrangères. Pour certaines sociétés commerciales, la généalogie et tout particulièrement l'accès aux documents d'archives est génératrice de produits financiers importants. À l'inverse, des milliers de structures bénévoles, associatives réunissent depuis des décennies, les généalogistes et les historiens qui privilégient le loisir, les échanges plutôt que la génération de chiffre d'affaires. En conséquence, les généalogistes, historiens, archivistes et utilisateurs réguliers des fonds d'archives français, refusent la privatisation déguisée de nos archives françaises et demandent que les archives publiques demeurent un bien commun pour l'avenir de notre identité et de notre histoire. Il souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur cette question.
Texte de la REPONSE : La réutilisation des informations publiques soulève de délicates questions d'ordre juridique, économique et éthique. Sur le plan juridique, la directive n° 2003/98/CE du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public a ouvert, pour chaque État membre, la possibilité de créer un marché de la réutilisation des informations publiques, tout en excluant de ce marché les établissement culturels, au nombre desquels figurent les services d'archives publics. L'ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 transposant cette directive a ouvert ce marché pour notre pays et l'a encadré par les dispositions des articles 10 à 19 de la loi du 17 juillet 1978, qui fixent le droit applicable à la réutilisation des informations publiques. L'article 11 de cette loi prévoit cependant un régime dérogatoire pour les services d'archives publics, lesquels peuvent fixer des conditions spécifiques de réutilisation. Mais aucun texte ne précise dans quelle mesure et dans quelles limites ces conditions spécifiques peuvent déroger au droit commun de la réutilisation et à d'autres règles de droit applicables à ce domaine, notamment la protection des données personnelles, le droit de la concurrence et le principe d'égalité. Les services d'archives publics sont en train de se doter de licences encadrant leur relation avec les réutilisateurs, qu'il s'agisse de particuliers, d'associations ou de sociétés commerciales. Ces licences fixent notamment les limites de la réutilisation et les redevances qui peuvent, le cas échéant, en constituer la contrepartie. Elles seront déterminées, s'agissant des services territoriaux d'archives, par la collectivité territoriale dont elles dépendent, en application du principe de libre administration. Le service interministériel des archives de France a diffusé auprès de ces services une note visant à harmoniser les pratiques, dans le respect de ce principe. Sur le plan économique, différentes sociétés privées souhaitent procéder à la réutilisation des documents d'archives publics. L'application d'une redevance à une réutilisation commerciale de ces documents est justifiée et acceptée par la plupart des acteurs économiques souhaitant intervenir sur ce marché. Elle constitue en effet la contrepartie des investissements réalisés par l'État et les collectivités territoriales pour microfilmer ou numériser les documents conservés dans les services d'archives publics. Le montant de cette redevance fait en revanche débat, les acteurs économiques souhaitant que celui-ci soit le moins élevé possible. Le ministère de la culture et de la communication estime néanmoins que le prix de la réutilisation doit refléter la part déterminante que le service public a prise pour rendre possible, par les opérations de microfilmage et de numérisation des documents qu'il a financées, le développement d'une activité économique fondée sur la réutilisation de ceux-ci. Sur le plan éthique enfin, de nombreux élus de toute tendance et acteurs de la société civile, notamment l'association des archivistes français, se sont émus de la constitution par certaines sociétés engagées dans le marché de la réutilisation de bases de données nominatives indexant les documents d'archives réutilisés et interrogeables par toute personne sur Internet. Le croisement des informations figurant dans ces documents, qui peuvent être extrêmement sensibles, pourrait permettre de constituer de véritables profils individuels, sans que le consentement des personnes concernées n'ait été recueilli. Se pose donc la question de l'exclusion du champ de la réutilisation des documents d'archives publiques comprenant des données personnelles sensibles, tels que les actes d'état civil, les recensements de population, ou encore les fichiers de police, alors que ces documents font fréquemment l'objet de demandes de réutilisation en vue d'une indexation nominative diffusée sur des sites commerciaux payants. Dans ce contexte, le ministère de la culture et de la communication, sans refuser le principe d'une réutilisation commerciale des documents d'archives publiques, a recommandé aux services d'archives publics la plus grande prudence vis-à-vis des demandes dont il est saisi, notamment lorsque des données personnelles sont en jeu, et incite ces services à se doter de licences sécurisant toutes les formes de réutilisation. Seule une intervention du législateur pourrait poser un cadre plus contraignant pour la réutilisation de données sensibles au travers d'une modification de l'ordonnance de 2005.
S.R.C. 13 REP_PUB Champagne-Ardenne O