FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 84572  de  M.   Wojciechowski André ( Union pour un Mouvement Populaire - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  Culture et communication
Ministère attributaire :  Culture et communication
Question publiée au JO le :  20/07/2010  page :  7999
Réponse publiée au JO le :  22/03/2011  page :  2749
Date de changement d'attribution :  14/11/2010
Rubrique :  langue française
Tête d'analyse :  défense et usage
Analyse :  perspectives
Texte de la QUESTION : M. André Wojciechowski attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la progression inquiétante de l'usage de l'anglais dans la vie courante en France. Depuis toujours, notre langue s'est enrichie de mots ou expressions étrangères, tandis que de nombreux mots français ont été repris dans les langues étrangères, y compris l'anglais. Mais depuis quelques décennies l'entrisme de l'anglais s'accélère, et aujourd'hui, la langue de Shakespeare se substitue de plus en plus souvent, purement et simplement, à celle de Molière sans même que la traduction ou l'équivalence ne soit faite ou indiquée en français. C'est le cas depuis longtemps dans les grandes entreprises, certains médias, ou le « show-biz », et maintenant, le phénomène s'étend dans les lieux publics, les commerces, sur Internet, et même dans les administrations... Un exemple récent : une société pharmaceutique, Almus France, a envoyé un questionnaire en anglais à un médecin traitant d'un patient ayant eu une réaction grave à un médicament distribué par cette société. Ce médecin ne connaissant pas l'anglais technique utilisé n'a pu répondre en toute sécurité au questionnaire. D'autres exemples montrent que des contrats de travail de salariés travaillant en France sont rédigés uniquement en anglais malgré l'interdiction. C'est également le cas dans la diplomatie, par exemple aux Nations-unies où l'on a pu voir des ambassadeurs italiens ou espagnols souhaitant échanger en français, s'étonner d'entendre un fonctionnaire français parler en anglais. C'est aussi le cas dans la science qui doit être diverse comme l'est la culture. Il est anormal qu'une langue soit considérée comme la langue internationale et unique de la progression du savoir et de sa transmission. L'enseignement supérieur et la recherche dans le monde ne doivent pas nécessairement avoir comme modèle l'université de Princeton. Manifestement la loi Toubon n'est pas, ou n'est que très partiellement appliquée. Or, si on ne met pas un coup d'arrêt réel à ces dérives, nous serons rapidement submergés et notre langue ne sera bientôt plus qu'un idiome régional. Il lui demande ce que le Gouvernement compte faire pour enrayer ce phénomène inquiétant qui, pour sûr, met en cause notre identité nationale. Ne pourrait-on pas s'inspirer de la loi n° 101 au Québec qui semble avoir endigué la progression de l'anglais avec succès.
Texte de la REPONSE : La loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française traduit, en effet, le principe constitutionnel selon lequel la langue de la République est en français. Cette loi vise des objectifs très précis et il convient de constater qu'un certain nombre d'indicateurs permettent de conclure à une application satisfaisante de ce texte. Concernant l'emploi de notre langue dans les domaines où la loi le rend obligatoire, l'action des directions départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), celle des services douaniers et celle des associations agréées de défense de la langue française, contribuent à garantir un droit au français pour le consommateur. Ainsi, les agents de la DGCCRF ont effectué cette année 9 306 interventions. Tous les produits sont concernés, tous les types d'infractions sont représentés (étiquetage, modes d'emploi, instructions de sécurité, certificats de garantie, etc.). Pour leur part, les associations agréées par le garde des sceaux et le ministre de la culture et de la communication selon la procédure prévue par la loi du 4 août 1994, veillent avec une extrême vigilance et avec succès à l'application des dispositions de la loi qui protègent le consommateur. Depuis l'entrée en vigueur de la loi, leur pouvoir d'ester en justice a été à l'origine de plus de 140 décisions judiciaires. Dans les médias, le Conseil supérieur de l'audiovisuel constate peu de manquements aux dispositions de la loi qui rendent le français obligatoire dans ce domaine. Concernant les dispositions visant à protéger le salarié, plusieurs décisions de justice sont intervenues depuis 2005. Ainsi, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 2 mars 2006 a confirmé l'injonction faite à la société GEMS de traduire des documents destinés aux 412 techniciens français chargés de l'installation et de la maintenance d'appareils produits par la société (sous astreinte de 20 000 EUR pour chaque document non conforme). Cette jurisprudence, qui depuis cet arrêt s'est étoffée et imposée, tend à renforcer l'emploi du français dans les entreprises. Le rapport annuel sur l'emploi de la langue française retrace dans le détail le bilan de l'application de la loi du 4 août 1994. Si l'on envisage, avec le recul nécessaire, la période des quinze dernières années, on peut dire que la loi est, dans l'ensemble, relativement bien appliquée, sachant que, par définition, les objectifs visés ne seront jamais parfaitement atteints. C'est néanmoins l'objectif des différents services et organismes chargés du contrôle ainsi que de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, qui coordonne le dispositif. Tous savent qu'il convient de maintenir une vigilance toujours renouvelée et maintiennent en permanence leurs efforts en ce sens. De ce fait, la loi n° 101 citée répond à une situation très différente. En effet, le contexte linguistique, juridique, politique et culturel ne correspond pas au nôtre. Ainsi, le mécanisme de francisation des entreprises serait totalement inadapté au système hexagonal et il n'est donc pas opportun d'aligner notre cadre légal sur celui du Québec.
UMP 13 REP_PUB Lorraine O