Texte de la QUESTION :
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M. Michel Delebarre attire l'attention de M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sur le projet de loi relatif à l'immigration, l'intégration et la nationalité. Ce texte se concentre sur une gestion toujours plus sécuritaire du phénomène migratoire par l'édiction d'un nouveau droit de l'éloignement. Il constitue un fort recul des droits des étrangers et, plus globalement, représente une érosion des libertés individuelles préjudiciables à tous les citoyens français ou étrangers en situation régulière ou non. En effet, en édictant un nouveau droit de l'éloignement, le Gouvernement semble poursuivre une politique du chiffre appliquée à la gestion des populations migrantes « indésirables » ainsi qu'une vision utilitariste de la migration. L'éloignement forcé et l'internement administratif des étrangers en situation irrégulière seront donc mis en oeuvre : la création d'une peine de bannissement et l'interdiction de retour sur le territoire français, applicable à tout étranger en situation irrégulière également. L'allongement de la durée de rétention à 45 jours, la diminution sans précédent des garanties procédurales et la refonte du contrôle des juges avec l'intervention tardive du juge des libertés et de la détention, la création, à la discrétion de l'administration, de zones d'attente itinérantes et temporaires entravant la protection des réfugiés ainsi que la consécration des obligations à quitter le territoire Français, assorties ou non d'un délai de départ volontaire, représentent un ensemble de dispositifs condamnables. Il lui demande donc s'il compte intervenir afin d'écarter cette loi qui modifierait durablement notre système juridique et administratif et conduirait à la violation des droits fondamentaux les plus élémentaires.
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Texte de la REPONSE :
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Le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité transpose en droit français trois directives européennes dont la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive « retour ». Il s'inspire, également, de préconisations formulées par la commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d'immigration présidée par M. Pierre Mazeaud. Il réforme les procédures et le contentieux de l'éloignement, pour accroître leur efficacité. Le projet de loi privilégie le retour volontaire des étrangers en situation irrégulière. Il prévoit un délai de départ volontaire de trente jours à l'issue duquel l'intéressé peut être reconduit dans son pays d'origine. L'autorité administrative peut assortir sa décision d'éloignement d'une interdiction de retour sur l'ensemble du territoire européen. L'application de cette mesure ne sera ni automatique ni uniforme. La loi pose, en effet, le principe selon lequel il sera tenu compte de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. L'interdiction de retour sera, de plus, abrogée si l'étranger respecte le délai qui lui est accordé pour quitter volontairement le territoire. Le projet de loi prévoit la possibilité d'une dispense pour des raisons humanitaires appréciées au cas par cas. Le projet de loi organise de façon plus cohérente l'intervention des juges administratif et judiciaire compétents en matière d'éloignement. Ainsi, en cas de placement en rétention d'un étranger en situation irrégulière, le juge administratif statuera d'abord sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière et sur celle de la décision de placement en rétention administrative. La saisine du juge des libertés et de la détention n'interviendra qu'au bout de cinq jours afin qu'il se prononce sur la régularité de la procédure et du maintien en rétention. Ce nouveau dispositif ordonne de manière rationnelle, dans l'intérêt d'une bonne justice et du respect des principes constitutionnels, l'intervention du juge administratif puis du juge judiciaire, qui reste le gardien des libertés individuelles. De plus, ce texte instaure un système de « purge des nullités » et un régime des nullités invoquées en appel devant le juge des libertés et de la détention qui sécurisera les procédures adoptées conformément aux principes jurisprudentiels dégagés par la Cour de cassation. La durée de la rétention administrative dans le projet de loi passera, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, de 32 jours à 45 jours, afin de permettre l'obtention des laissez-passer consulaires. Elle restera la durée la plus courte d'Europe et, en tout état de cause, très inférieure à la durée maximale fixée par la directive « retour » qui prévoit un délai de six mois avec la possibilité d'ajouter douze mois supplémentaires en cas de manque de coopération de l'étranger concerné ou de retards subis pour obtenir du pays d'origine les documents nécessaires. Enfin, le projet de loi crée un dispositif adapté à l'arrivée de groupes d'étrangers en situation irrégulière à la frontière en dehors des points de passage frontaliers. Le préfet pourra créer une zone d'attente temporaire, qui relie les lieux de découverte d'un groupe de migrants au point de passage frontalier, où sont normalement effectués les contrôles des personnes. Le régime juridique applicable à la zone d'attente temporaire sera identique à celui de la zone d'attente permanente, créé par loi du 6 juillet 1992.
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