DEBAT :
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DROITS DE L'HOMME EN FRANCE ET POLITIQUE CARCÉRALE M. le président. La parole est à M. Albert
Likuvalu, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers
gauche. M. Albert Likuvalu. Monsieur le président, ma
question s'adresse à Mme la garde des sceaux et concerne la situation des droits
de l'homme dans notre pays. Mme Dati n'ignore pas que notre pays a célébré la
semaine dernière le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des
droits de l'homme, puisqu'elle était à l'Élysée, aux côtés du Président de la
République, lorsque celui-ci a défendu une " conception universelle " de ces
droits. Du reste, son collègue des affaires étrangères en a profité pour
suggérer la disparition du secrétariat d'État aux droits de
l'homme. Toutefois, ce soixantième anniversaire ne fut pas uniquement marqué
par le long discours du chef de l'État sous les lambris de l'Élysée et par la
petite phrase sibylline du ministre des affaires étrangères. En effet, de
nombreux magistrats et parlementaires se sont rendus dans des établissements
pénitentiaires pour dénoncer des manquements à la dignité humaine et des
atteintes graves aux droits de l'homme. Mais cela, Mme la garde des sceaux
semble l'ignorer, de même qu'elle semble ignorer que le commissaire aux droits
de l'homme auprès du Conseil de l'Europe, M. Thomas Hammarberg, a déclaré il y a
peu : " En matière de droits de l'homme, la France ne donne pas l'exemple. " M.
Hammarberg s'inquiète notamment que rien n'ait changé depuis la parution, il y a
trois ans, du rapport de son prédécesseur, qui dressait déjà un bilan accablant
de la situation des droits de l'homme dans notre pays. La surpopulation
carcérale et la politique du chiffre en matière d'immigration figurent toujours
parmi les principaux sujets d'inquiétude, auxquels il convient d'ajouter
l'instauration récente de la rétention de sûreté, qui consiste à maintenir les
criminels enfermés une fois qu'ils ont purgé leur peine. Je mentionnerai
également le refus persistant par la France de reconnaître les droits des
peuples indigènes qui vivent sur son territoire, en Guyane et en Océanie,
notamment à Wallis-et-Futuna. Ma question est simple : en matière de droits
de l'homme, le temps n'est-il pas venu pour la France de regarder la réalité en
face ? M. le président. Je vous remercie... M.
Albert Likuvalu. Notre pays ne serait-il pas plus crédible sur la scène
internationale s'il était exemplaire et irréprochable ? Avant de donner des
leçons au monde entier, pourquoi ne pas faire du respect des droits de l'homme
au sein de notre République un impératif catégorique ? (Applaudissements sur
les bancs du groupe SRC.) M. le président. La parole est
à M. Luc Chatel, porte-parole du Gouvernement. M. Luc
Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la
consommation, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, Mme la garde
des sceaux, Rachida Dati, vous prie de bien vouloir l'excuser. Vous
interrogez le Gouvernement sur sa politique en matière de respect des droits de
l'homme dans les prisons. Cette politique est l'une de ses priorités et elle
repose sur trois principaux axes. Premièrement, la France est engagée, depuis
2007, dans la mise en oeuvre des recommandations du Conseil de l'Europe, qui
comprend notamment l'application des règles pénitentiaires européennes dans nos
prisons. Concrètement, vingt-huit établissements pénitentiaires expérimentent
ces règles et ont entrepris une démarche de labellisation. Deuxièmement, le
Gouvernement soumettra au Parlement un projet de loi pénitentiaire, dont vous
savez qu'il comporte des avancées importantes en matière de droits des détenus,
qu'il s'agisse du maintien des liens familiaux, de la possibilité d'élire
domicile ou de l'aide aux personnes les plus démunies. Troisièmement, nous
menons une politique immobilière volontariste, qui nous conduira à construire,
d'ici à 2012, 13 000 nouvelles places de prison adaptées aux standards
européens, dont plus de 5 000 en 2009. Enfin, dans la communication qu'elle a
faite ce matin au conseil des ministres, Mme la garde des sceaux a rappelé la
création du contrôleur général des lieux de privation de liberté par la loi du
30 octobre 2007, poste auquel M. Jean-Marie Delarue a été nommé en juin dernier.
Il s'agit d'un outil de contrôle très important et totalement indépendant.
Trente-trois lieux de détention ont été contrôlés depuis le mois de juin et le
contrôleur a été saisi à 108 reprises. Le Gouvernement a ainsi fait progresser
l'État de droit et renforcé les garanties offertes aux personnes privées de
liberté, tout en se conformant au protocole facultatif de l'ONU, contre les
peines et traitements inhumains ou dégradants.
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