Texte de la REPONSE :
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ACCUEIL DES GENS DU VOYAGE PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
M. le président. La parole est à M.
Jean-Marc Ayrault, pour exposer sa question, n° 881, relative à l'accueil des
gens du voyage par les collectivités territoriales. M. Jean-Marc
Ayrault. Monsieur le secrétaire d'État, depuis plusieurs années, dans
de nombreuses villes de France, des ressortissants communautaires de Bulgarie et
de Roumanie issus des minorités roms, qui sont protégés par ailleurs par leur
droit national d'origine et par le droit international, dont celui de l'Union
européenne, sont contraints de vivre dans des conditions indignes. Le
Gouvernement semble n'avoir aucune politique en la matière et laisse les
collectivités locales seules face à l'afflux, parfois massif, de ces
populations. Ces familles s'installent dans des conditions de plus en plus
dégradées et inhumaines, dans des conditions d'occupation des sols illégales,
avec des ruptures de soins, une scolarisation décousue de leurs enfants et
surtout aucune perspective de travail, d'intégration ou de retour dans leur pays
d'origine. Pour les familles en voie d'intégration demeure un problème non
résolu de façon satisfaisante, celui d'un l'accès à l'emploi soumis à des
contraintes administratives particulièrement restrictives. J'aimerais connaître
le point de vue du Gouvernement sur ce point. L'État s'est totalement
désengagé de la gestion de l'intégration de ces populations. Il fait reposer sur
les communes et les départements le traitement d'un problème qui dépasse
totalement les compétences et les marges de manoeuvre des collectivités. Le
règlement de ce problème revêt une dimension nationale et européenne. Le seul
dispositif proposé par l'État, l'aide au retour, n'apporte aucune réponse
réellement concrète pour la grande majorité des Roms présents sur le territoire.
La faiblesse de la somme allouée aux personnes ayant vocation à regagner leur
pays rend particulièrement difficile la réinstallation de ces familles dans leur
pays dans de bonnes conditions, d'autant que ces populations continuent à
souffrir de discriminations dans leurs pays d'origine. Quant aux familles qui
ne sont concernées ni par un dispositif d'intégration ni par un retour au pays,
elles n'ont d'autre possibilité que de vivre en marge de la société. Ainsi,
c'est à une véritable situation de crise que sont confrontées les collectivités
territoriales - très souvent totalement démunies. Aucune n'a les compétences ni
les moyens d'apporter des solutions de fond, même si, naturellement, elles
peuvent appuyer des dispositifs relevant de l'État. Cette crise trouve ses
racines à l'échelle nationale et européenne : c'est là que doivent être
recherchées les solutions. C'est donc aux États et à l'Union européenne
qu'incombe la responsabilité d'impulser une stratégie claire avec les
gouvernements d'origine de ces citoyens communautaires - à commencer par le
gouvernement roumain. C'est donc à l'État, j'insiste, monsieur le secrétaire
d'État, qu'incombe la responsabilité de mettre en place un réel dispositif,
concerté avec les pays d'origine afin, notamment, de permettre l'intégration des
Roms dans leur propre pays. M. le président. Je vous
remercie, monsieur Ayrault. M. Jean-Marc Ayrault. Il s'agit
là d'une exigence première. Je souhaite donc savoir si la politique du
Gouvernement permet un traitement digne de cette situation et si elle est
conforme aux valeurs de l'Union Européenne. M. le président.
La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires
européennes. M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État
chargé des affaires européennes. Je vous remercie, monsieur le président
Ayrault, de poser cette question importante qui concerne de nombreuses communes
françaises mais aussi de nombreux pays d'Europe occidentale. Vous avez bien
voulu appeler l'attention du Gouvernement sur la situation en France de
ressortissants roumains et bulgares d'origine rom et sur les conséquences de
leur présence sur notre territoire pour l'État et les collectivités
locales. Étant moi-même élu parisien, je vis tous les jours ce problème dans
ma propre circonscription, et ce depuis l'entrée de la Roumanie au sein de
l'Union européenne le 1er janvier 2007. On constate la prolifération de ce que
j'ai appelé, au Conseil de Paris, des " bidonvilles démontables " : des gens
vivent dans des conditions épouvantables sur le trottoir, démontent leur
campement le soir pour revenir le lendemain matin et s'installer à nouveau sur
le trottoir. On en compte plusieurs milliers en banlieue parisienne, et
plusieurs villes de France et d'Europe sont également touchées par ce
phénomène. La situation des Roms en France, vous l'avez dit, est
inacceptable. Aujourd'hui, des enfants, des personnes âgées vivent dans des
bidonvilles à ciel ouvert, dans des caravanes dans des conditions d'hygiène
épouvantables, parce qu'ils sont exploités - laissez-moi insister sur ce point -
par des réseaux mafieux qui les contraignent à vivre dans ces conditions dignes
d'un autre âge. La liberté de circulation, véritable acquis, et l'un des
principes fondateurs de la construction européenne, ne doit pas être dévoyée au
profit de réseaux criminels de trafiquants d'êtres humains. J'ai abordé ce
sujet dès ma nomination, dès le mois de juillet dernier, lors d'une visite à
Bucarest. J'ai demandé au gouvernement roumain de prendre ses responsabilités et
j'ai créé un groupe de travail entre la France et la Roumanie spécifiquement
dédié aux problèmes que vous avez soulevés. Si les ressortissants bulgares et
roumains en général bénéficient, depuis le 1er janvier 2007, de la liberté de
circulation, encore faut-il qu'ils possèdent des ressources suffisantes et une
couverture sociale, à l'instar de tous les ressortissants des États membres de
l'Union européenne - ce qui n'est pas le cas ici. À la différence des autres
travailleurs salariés de l'Union, les ressortissants roumains et bulgares d'une
manière générale - les Roms ne sont pas seuls concernés - ne bénéficient pas de
la liberté pleine et entière d'installation : l'exercice d'une activité
professionnelle exige un titre de séjour et une autorisation de travail. Malgré
ces restrictions, cent cinquante métiers, énumérés dans l'arrêté du 18 janvier
2008 modifié par l'arrêté du 24 juin 2008, sont ouverts aux ressortissants de
ces deux États européens. Cette situation est donc un problème non d'emploi,
mais bien d'ordre public, qui résulte d'un trafic d'êtres humains à l'échelle
européenne. Que je sache, les bébés et les femmes âgées que je vois sur les
trottoirs de ma circonscription ne sont pas à la recherche d'un emploi. Ce
problème, d'ailleurs, touche d'autres grandes agglomérations d'Europe
occidentale. M. le président. Merci de bien vouloir
conclure, monsieur le secrétaire d'État. M. Pierre
Lellouche, secrétaire d'État. Je vais terminer, monsieur le
président, mais pour une fois que cette question est évoquée à l'Assemblée, je
souhaite que nous entamions une vraie réflexion. Le Gouvernement est mobilisé
sur le sujet. L'État, par l'intermédiaire des préfectures, mène des actions
d'accueil, de relogement d'urgence et d'intégration des populations roms
autorisées à rester sur le territoire français. Je n'entends pas polémiquer,
mais j'aimerais que certaines grandes villes de France le fassent
également. Pour les autres, des rapatriements humanitaires sont organisés par
l'Office français de l'immigration et de l'intégration Une aide financière est
accordée dans ce cadre. Un fichier a été créé en octobre dernier pour éviter que
les intéressés touchent ces aides de manière répétée et fassent des allers et
retours - pratique que j'ai moi-même pu observer. Cette charge financière ne
repose pas sur les communes mais exclusivement sur le budget de l'OFII,
opérateur du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité
nationale et du développement solidaire. Enfin, la France est contributeur
net au budget européen à hauteur de 5 milliards d'euros, notamment au bénéfice
de la Roumanie et de la Bulgarie, en particulier à travers les fonds structurels
et de cohésion. M. le président. Je vous remercie, monsieur
le secrétaire d'État. M. Pierre Lellouche, secrétaire
d'État. Pour la période 2007-2013, la Roumanie est bénéficiaire nette à
hauteur de 19,7 milliards d'euros et la Bulgarie de 6,8 milliards d'euros. Une
partie de ces fonds sert justement au financement de l'intégration des
populations roms de ces deux pays. Au vu de ces informations, il apparaît
évident qu'on ne peut déplorer aucun désengagement de l'État qui, au contraire,
se mobilise très fortement. Je vous invite, monsieur Ayrault, à m'accompagner
à Bucarest au mois de février pour une séance de travail avec le Gouvernement
roumain que je ne cesse de sensibiliser sur l'impact des transferts de certaines
populations vers des pays de l'ouest, alors que la Roumanie touche une très
forte subvention de l'Union européenne. Cette question dépasse le clivage
entre la droite et la gauche et n'est pas liée à l'emploi. Il ne s'agit pas non
plus de discrimination : c'est bel est bien un problème de trafic d'êtres
humains. La collaboration de tous est donc nécessaire pour mettre fin à des
trafics scandaleux. Quand je vois, en bas de chez moi, des bébés ou des
personnes âgées de plus de soixante-dix ans en pleine rue, toute la journée, par
des températures polaires, c'est scandaleux ! Il s'agit d'une violation
flagrante de l'ordre public et j'ai besoin de la mobilisation de tous les élus
pour peser sur le Gouvernement roumain, d'autant que cette question concerne,
j'insiste, de nombreux autres pays européens. M. le
président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault. M.
Jean-Marc Ayrault. Je fais partie de ces élus qui, confrontés à un
problème concret, souhaitent les traiter dans la clarté. Or nous souhaitons que
soient données aux administrations déconcentrées de l'État - en particulier aux
préfectures - des instructions plus précises. Ces administrations donnent en
effet souvent le sentiment de demeurer en retrait tandis que seules les
collectivités locales - villes et départements - agissent. Il convient de
favoriser l'intégration des familles qui ont vocation à rester sur le territoire
national et auxquelles nous devons faciliter l'accès au travail et au logement.
Nous jouons le jeu en la matière et ce n'est pas facile. Nous sommes aussi
confrontés à la question de la scolarisation et du suivi médical souvent assuré
par Médecins du monde. Voilà pour un petit nombre. Quant au plus grand
nombre, souvent entre les mains, il est vrai, de certains réseaux, il a vocation
à vivre dans la dignité dans son pays. Il y a quelques années, j'ai organisé à
Nantes un colloque sur la coopération franco-roumaine, afin de trouver des
solutions efficaces à cette question en Roumanie. M. le
président. Je vous remercie, monsieur Ayrault. M. Jean-Marc
Ayrault. J'ai bien entendu votre proposition, monsieur le secrétaire
d'État, et, s'il s'agit d'être utile, je suis prêt à apporter ma contribution.
C'est que nous sommes confrontés à un problème humanitaire qui n'est pas
conforme aux valeurs véhiculées par l'Union européenne et nous devons absolument
le faire évoluer dans le bon sens. M. Pierre Lellouche,
secrétaire d'État. Je suis entièrement d'accord !
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