FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 881  de  M.   Ayrault Jean-Marc ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Loire-Atlantique ) QOSD
Ministère interrogé :  Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Ministère attributaire :  Affaires européennes
Question publiée au JO le :  19/01/2010  page :  418
Réponse publiée au JO le :  27/01/2010  page :  433
Date de changement d'attribution :  26/01/2010
Rubrique :  étrangers
Tête d'analyse :  roms
Analyse :  conditions d'accueil. prise en charge
Texte de la QUESTION : M. Jean-Marc Ayrault interroge M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la situation rencontrée par les collectivités territoriales suite à l'arrivée de populations Roms sur leurs territoires. De nombreuses communes rencontrent des difficultés quant à l'accueil, l'accompagnement et l'intégration de ces ressortissants européens, notamment du fait des restrictions d'accès à certains emplois. Face au désengagement de l'État, les collectivités territoriales se retrouvent seules à assumer la prise en charge de ces populations. Il souhaite, par conséquent, connaître les intentions du Gouvernement pour permettre un accueil digne de ces familles.
Texte de la REPONSE :

ACCUEIL DES GENS DU VOYAGE PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour exposer sa question, n° 881, relative à l'accueil des gens du voyage par les collectivités territoriales.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le secrétaire d'État, depuis plusieurs années, dans de nombreuses villes de France, des ressortissants communautaires de Bulgarie et de Roumanie issus des minorités roms, qui sont protégés par ailleurs par leur droit national d'origine et par le droit international, dont celui de l'Union européenne, sont contraints de vivre dans des conditions indignes.
Le Gouvernement semble n'avoir aucune politique en la matière et laisse les collectivités locales seules face à l'afflux, parfois massif, de ces populations.
Ces familles s'installent dans des conditions de plus en plus dégradées et inhumaines, dans des conditions d'occupation des sols illégales, avec des ruptures de soins, une scolarisation décousue de leurs enfants et surtout aucune perspective de travail, d'intégration ou de retour dans leur pays d'origine.
Pour les familles en voie d'intégration demeure un problème non résolu de façon satisfaisante, celui d'un l'accès à l'emploi soumis à des contraintes administratives particulièrement restrictives. J'aimerais connaître le point de vue du Gouvernement sur ce point.
L'État s'est totalement désengagé de la gestion de l'intégration de ces populations. Il fait reposer sur les communes et les départements le traitement d'un problème qui dépasse totalement les compétences et les marges de manoeuvre des collectivités.
Le règlement de ce problème revêt une dimension nationale et européenne. Le seul dispositif proposé par l'État, l'aide au retour, n'apporte aucune réponse réellement concrète pour la grande majorité des Roms présents sur le territoire. La faiblesse de la somme allouée aux personnes ayant vocation à regagner leur pays rend particulièrement difficile la réinstallation de ces familles dans leur pays dans de bonnes conditions, d'autant que ces populations continuent à souffrir de discriminations dans leurs pays d'origine.
Quant aux familles qui ne sont concernées ni par un dispositif d'intégration ni par un retour au pays, elles n'ont d'autre possibilité que de vivre en marge de la société.
Ainsi, c'est à une véritable situation de crise que sont confrontées les collectivités territoriales - très souvent totalement démunies. Aucune n'a les compétences ni les moyens d'apporter des solutions de fond, même si, naturellement, elles peuvent appuyer des dispositifs relevant de l'État.
Cette crise trouve ses racines à l'échelle nationale et européenne : c'est là que doivent être recherchées les solutions. C'est donc aux États et à l'Union européenne qu'incombe la responsabilité d'impulser une stratégie claire avec les gouvernements d'origine de ces citoyens communautaires - à commencer par le gouvernement roumain.
C'est donc à l'État, j'insiste, monsieur le secrétaire d'État, qu'incombe la responsabilité de mettre en place un réel dispositif, concerté avec les pays d'origine afin, notamment, de permettre l'intégration des Roms dans leur propre pays.
M. le président. Je vous remercie, monsieur Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Il s'agit là d'une exigence première. Je souhaite donc savoir si la politique du Gouvernement permet un traitement digne de cette situation et si elle est conforme aux valeurs de l'Union Européenne.
M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Je vous remercie, monsieur le président Ayrault, de poser cette question importante qui concerne de nombreuses communes françaises mais aussi de nombreux pays d'Europe occidentale.
Vous avez bien voulu appeler l'attention du Gouvernement sur la situation en France de ressortissants roumains et bulgares d'origine rom et sur les conséquences de leur présence sur notre territoire pour l'État et les collectivités locales.
Étant moi-même élu parisien, je vis tous les jours ce problème dans ma propre circonscription, et ce depuis l'entrée de la Roumanie au sein de l'Union européenne le 1er janvier 2007. On constate la prolifération de ce que j'ai appelé, au Conseil de Paris, des " bidonvilles démontables " : des gens vivent dans des conditions épouvantables sur le trottoir, démontent leur campement le soir pour revenir le lendemain matin et s'installer à nouveau sur le trottoir. On en compte plusieurs milliers en banlieue parisienne, et plusieurs villes de France et d'Europe sont également touchées par ce phénomène.
La situation des Roms en France, vous l'avez dit, est inacceptable. Aujourd'hui, des enfants, des personnes âgées vivent dans des bidonvilles à ciel ouvert, dans des caravanes dans des conditions d'hygiène épouvantables, parce qu'ils sont exploités - laissez-moi insister sur ce point - par des réseaux mafieux qui les contraignent à vivre dans ces conditions dignes d'un autre âge. La liberté de circulation, véritable acquis, et l'un des principes fondateurs de la construction européenne, ne doit pas être dévoyée au profit de réseaux criminels de trafiquants d'êtres humains.
J'ai abordé ce sujet dès ma nomination, dès le mois de juillet dernier, lors d'une visite à Bucarest. J'ai demandé au gouvernement roumain de prendre ses responsabilités et j'ai créé un groupe de travail entre la France et la Roumanie spécifiquement dédié aux problèmes que vous avez soulevés.
Si les ressortissants bulgares et roumains en général bénéficient, depuis le 1er janvier 2007, de la liberté de circulation, encore faut-il qu'ils possèdent des ressources suffisantes et une couverture sociale, à l'instar de tous les ressortissants des États membres de l'Union européenne - ce qui n'est pas le cas ici. À la différence des autres travailleurs salariés de l'Union, les ressortissants roumains et bulgares d'une manière générale - les Roms ne sont pas seuls concernés - ne bénéficient pas de la liberté pleine et entière d'installation : l'exercice d'une activité professionnelle exige un titre de séjour et une autorisation de travail. Malgré ces restrictions, cent cinquante métiers, énumérés dans l'arrêté du 18 janvier 2008 modifié par l'arrêté du 24 juin 2008, sont ouverts aux ressortissants de ces deux États européens. Cette situation est donc un problème non d'emploi, mais bien d'ordre public, qui résulte d'un trafic d'êtres humains à l'échelle européenne. Que je sache, les bébés et les femmes âgées que je vois sur les trottoirs de ma circonscription ne sont pas à la recherche d'un emploi. Ce problème, d'ailleurs, touche d'autres grandes agglomérations d'Europe occidentale.
M. le président. Merci de bien vouloir conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je vais terminer, monsieur le président, mais pour une fois que cette question est évoquée à l'Assemblée, je souhaite que nous entamions une vraie réflexion.
Le Gouvernement est mobilisé sur le sujet. L'État, par l'intermédiaire des préfectures, mène des actions d'accueil, de relogement d'urgence et d'intégration des populations roms autorisées à rester sur le territoire français. Je n'entends pas polémiquer, mais j'aimerais que certaines grandes villes de France le fassent également.
Pour les autres, des rapatriements humanitaires sont organisés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration Une aide financière est accordée dans ce cadre. Un fichier a été créé en octobre dernier pour éviter que les intéressés touchent ces aides de manière répétée et fassent des allers et retours - pratique que j'ai moi-même pu observer. Cette charge financière ne repose pas sur les communes mais exclusivement sur le budget de l'OFII, opérateur du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Enfin, la France est contributeur net au budget européen à hauteur de 5 milliards d'euros, notamment au bénéfice de la Roumanie et de la Bulgarie, en particulier à travers les fonds structurels et de cohésion.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Pour la période 2007-2013, la Roumanie est bénéficiaire nette à hauteur de 19,7 milliards d'euros et la Bulgarie de 6,8 milliards d'euros. Une partie de ces fonds sert justement au financement de l'intégration des populations roms de ces deux pays.
Au vu de ces informations, il apparaît évident qu'on ne peut déplorer aucun désengagement de l'État qui, au contraire, se mobilise très fortement.
Je vous invite, monsieur Ayrault, à m'accompagner à Bucarest au mois de février pour une séance de travail avec le Gouvernement roumain que je ne cesse de sensibiliser sur l'impact des transferts de certaines populations vers des pays de l'ouest, alors que la Roumanie touche une très forte subvention de l'Union européenne.
Cette question dépasse le clivage entre la droite et la gauche et n'est pas liée à l'emploi. Il ne s'agit pas non plus de discrimination : c'est bel est bien un problème de trafic d'êtres humains. La collaboration de tous est donc nécessaire pour mettre fin à des trafics scandaleux.
Quand je vois, en bas de chez moi, des bébés ou des personnes âgées de plus de soixante-dix ans en pleine rue, toute la journée, par des températures polaires, c'est scandaleux ! Il s'agit d'une violation flagrante de l'ordre public et j'ai besoin de la mobilisation de tous les élus pour peser sur le Gouvernement roumain, d'autant que cette question concerne, j'insiste, de nombreux autres pays européens.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. Je fais partie de ces élus qui, confrontés à un problème concret, souhaitent les traiter dans la clarté. Or nous souhaitons que soient données aux administrations déconcentrées de l'État - en particulier aux préfectures - des instructions plus précises. Ces administrations donnent en effet souvent le sentiment de demeurer en retrait tandis que seules les collectivités locales - villes et départements - agissent.
Il convient de favoriser l'intégration des familles qui ont vocation à rester sur le territoire national et auxquelles nous devons faciliter l'accès au travail et au logement. Nous jouons le jeu en la matière et ce n'est pas facile. Nous sommes aussi confrontés à la question de la scolarisation et du suivi médical souvent assuré par Médecins du monde. Voilà pour un petit nombre.
Quant au plus grand nombre, souvent entre les mains, il est vrai, de certains réseaux, il a vocation à vivre dans la dignité dans son pays. Il y a quelques années, j'ai organisé à Nantes un colloque sur la coopération franco-roumaine, afin de trouver des solutions efficaces à cette question en Roumanie.
M. le président. Je vous remercie, monsieur Ayrault.
M. Jean-Marc Ayrault. J'ai bien entendu votre proposition, monsieur le secrétaire d'État, et, s'il s'agit d'être utile, je suis prêt à apporter ma contribution. C'est que nous sommes confrontés à un problème humanitaire qui n'est pas conforme aux valeurs véhiculées par l'Union européenne et nous devons absolument le faire évoluer dans le bon sens.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je suis entièrement d'accord !

S.R.C. 13 REP_PUB Pays-de-Loire O