Texte de la QUESTION :
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M. Marc Le Fur attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur l'étiquetage du mode d'abattage des animaux dont la viande est vendue sur le marché français. Depuis 1979, la France est signataire de la Convention européenne sur la protection des animaux d'abattage. L'article 16 de cette convention dispose, en son paragraphe premier, que « Les procédés d'étourdissements autorisés par les parties contractantes doivent plonger l'animal dans un état d'inconscience où il est maintenu jusqu'à l'abattage, lui épargnant en tout état de cause toute souffrance évitable ». Cet engagement européen a été confirmé, cette fois au plan communautaire, avec l'adoption de la directive européenne n° 93/119/CE du Conseil, le 22 décembre 1993, sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort, qui s'impose à la France. Cette directive prévoit notamment, en son article 5, que « les solipèdes, les ruminants, les porcs, les lapins et les volailles introduits dans les abattoirs aux fins d'abattage doivent être étourdis avant abattage ou mis à mort instantanément conformément aux dispositions de l'annexe C ». Le principe qui préside donc dans les textes européens est celui de l'interdiction de l'abattage des animaux conscients, c'est-à-dire l'obligation d'étourdir préalablement les animaux, avant leur mise à mort, de façon à leur éviter toute souffrance inutile. Des possibilités de dérogation à l'abattage préalable ont toutefois été prévues, dans ces deux textes, à l'intention des États signataires ou des États membres. Ces cas exceptionnels font l'objet d'une liste limitative. Ainsi, la Convention européenne de 1979 énumère les quatre cas suivants : abattages selon des rites religieux, abattages d'extrême urgence lorsque l'étourdissement n'est pas possible, abattages de volailles et de lapins selon des procédés agréés provoquant une mort instantanée des animaux, mise à mort d'animaux pour des raisons de police sanitaire, si des raisons particulières l'exigent. Ces exceptions se retrouvent de manière équivalente dans la directive communautaire de 1993, qui énonce en particulier une possibilité de dérogation, pour les autorités compétentes, en ce qui concerne « les animaux faisant l'objet de méthodes particulières d'abattage requises par certains rites religieux » (paragraphe 2 de l'article 5), mais cette dérogation n'est qu'une possibilité laissée aux États membres. Dans notre pays, cette directive communautaire a fait l'objet d'une transposition en droit français, par la voie réglementaire. À cette occasion, la France a fait le choix de mettre en oeuvre le principe de l'interdiction, tout en lui reconnaissant certaines exceptions. Ces dernières sont désormais codifiées au sein du code rural et de la pêche maritime, à l'article R. 214-70. Toutefois, il apparaît aujourd'hui que l'exception devienne la règle générale. Un article de presse récent a ainsi révélé qu'une part non négligeable de viandes provenant d'animaux égorgés conscients, qui ne sont pas consommées entièrement par ceux à qui elles étaient initialement destinées, seraient réinjectées dans le circuit classique de la grande distribution et des détaillants. Ainsi, en 2008, la direction générale de l'alimentation estimait qu'en France 12 % des bovins et 49 % des ovins étaient tués sans étourdissement, selon des rituels religieux, tandis que les pratiquants musulmans et juifs ne représentent que 7 % de la population française. La Commission européenne avait d'ailleurs conclu ainsi une enquête : « Le nombre d'animaux abattus selon un rituel religieux dépasse très largement les besoins intérieurs des minorités religieuses concernées ». Les raisons de cette généralisation de l'abattage sans étourdissement préalable sont essentiellement économiques. Elle permet aux abattoirs d'accéder à de nouveaux marchés, ceux de la viande casher et halal, de plus en plus lucratifs, tout en écoulant les invendus sur le marché classique. Or cet écoulement se fait sans étiquetage particulier. Il résulte de ce phénomène un défaut d'information du consommateur qui peut, dès lors, se retrouver à consommer sans le savoir ni le vouloir des viandes abattues selon certains rites. Cette généralisation progressive d'un mode d'abattage sur un autre peut poser problème, précisément en ce qu'elle ne se fait pas en toute transparence. Le consommateur a le droit de savoir d'où vient la viande qu'il achète, son origine, son pays, son mode d'élevage mais aussi son mode d'abattage. Il s'agit là de l'application du principe même de la traçabilité, reconnu tant dans la réglementation communautaire que dans la législation française. C'est pourquoi il lui demande de préciser les mesures concrètes qui pourraient être prises afin de trouver un équilibre entre un esprit de tolérance vis-à-vis des pratiques religieuses et la nécessaire information du consommateur.
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