FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 9181  de  Mme   Marcel Marie-Lou ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Aveyron ) QE
Ministère interrogé :  Justice
Ministère attributaire :  Justice
Question publiée au JO le :  30/10/2007  page :  6667
Réponse publiée au JO le :  26/08/2008  page :  7416
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  fonctionnement
Analyse :  carte judiciaire. réforme. perspectives
Texte de la QUESTION : Mme Marie-Lou Marcel attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le comité consultatif de la carte judicaire qu'elle a mis en place. Á ce sujet, la première présidente de la cour d'appel de Montpellier a organisé une réunion de concertation le 19 septembre dernier. Les propositions faites lors de cette réunion sur la réforme de la carte judiciaire auraient un effet désastreux pour notre territoire. Sur le seul département de l'Aveyron, les mesures envisagées portent sur la disparition de 22 juridictions à Decazeville, Espalion, Millau, Saint-Affrique et Villefranche-de-Rouergue. L'Aveyron est le cinquième département le plus vaste de France, à lui seul plus grand que la collectivité territoriale de Corse dans son ensemble. Il est aussi l'un des plus enclavés du pays : une heure trente aller-retour sont nécessaires pour rallier Decazeville à Rodez, quand sur une grande majorité du territoire français, la moitié de ce temps aurait été largement suffisant pour accomplir la distance de 78 kilomètres aller-retour qui sépare les deux villes. La problématique (distance et temps de route) est identique pour les autres villes du département. Sur la 2e circonscription de l'Aveyron, les mesures envisagées portent d'abord sur le Conseil de prud'hommes de Decazeville ; des motifs d'ordre budgétaire ne peuvent être invoqués pour justifier une suppression de cette juridiction dont le budget de fonctionnement, faut-il le rappeler, est extrêmement faible. En effet, il n'y a pas de greffe permanent et le bâtiment est mis à disposition gratuitement par la municipalité. Sa suppression entraînerait un allongement certain du traitement des dossiers qui, à ce jour, est nettement inférieur à la moyenne constatée. L'éloignement du justiciable vis-à-vis de la justice et le ralentissement des procédures induit ne peuvent en aucun cas contrebalancer une quelconque économie. Quant au tribunal d'instance de Villefranche-de-Rouergue, supprimer ce tribunal conduirait à la disparition du contentieux civil, du juge de proximité, du tribunal de police, du tribunal paritaire des baux ruraux, et du juge des tutelles. Si ces deux juridictions devaient disparaître, sur la 2e circonscription, le justiciable n'aurait plus aucun accès réel à la justice, sous quelque forme que ce soit. Une telle réforme remettrait en cause le principe même du pacte républicain de solidarité, fondé, faut-il le rappeler, sur l'égalité des droits entre tous les Français et l'unité de notre territoire. Ce territoire serait, si ces mesures devaient s'appliquer, un véritable désert judiciaire. Elle souhaite également attirer son attention sur le fait que la très grande majorité des justiciables de l'Ouest-Aveyron sont éligibles à l'aide juridictionnelle et, par conséquent, auront les plus grandes difficultés à se déplacer chez leur avocat et auprès de la juridiction qui traite leur dossier. Les propositions actuelles présentées dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire pour le département de l'Aveyron mettront à mal l'accessibilité à la justice : se déplacer à Rodez, voire même à Montpellier pour certaines affaires pénales, coûte cher et certains justiciables pourraient hésiter à se défendre. Ces propositions font fi, d'une part, de tout le travail des élus locaux dans le cadre de l'aménagement de notre territoire et, d'autre part, elles ne manqueraient pas d'amplifier l'engorgement judiciaire.
Texte de la REPONSE : La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que les décrets n° 2008-145 du 15 février 2008 modifiant le siège et le ressort des tribunaux d'instance, des juridictions de proximité et des tribunaux de grande instance et n° 2008-146 du 15 février 2008 modifiant le siège et le ressort des tribunaux de commerce ont été publiés après une concertation approfondie sur la réforme de la carte judiciaire conduite tant au niveau national que dans chaque cour d'appel et département avec l'ensemble des acteurs judiciaires, les représentants des professions juridiques et judiciaires, et les élus. En outre, à l'issue des consultations prévues par la loi, le siège et le ressort des conseils de prud'hommes ont été modifiés par le décret n° 2008-514 du 29 mai 2008. Ces textes ont pour finalité de prévoir des implantations judiciaires dont l'activité se révèle suffisante pour garantir la qualité et l'efficacité de la réponse judiciaire tant en ce qui concerne l'expérience des juges que les délais de réponse judiciaire. Cette réforme permet en effet d'améliorer le fonctionnement des tribunaux en regroupant les plus petites juridictions au siège d'une juridiction ayant une activité suffisante pour assurer un service permanent de qualité. Dans le département de l'Aveyron, le tribunal de grande instance de Millau est regroupé avec celui de Rodez. Les juridictions d'instance et de proximité ayant leur siège à Saint-Affrique, Espalion et Villefranche de Rouergue et le greffe détaché de Decazeville sont regroupées avec les tribunaux d'instance et juridictions de proximité de Millau et Rodez. Enfin, le tribunal de commerce de Millau et le conseil de prud'hommes de Decazeville sont regroupés avec les juridictions de même nature siégeant à Rodez. En effet, eu égard à leur volume d'activité, ces juridictions comptaient parmi celles ayant une faible activité. Ainsi, les tribunaux d'instance et juridictions de proximité précités traitaient respectivement, 147, 166, et 363 affaires nouvelles par an en moyenne, entre 2004 et 2006, ce qui ne permettait pas d'y affecter un magistrat à temps plein. Le tribunal de commerce de Millau traitait 75 affaires contentieuses en moyenne par an entre 2003 et 2005, ce qui représentant 9,3 dossiers par an pour chacun de ses 8 juges consulaires et le conseil de prud'hommes de Decazeville 173 affaires nouvelles par an en moyenne. Enfin, le tribunal de grande instance de Millau est le deuxième plus petit tribunal de grande instance en termes d'activité (743 affaires civiles nouvelles et 1 353 affaires poursuivables, en moyenne et par an entre 2004 et 2006). Dans ces conditions, la continuité du service, l'accueil du justiciable et la sécurité des juridictions ne pouvaient être assurés de manière acceptable. Cette nouvelle organisation n'est pas de nature à compromettre la proximité pour tous les contentieux dans lesquels la présence personnelle des parties est nécessaire. En effet, Millau conserve son tribunal d'instance, sa juridiction de proximité et son conseil de prud'hommes. Sont ainsi maintenus des lieux de justice où des audiences foraines pourront se tenir conformément aux dispositions de l'article R. 124-2 du code de l'organisation judiciaire permettant la tenue d'audiences foraines en toutes matières par toutes les juridictions de l'ordre judiciaire, cette procédure étant particulièrement adaptée au traitement des contentieux nécessitant la comparution personnelle des parties. S'agissant des tutelles, qui représentent une part importante de l'activité des tribunaux d'instance supprimés dans le département de l'Aveyron, il convient de préciser que les juges des tutelles se déplacent d'ores et déjà pour les auditions des personnes protégées, soit au domicile de celles-ci, soit dans les institutions spécialisées où elles sont hébergées, mode de fonctionnement qui n'a pas lieu d'être modifié par la réforme de la carte judiciaire et préserve un accès à la justice à tous. C'est donc une démarche pragmatique et non mécanique qui a été privilégiée. Il a été recherché le meilleur équilibre entre les impératifs de modernisation de l'institution judiciaire, de renforcement de la qualité de la justice au service de nos concitoyens et l'indispensable prise en compte des contraintes d'aménagement du territoire.
S.R.C. 13 REP_PUB Midi-Pyrénées O