Texte de la QUESTION :
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M. Éric Ciotti attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la délivrance des cartes de séjour à un ressortissant étranger polygame. Depuis 1993, le législateur a entendu proscrire très fermement l'existence d'une polygamie effective sur le sol français, en invitant les préfets à refuser la délivrance ou le renouvellement de titres de séjour au ressortissant polygame et à ses conjoints autres que le premier. De même, il a affirmé que le bénéfice du regroupement familial ne pouvait jamais être accordé aux conjoints d'un étranger polygame résidant sur le territoire français et que celui-ci pouvait même se voir retirer son titre de séjour au seul motif qu'il a fait entrer en France plusieurs conjoints ou des enfants issus de cette situation de polygamie. Il lui demande donc de lui communiquer le nombre de titres de séjour dont on a refusé la délivrance, le renouvellement ou qui ont été retirés sur ces bases. - Question transmise à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
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Texte de la REPONSE :
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La loi n° 93-1027 du 24 août 1993 a introduit dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée des dispositions très rigoureuses, aujourd'hui codifiées aux articles L. 314-1 et L. 314-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, destinées à interdire la délivrance d'une carte de résident à un ressortissant étranger qui vit en état de polygamie. Ainsi, si une situation de polygamie est portée à la connaissance du préfet, celui-ci est dans l'obligation de retirer la carte de résident de l'étranger polygame, même s'il entre dans l'une des catégories qui lui permettrait de bénéficier d'une carte de plein droit. À cet égard, la jurisprudence du Conseil d'État considère que la situation de polygamie fait obstacle à ce qu'un étranger puisse utilement se prévaloir de son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. L'article L. 314-1 du code précité prévoit expressément que la carte de résident est renouvelée de plein droit « sous réserve » des dispositions de l'article L. 314-5. Ainsi, un étranger vivant en état de polygamie ne se verra pas renouveler sa carte de résident de plein droit. Lorsque l'étranger en situation de polygamie bénéficie d'une protection contre les mesures d'éloignement, le préfet peut lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « visiteur » en fonction de sa situation professionnelle. Ce dispositif vise à inciter les époux à « décohabiter » puisque le renouvellement de ce titre est subordonné à la preuve de la réalité du changement de situation. Dans la mesure où l'Application nationale de gestion des ressortissants étrangers en France (AGDREF) ne permet pas à l'heure actuelle la comptabilité des ressortissants étrangers polygames, il apparaît difficile d'obtenir des éléments statistiques suffisamment fiables sur le nombre d'étrangers polygames en France et a fortiori sur les « décohabitations » résultant de l'application des articles L. 314-1 et L. 314-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile. Un avis sur la situation de la polygamie en France adopté le 9 mars 2006 par la Commission nationale consultative des droits de l'homme fait état d'une estimation de 8 000 à 10 000 familles polygames officiellement en France, c'est-à-dire issues de la situation d'avant 1993.
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