FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 91846  de  M.   Wojciechowski André ( Union pour un Mouvement Populaire - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  Culture et communication
Ministère attributaire :  Culture et communication
Question publiée au JO le :  26/10/2010  page :  11522
Réponse publiée au JO le :  14/12/2010  page :  13524
Date de changement d'attribution :  14/11/2010
Rubrique :  ministères et secrétariats d'État
Tête d'analyse :  culture et communication : archives
Analyse :  communication. réglementation. perspectives
Texte de la QUESTION : M. André Wojciechowski attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les difficultés d'application de la loi du 15 juillet 2008 sur l'autorisation de recopier les registres d'état civil jusqu'en 1934. En effet, la loi (n° 2008-696) donne l'accès à toutes les archives publiques et particulièrement aux registres d'état civil. Ne sont préservées que les 75 dernières années. Bon nombre de personnes vivent bien au-delà de 75 ans et peuvent être atteintes dans leur vie privée. Les généalogistes ne connaissent pas tous les lois sur la confidentialité et leurs travaux publiés dévoilent souvent des renseignements qui en somme ne regardent personne. La vie privée des gens doit rester confidentielle ; divorces, séparation de corps, reconnaissances d'enfant naturel ou « Namenserteilung durant la première annexion » c'est-à-dire du nom du mari à l'enfant naturel de son épouse ; ce sont des renseignements qui ne devraient pas pouvoir être divulgués car le mari n'est pas cité comme père de l'enfant mais uniquement comme donneur du nom. Les actes d'état civil enregistrés durant la première annexion comportent également la religion des parents de l'enfant ! Cette loi est une véritable révolution car les employés de l'état civil enregistrant le décès d'une personne ayant contracté plusieurs unions ne pouvaient porter dans l'acte de décès que la mention du dernier état matrimonial du défunt. Ne devait également figurer sur les extraits d'actes de naissance que la dernière mention marginale... Aujourd'hui tout est accessible à tout un chacun ! Mais que fait la CNIL qui est tellement toujours pointilleuse pour certaines choses ? La conservatrice en chef du patrimoine, directrice des archives départementales de Meurthe-et-Moselle, dit dans un article paru dans « Généalogie lorraine n° 151 » que « dans le domaine de la réutilisation à des fins de diffusion sur [Internet], les contours de ce qui est permis de diffuser (selon quelles conditions, sous quelle forme et à partir de quels délais) devraient être clarifiés et précisés. Apparemment rien n'a changé depuis et les généalogistes avec l'accord des maires, photocopient et publient allègrement les reconstitutions jusqu'en 1933-1934. Ces ouvrages peuvent être acquis par tous et peuvent être jetés en pâture sur le [Internet] ! Bientôt, nous arriverons à la période de la Seconde Guerre mondiale et l'après-guerre et bien des secrets de famille seront dévoilés : par exemple, germanisation de certains patronymes, puis mention marginale après guerre autorisant la reprise du patronyme francisé. Les archives départementales du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ont numérisé les registres d'état civil qui sont consultables sur Internet. Mais, dans leur communiqué de presse, il est signalé que « les documents de moins de cent ans ne sont pas mis en ligne, la loi protégeant la vie privée de personnes dans ce délai ». Mais lorsque ces renseignements sont édités dans un ouvrage, comment pourra-t-on protéger la vie privée des gens, et en particulier ceux nés durant et après les annexions ? Il lui demande de bien vouloir lui indiquer comment résoudre ces problèmes.
Texte de la REPONSE : La réutilisation des informations publiques soulève de délicates questions d'ordre juridique, économique et éthique. Sur le plan juridique, la directive 2003/98/CE du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public a ouvert, pour chaque État membre, la possibilité de créer un marché de la réutilisation des informations publiques, tout en excluant de ce marché les établissement culturels, au nombre desquels figurent les services d'archives publics. L'ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 transposant cette directive a ouvert ce marché pour notre pays et l'a encadré par les dispositions des articles 10 à 19 de la loi du 17 juillet 1978, qui fixent le droit applicable à la réutilisation des informations publiques. L'article 11 de cette loi prévoit cependant un régime dérogatoire pour les services d'archives publics, lesquels peuvent fixer des conditions spécifiques de réutilisation. Mais aucun texte ne précise dans quelle mesure et dans quelles limites ces conditions spécifiques peuvent déroger au droit commun de la réutilisation et à d'autres règles de droit applicables à ce domaine, notamment la protection des données personnelles, le droit de la concurrence et le principe d'égalité. Les services d'archives publics sont en train de se doter de licences encadrant leur relation avec les réutilisateurs, qu'il s'agisse de particuliers, d'associations ou de sociétés commerciales. Ces licences fixent notamment les limites de la réutilisation et les redevances qui peuvent, le cas échéant, en constituer la contrepartie. Elles seront déterminées, s'agissant des services territoriaux d'archives, par la collectivité territoriale dont elles dépendent, en application du principe de libre administration. Le service interministériel des Archives de France a diffusé auprès de ces services une note visant à harmoniser les pratiques, dans le respect de ce principe. Sur le plan économique, différentes sociétés privées souhaitent procéder à la réutilisation des documents d'archives publics. L'application d'une redevance à une réutilisation commerciale de ces documents est justifiée et acceptée par la plupart des acteurs économiques souhaitant intervenir sur ce marché. Elle constitue en effet la contrepartie des investissements réalisés par l'État et les collectivités territoriales pour microfilmer ou numériser les documents conservés dans les services d'archives publics. Le montant de cette redevance fait en revanche débat, les acteurs économiques souhaitant que celui-ci soit le moins élevé possible. Le ministère de la culture et de la communication estime néanmoins que le prix de la réutilisation doit refléter la part déterminante que le service public a prise pour rendre possible, par les opérations de microfilmage et de numérisation des documents qu'il a financées, le développement d'une activité économique fondée sur la réutilisation de ceux-ci. Sur le plan éthique enfin, de nombreux élus et acteurs de la société civile, notamment l'Association des archivistes français, se sont émus de la constitution par certaines sociétés engagées dans le marché de la réutilisation de bases de données nominatives indexant les documents d'archives réutilisés et interrogeables par toute personne sur Internet. Le croisement des informations figurant dans ces documents, qui peuvent être extrêmement sensibles, pourrait permettre de constituer de véritables profils individuels, sans que le consentement des personnes concernées n'ait été recueilli. Se pose donc la question de l'exclusion du champ de la réutilisation des documents d'archives publiques comprenant des données personnelles sensibles, tels que les actes d'état civil, les recensements de population, ou encore les fichiers de police, alors que ces documents font fréquemment l'objet de demandes de réutilisation en vue d'une indexation nominative diffusée sur des sites commerciaux payants. Dans ce contexte, le ministère de la culture et de la communication, sans refuser le principe d'une réutilisation commerciale des documents d'archives publiques, a recommandé aux services d'archives publics la plus grande prudence vis-à-vis des demandes dont il est saisi, notamment lorsque des données personnelles sont en jeu, et incite ces services à se doter de licences sécurisant toutes les formes de réutilisation. Seule une intervention du législateur pourrait poser un cadre plus contraignant pour la réutilisation de données sensibles au travers d'une modification de l'ordonnance de 2005.
UMP 13 REP_PUB Lorraine O