Texte de la QUESTION :
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M. Éric Raoult attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur la nécessité pour les pouvoirs publics de se pencher sur le dossier du droit de grève dans les raffineries de pétrole. En effet, les événements que notre pays a vécus en octobre 2010, prouvent que quelques centaines de permanents syndicaux déterminés et organisés peuvent bloquer la distribution de carburants et créer un blocus de l'activité économique et stopper tout le flux de transports à travers le pays. Au regard de cette expérience et notamment des décisions de justice qui ont été connues durant cette période, il conviendrait d'apporter une réponse adaptée, permettant un service minimum de distribution des carburants et de fonctionnement des raffineries de pétrole. Cette réflexion et cette action permettraient d'éviter que ces situations de blocage puissent de nouveau se produire. Il lui demande de lui indiquer les mesures qu'il compte prendre, en association avec son collègue chargé des transports, pour trouver une solution sur ce dossier.
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Texte de la REPONSE :
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Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a pris connaissance avec intérêt de la question relative au droit de grève dans les raffineries de pétrole et sur les mesures envisagées pour éviter que les difficultés occasionnées durant les blocages des raffineries de pétrole et des dépôts de carburant durant le mois d'octobre 2010 ne se produisent à nouveau. Les évènements du mois d'octobre interpellent par les risques potentiels que peuvent faire peser les blocages des raffineries et des dépôts sur l'activité sociale et économique de la France. Cette situation pose la question de la conciliation du droit de grève et des exigences d'ordre public. En de nombreux cas, le recours à la réquisition préfectorale, sur la base de l'article L. 2215-1, 4° du code général des collectivités territoriales (CGCT), a permis le réapprovisionnement en carburant des services correspondant aux nécessités de l'ordre public. Cette procédure doit néanmoins rester une exception. Le droit de grève est un droit constitutionnellement garanti, qui s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Ce droit n'est pas absolu et il doit respecter les autres libertés reconnues par la constitution. Le service minimum constitue une limitation à ce droit ; il est exclusivement instauré par la loi dans certains secteurs professionnels. Ainsi, des lois ont posé des restrictions particulières visant à instaurer un service minimum, comme dans les établissements et organismes de diffusion et de télévision (lois du 26 juillet 1979 et du 30 septembre 1986), dans ceux qui détiennent des matières nucléaires (loi du 25 juillet 1980) ou dans le domaine de la navigation aérienne (loi du 31 décembre 1984). La loi peut également renvoyer à l'accord collectif, en l'encadrant, la possibilité de définir des limitations au droit de grève, telle que l'a instaurée la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs. À défaut, pour les services publics, les chefs de service disposent, en vertu de la jurisprudence du Conseil d'État (Dehaene - 7 juillet 1950), du pouvoir de réglementer l'exercice du droit de grève au sein de leurs services. Il est par ailleurs opportun de favoriser la continuité de l'activité économique, par des dispositions négociées dans un accord d'entreprise ou de branche, comme cela a pu se faire dans divers secteurs. L'utilisation de procédures convenues entre les partenaires sociaux a d'autant plus d'efficacité, qu'elles sont mises en place par un processus interne de négociation entre l'entreprise concernée et les organisations syndicales concernées. Toutefois, elles ne sauraient interdire aux salariés eux-mêmes de recourir directement à la grève, ainsi que l'a précisé la Cour de cassation dans l'arrêt SA transports Séroul du 7 juin 1995, selon laquelle une convention collective ne peut avoir pour effet de limiter ou de réglementer l'exercice du droit de grève constitutionnellement reconnu. La négociation de procédures visant à la continuité de la production des biens ou services au niveau des entreprises constitue donc la perspective la mieux adaptée aux défis actuels : elle doit garantir le respect du droit de grève des salariés tout en permettant de répondre aux nécessités de l'ordre public et d'organisation de la production ; elle exige également des partenaires sociaux un renforcement du dialogue social.
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