Texte de la QUESTION :
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M. Pierre Cardo attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les conséquences des dispositions de l'article 6 de la loi n° 83-269 du 12 juillet 1983, modifié par l'article 28 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 qui permettent à des employeurs d'avoir indirectement accès aux fichiers de police judiciaire pour l'embauche de certains personnels, de sécurité notamment. Dans leurs rapports pour 2005, tant le médiateur de la République que la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) soulèvent les problèmes, souvent particulièrement préoccupants, posés par ces dispositions, la CNIL évoquant même l'existence d'un casier judiciaire parallèle. Selon le médiateur de la république, le fichier STIC recensait, en 2004, 23,5 millions de procédures, 26 millions d'infractions et 5 millions de personnes mises en cause et la CNIL, qui avait déjà soulevé le problème dans son rapport pour 2004, rappelle qu'un apurement du fichier STIC a permis l'élimination de 1 241 742 fiches en 2004. Il n'en reste pas moins que de très nombreuses fiches sont conservées, faisant apparaître des personnes qui ont fait l'objet de décisions de relaxe, d'acquittement, de non-lieu ou de classement sans suite, ainsi que des personnes pour lesquelles les données sont conservées au-delà du délai de conservation des données de cinq ans. Il lui indique avoir été saisi par plusieurs personnes, employées par des sociétés de sécurité ou de gardiennage qui ont reçu, par les préfectures, un refus d'agrément pour des salariés et ont été obligées de les licencier, alors que ces salariés avaient fait l'objet de procédures il y a plus de dix ans ou avaient été mis en cause, sans suites et sans condamnations et que leur casier judiciaire n° 3 est vierge de toute inscription. Il lui demande de lui indiquer les mesures qu'elle entend prendre pour procéder à une modification de ces pratiques, particulièrement préjudiciables pour des personnes qui occupent ou souhaitent occuper des emplois dans le domaine de surveillance de magasins, du gardiennage ou de la sécurité incendie et qui ne sont donc pas susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l'État.
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Texte de la REPONSE :
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Le système de traitement des infractions constatées (STIC) et le système judiciaire de documentation et d'exploitation (JUDEX), respectivement mis en oeuvre par les services de police et par les unités de gendarmerie, sont constitués à partir de certaines informations contenues dans les procédures de police judiciaire établies par les enquêteurs. Leur finalité première est de faciliter la constatation des infractions pénales, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs. Ils sont tout particulièrement utiles pour la lutte contre les délinquants d'habitude. Sans moyen d'investigation, les forces de l'ordre ne pourraient intervenir qu'en cas de crime ou de délit flagrant, ce qui réduirait considérablement le droit de chacun à la sécurité. En effet, sans classement hiérarchisé des données issues des procédures judiciaires, le taux d'élucidation des affaires serait quasiment nul et l'efficacité de la police et de la gendarmerie nationales serait amoindrie. En contrepartie de leur existence, la loi prévoit d'importantes garanties pour les citoyens que le Gouvernement entend faire appliquer et faire respecter pleinement. Depuis 2004, grâce à la modernisation du logiciel STIC, un apurement mensuel des données dont la durée de conservation a expiré, intervient automatiquement. L'ensemble des informations de ces fichiers fait ainsi l'objet d'un effacement à terme, quel que soit le degré de gravité des infractions commises. Par ailleurs, les informations contenues dans le STIC et JUDEX doivent faire l'objet d'une mise à jour lorsque, par décision judiciaire, une infraction est requalifiée. Il en va de même des procédures pour lesquelles la justice décide que l'infraction n'est pas constituée ou qu'elle ne dispose pas des preuves suffisantes, en l'état, au stade des poursuites, ou bien définitivement, au stade du jugement. L'article 21 III de la loi n° 2003 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure prévoit soit la mise à jour, soit l'effacement pur et simple des données. Dans certaines affaires, par exemple pour les primo-délinquants, même lorsque les faits sont avérés et que l'infraction est constituée, l'autorité judiciaire peut faire preuve de mansuétude par un classement sans suite en opportunité, par un rappel à la loi, une composition pénale ou une mesure de réparation. Ces mesures ne remettent pas en cause l'infraction avérée, les faits demeurent. Il est donc justifié que ces informations soient conservées pour faciliter l'élucidation en cas de récidive de la part de l'auteur, y compris pour certaines contraventions de cinquième classe relatives notamment à des actes de violence ou de dégradations de biens. Les services de police procèdent systématiquement et dans les plus brefs délais à la rectification ou à l'effacement prescrit par l'autorité judiciaire, dans les conditions prévues par la loi, des informations relatives à toutes les procédures qui leur sont retournées. En revanche, en raison de la charge de travail des parquets, l'absence de dispositif automatisé de mise à jour des fichiers de police et de gendarmerie à la disposition des magistrats constitue un frein réel à l'intervention exhaustive de toutes les opérations de mise à jour nécessaires. Ce diagnostic est partagé par la CNIL, le groupe de travail interministériel ainsi que par le ministère de la justice. Grâce aux crédits ouverts au titre des lois d'orientation pour la sécurité intérieure et pour la justice, la refonte technique d'ensemble des systèmes d'information du ministère de la justice (projet CASSIOPEE) et la modernisation et la fusion des fichiers STIC et JUDEX (projet ARIANE), les nouveaux systèmes d'information, interopérables, permettront l'automatisation des mises à jour, qui débutera dans le courant de l'année 2008. A plus court terme, des extractions systématiques de l'application informatique dénommée « nouvelle chaîne pénale », qui regroupe les procédures suivies par ces juridictions, permettront la transmission numérisée aux services de police et de gendarmerie compétents des informations nécessaires aux mises à jour des fichiers. Cette solution transitoire, qui implique une double saisie des données, est issue des réflexions du groupe de travail interministériel. Elle sera mise en oeuvre au cours du dernier trimestre 2007 en région parisienne. Par ailleurs, les services de sécurité intérieure doivent disposer des moyens adéquats de mener les enquêtes administratives qui leur sont confiées par la loi ou le règlement. Celles-ci ont pour objectif de vérifier qu'aucun élément ne s'oppose à l'accès ou au maintien dans leur poste de certains personnels de la fonction publique, au premier rang desquels les policiers et les gendarmes eux-mêmes, ou de membres de professions réglementées et sensibles. Il s'agit de protéger les citoyens, le service public et les entreprises dont l'activité touche à la souveraineté ou à l'intérêt économique nationaux contre les abus ou les manquements qui pourraient être commis par des personnes qui ne présenteraient pas les garanties suffisantes. C'est particulièrement le cas du secteur de la sécurité privée, en expansion, et dont la moralisation a été jugée prioritaire par le Parlement en 2003. Il serait anormal de confier des missions de protection des citoyens, de contact avec le public ou encore d'autoriser le port d'arme à des personnes violentes, ou bien de confier des missions de surveillance des biens, à des personnes qui auraient commis des vols ou des fraudes. Le droit a prévu des garanties spécifiques, qui sont intégralement respectées. Les règles de consultation pour les missions de police administrative sont plus strictes que pour l'activité de police judiciaire. Ainsi ne sont pas consultables les informations relatives aux victimes et les faits que la justice a considéré comme non constitués ou non prouvés lorsque les services de police en ont été informés. Il ne peut donc en être fait état dans une procédure administrative. Très clairement, l'inscription dans le STIC ou le JUDEX doit être dissociée de la décision administrative qui est prise après la consultation de ces traitements. La décision préfectorale d'agrément n'est absolument pas liée par l'inscription dans un fichier de police consultable en police administrative. En aucun cas, la seule mention dans l'un de ces fichiers ne justifie automatiquement une décision de refus. Le préfet est tenu de prendre en compte la gravité, l'ancienneté, l'éventuelle répétition des faits et, naturellement, le lien qui existe entre les faits commis antérieurement et les garanties requises pour la décision administrative en cause. L'autorité préfectorale dispose donc de la marge de manoeuvre suffisante pour prendre en compte les situations évoquées par l'honorable parlementaire. Ce jugement de proportionnalité, qui peut donner lieu à un recours gracieux ou hiérarchique, s'effectue sous le contrôle du juge administratif. Des instructions claires ont été à plusieurs reprises adressées sur ce point aux services préfectoraux dans le domaine de la sécurité privée. Conformément aux conclusions du groupe de travail interministériel, cette obligation leur sera également très prochainement rappelée pour l'ensemble des décisions qui impliquent une enquête administrative avec consultation des fichiers de police. Les enquêtes administratives ne sauraient aujourd'hui s'effectuer selon les modalités des enquêtes de voisinage qui avaient cours il y a plusieurs décennies. La consultation des fichiers de police judiciaire est d'ailleurs un élément d'objectivation de ces enquêtes ; elle demeure un outil irremplaçable, nécessaire et pertinent qui permet de prendre en compte l'ensemble des éléments que doit comporter une décision de police administrative dont la finalité est préventive. La finalité du casier judiciaire est tout autre. Il centralise les informations qui intéressent la situation pénale des personnes qui ont fait l'objet d'une décision de justice devenue définitive. Ce fichier est donc renseigné la plupart du temps plusieurs années après la commission des faits. En outre, seul le bulletin n° 1 comporte l'entier relevé des condamnations devenues définitives pour crime, délit ou contravention de 5e classe, prononcées avec ou sans sursis. Compte tenu de ces inscriptions, seules les autorités judiciaires peuvent se le voir délivrer. Bouleverser l'équilibre aujourd'hui atteint entre libertés individuelles et sécurité des citoyens pourrait compromettre les efforts réalisés dans la moralisation du secteur de la sécurité privée et pourrait fragiliser certains secteurs économiques qui sont astreints à protéger sites et activités sensibles.
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