Texte de la REPONSE :
|
AVENIR DES RAFFINERIES FRANÇAISES Mme la présidente. La parole est à M.
Jean-Paul Lecoq, pour exposer sa question, n° 959. M. Jean-Paul
Lecoq. Madame la ministre chargée de l'outre-mer, avant de poser ma
question sur le raffinage, permettez-moi d'insister sur la demande de rencontre
avec le ministre chargé de l'industrie formulée par les salariés d'Isotherma,
filiale du groupe BKC, bien connu pour sa candidature à la reprise d'Heuliez.
Les ouvriers luttent pour obtenir le paiement de leurs salaires, non perçus
depuis des mois, et pour la sauvegarde de leur entreprise, alors que le PDG,
l'homme d'affaires Louis Pétiet, fêtait jeudi dernier l'entrée en bourse de son
groupe dans un grand restaurant parisien - comble de l'indécence ! En ce qui
concerne le raffinage, la stratégie industrielle de la France est désormais sur
la table grâce à la mobilisation et à l'action des ouvriers du site Total
Flandres, grâce aussi à la solidarité de ceux des autres sites Total, comme à
Gonfreville-l'Orcher, ville dont je suis le maire. La détermination et la
résistance de ces hommes et de ces femmes ont forcé M. de Margerie et Nicolas
Sarkozy - qui déclarait pourtant il y a peu que " quand il y a une grève, on ne
s'en aperçoit plus " - à écouter et entendre la pression populaire, toujours
influente quoi qu'on en dise. La question cruciale de savoir quelle politique
industrielle la France doit mener en matière de raffinage, va enfin être abordée
autour d'une table ronde nationale. Ce débat doit aussi se tenir au niveau
régional : vous savez combien la Haute-Normandie est concernée avec trois
raffineries et plates-formes pétrochimiques. L'État doit s'engager dans ce
sens. En effet, si les premières mesures annoncées sont encourageantes, il
faut aller beaucoup plus loin. L'avenir industriel de la France suppose une
politique ambitieuse, tournée vers la pérennité des emplois et des
industries. Ce premier succès révèle néanmoins que le grand patronat, qui
pensait être intouchable et maître de nos destinées, est confronté à la réalité
de la détermination et de la résistance des salariés. Il révèle aussi combien
l'État français peut peser sur de tels choix, dès lors qu'il le décide. Et
comme les salariés sont des gens responsables, soucieux de l'indépendance
énergétique de la France, de l'avenir de nos industries et des emplois, ils font
des propositions novatrices pour produire autrement, en adaptant nos industries
aux besoins actuels. Tout ce que Total rechigne à prendre en considération,
préférant investir des milliards d'euros loin de nos frontières, dans des pays
peu regardants sur les émissions de CO2. Madame la secrétaire d'État,
rassurez les salariés du raffinage, et en particulier ceux de Dunkerque, en me
certifiant que l'engagement pris par le Gouvernement n'a pas pour seule raison
les élections régionales et qu'il sera toujours d'actualité après les élections.
Pouvez-vous enfin me dire ce que pense Mme la ministre de l'économie du
projet de construction de cet important stockage de produits pétroliers finis
dans la région PACA, à Fos-sur-Mer, alimenté par bateaux ? Mme la
présidente. La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée
de l'outre-mer. Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée
de l'outre-mer. Monsieur le député, Mme Lagarde m'a chargée de répondre à
votre question sur l'avenir des raffineries françaises et ses conséquences
prévisibles pour l'emploi. Depuis une quarantaine d'années, le raffinage
français connaît des évolutions profondes. Ainsi, à la suite des deux chocs
pétroliers des années 1970, une dizaine de raffineries françaises ont été
fermées et transformées en dépôts. Ces raffineries étaient principalement
localisées en région Aquitaine, dans la vallée de la Seine et dans les régions
du Nord et de l'Est. Les grands groupes pétroliers intégrés - les fameux
majors - qui étaient les seuls opérateurs du raffinage, tendent à se
retirer et à céder leurs raffineries à des groupes industriels de la pétrochimie
ou à d'autres groupes industriels qui se spécialisent dans l'activité de
raffinage. Après les années 70, au cours desquelles la consommation de
produits pétroliers dépassait 100 millions de tonnes par an en France, le
contrecoup des chocs pétroliers a entraîné une baisse régulière qui l'a ramenée
à 75 millions de tonnes en 1985. Par la suite, la consommation a progressivement
recommencé à augmenter, pour se stabiliser, depuis les années 2000, entre 85 et
90 millions de tonnes par an. Depuis quelques années, la demande globale en
produits pétroliers s'inscrit dans une tendance de légère baisse : 89 millions
de tonnes en 2002, 90 en 2004, 89 en 2006 et 88 en 2008. Sur la même période,
les productions des raffineries françaises se sont respectivement élevées à 78
millions de tonnes en 2002, 82 en 2004, 80 en 2006 et 2008, représentant un taux
de couverture d'environ 90 %. La différence entre cette demande et les
productions des raffineries est comblée par des importations de produits finis.
Cette situation d'équilibre global relatif doit toutefois être nuancée par
un examen produit par produit. La forte " diésélisation " du parc automobile en
France provoque en effet une importante demande de gazole et impose de recourir
à des importations - principalement en provenance de Russie - qui couvrent
environ 30 % de nos besoins. Elle entraîne à l'inverse une importante
surproduction d'essence, produit qui est à son tour exporté, principalement vers
les États-Unis. Conjoncturellement, les raffineries françaises subissent les
effets de la crise économique. À moyen terme, les effets conjugués des tensions
sur les marchés internationaux du pétrole, des politiques engagées en vue de
réduire les consommations énergétiques et d'augmenter la part des énergies
renouvelables devraient conduire à la poursuite d'une baisse progressive des
consommations globales de produits pétroliers en Europe et en France. De
plus, le marché américain, qui absorbait les surproductions européennes
d'essence, devrait se réduire rapidement sous l'effet des mesures de réduction
de la consommation des véhicules et du recours aux biocarburants. Les marges
de raffinage, qui évoluent en fonction du niveau d'équilibre entre l'offre et la
demande de produits pétroliers, ont donc subi, ces dernières années, des
variations particulièrement importantes. De 3,5 dollars par baril en 2000, elles
sont passées à moins de 2 dollars en 2002, à 5 dollars en 2004, à 4,5 dollars en
2006 et à 7,5 dollars en 2008. Au cours de l'année 2009, cette marge a chuté,
pour s'établir à 2,7 dollars par baril - 1,5 dollar en novembre et décembre. Le
niveau de marge actuel est insuffisant pour assurer la couverture des coûts des
raffineries. Dans ces conditions, les raffineurs présents en France et plus
généralement en Europe cherchent à réduire leurs productions et leurs coûts
fixes pour les adapter à la demande présente et future. La situation est bien
entendu différente dans les pays émergents, où le marché pétrolier est encore en
croissance. Des réductions de capacité pourraient conduire à un meilleur
équilibre entre l'offre et la demande, et à des niveaux de marge permettant de
relancer les nécessaires investissements productifs et d'amélioration dans
l'outil de raffinage. L'enjeu pour l'avenir est de veiller au maintien en
France et en Europe de raffineries performantes et de taille suffisante pour
affronter plus sereinement les prochaines années. Au travers du financement
apporté, par exemple, à des programmes de recherche tels que celui conduit par
l'IFP - centre de recherche comptant plus de 2 000 employés, tous domaines
confondus -, le Gouvernement soutient les évolutions technologiques
nécessaires. Il favorise aussi le maintien de la compétitivité du raffinage
français, dans le contexte communautaire, en veillant à établir des règles
équitables en matière environnementale, par exemple pour l'allocation des quotas
d'émission de gaz à effet de serre. Mme la présidente. Je
rappelle que le temps imparti est de trois minutes, tant pour la question que
pour la réponse. Nous avons déjà dépassé ces limites. La parole est à M.
Jean-Paul Lecoq, qui saura ne pas en abuser. M. Jean-Paul
Lecoq. Je vous remercie, madame la présidente. Madame la ministre,
j'attendais un cours d'avenir : j'ai eu un cours d'histoire. L'histoire du
pétrole, je la connais : je suis maire d'une commune sur le territoire de
laquelle est implantée une raffinerie. Ce qui m'intéresse davantage, c'est la
prospective. Fermer la raffinerie des Flandres, en ouvrir une à Dubaï et
organiser un stockage en PACA, cela relève d'une stratégie industrielle qui vise
à importer en France des produits finis. J'aurais aimé que vous me parliez
plutôt de cela.
|