FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 959  de  M.   Lecoq Jean-Paul ( Gauche démocrate et républicaine - Seine-Maritime ) QOSD
Ministère interrogé :  Économie, industrie et emploi
Ministère attributaire :  Économie, industrie et emploi
Question publiée au JO le :  16/02/2010  page :  1503
Réponse publiée au JO le :  26/02/2010  page :  1544
Rubrique :  énergie et carburants
Tête d'analyse :  raffinage
Analyse :  emploi et activité. perspectives
Texte de la QUESTION : M. Jean-Paul Lecoq interroge Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur l'avenir des raffineries françaises et des conséquences sur l'emploi.
Texte de la REPONSE :

AVENIR DES RAFFINERIES FRANÇAISES

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour exposer sa question, n° 959.
M. Jean-Paul Lecoq. Madame la ministre chargée de l'outre-mer, avant de poser ma question sur le raffinage, permettez-moi d'insister sur la demande de rencontre avec le ministre chargé de l'industrie formulée par les salariés d'Isotherma, filiale du groupe BKC, bien connu pour sa candidature à la reprise d'Heuliez. Les ouvriers luttent pour obtenir le paiement de leurs salaires, non perçus depuis des mois, et pour la sauvegarde de leur entreprise, alors que le PDG, l'homme d'affaires Louis Pétiet, fêtait jeudi dernier l'entrée en bourse de son groupe dans un grand restaurant parisien - comble de l'indécence !
En ce qui concerne le raffinage, la stratégie industrielle de la France est désormais sur la table grâce à la mobilisation et à l'action des ouvriers du site Total Flandres, grâce aussi à la solidarité de ceux des autres sites Total, comme à Gonfreville-l'Orcher, ville dont je suis le maire. La détermination et la résistance de ces hommes et de ces femmes ont forcé M. de Margerie et Nicolas Sarkozy - qui déclarait pourtant il y a peu que " quand il y a une grève, on ne s'en aperçoit plus " - à écouter et entendre la pression populaire, toujours influente quoi qu'on en dise.
La question cruciale de savoir quelle politique industrielle la France doit mener en matière de raffinage, va enfin être abordée autour d'une table ronde nationale. Ce débat doit aussi se tenir au niveau régional : vous savez combien la Haute-Normandie est concernée avec trois raffineries et plates-formes pétrochimiques. L'État doit s'engager dans ce sens.
En effet, si les premières mesures annoncées sont encourageantes, il faut aller beaucoup plus loin. L'avenir industriel de la France suppose une politique ambitieuse, tournée vers la pérennité des emplois et des industries.
Ce premier succès révèle néanmoins que le grand patronat, qui pensait être intouchable et maître de nos destinées, est confronté à la réalité de la détermination et de la résistance des salariés. Il révèle aussi combien l'État français peut peser sur de tels choix, dès lors qu'il le décide.
Et comme les salariés sont des gens responsables, soucieux de l'indépendance énergétique de la France, de l'avenir de nos industries et des emplois, ils font des propositions novatrices pour produire autrement, en adaptant nos industries aux besoins actuels. Tout ce que Total rechigne à prendre en considération, préférant investir des milliards d'euros loin de nos frontières, dans des pays peu regardants sur les émissions de CO2.
Madame la secrétaire d'État, rassurez les salariés du raffinage, et en particulier ceux de Dunkerque, en me certifiant que l'engagement pris par le Gouvernement n'a pas pour seule raison les élections régionales et qu'il sera toujours d'actualité après les élections.
Pouvez-vous enfin me dire ce que pense Mme la ministre de l'économie du projet de construction de cet important stockage de produits pétroliers finis dans la région PACA, à Fos-sur-Mer, alimenté par bateaux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le député, Mme Lagarde m'a chargée de répondre à votre question sur l'avenir des raffineries françaises et ses conséquences prévisibles pour l'emploi.
Depuis une quarantaine d'années, le raffinage français connaît des évolutions profondes. Ainsi, à la suite des deux chocs pétroliers des années 1970, une dizaine de raffineries françaises ont été fermées et transformées en dépôts. Ces raffineries étaient principalement localisées en région Aquitaine, dans la vallée de la Seine et dans les régions du Nord et de l'Est.
Les grands groupes pétroliers intégrés - les fameux majors - qui étaient les seuls opérateurs du raffinage, tendent à se retirer et à céder leurs raffineries à des groupes industriels de la pétrochimie ou à d'autres groupes industriels qui se spécialisent dans l'activité de raffinage.
Après les années 70, au cours desquelles la consommation de produits pétroliers dépassait 100 millions de tonnes par an en France, le contrecoup des chocs pétroliers a entraîné une baisse régulière qui l'a ramenée à 75 millions de tonnes en 1985. Par la suite, la consommation a progressivement recommencé à augmenter, pour se stabiliser, depuis les années 2000, entre 85 et 90 millions de tonnes par an.
Depuis quelques années, la demande globale en produits pétroliers s'inscrit dans une tendance de légère baisse : 89 millions de tonnes en 2002, 90 en 2004, 89 en 2006 et 88 en 2008. Sur la même période, les productions des raffineries françaises se sont respectivement élevées à 78 millions de tonnes en 2002, 82 en 2004, 80 en 2006 et 2008, représentant un taux de couverture d'environ 90 %. La différence entre cette demande et les productions des raffineries est comblée par des importations de produits finis.
Cette situation d'équilibre global relatif doit toutefois être nuancée par un examen produit par produit. La forte " diésélisation " du parc automobile en France provoque en effet une importante demande de gazole et impose de recourir à des importations - principalement en provenance de Russie - qui couvrent environ 30 % de nos besoins. Elle entraîne à l'inverse une importante surproduction d'essence, produit qui est à son tour exporté, principalement vers les États-Unis.
Conjoncturellement, les raffineries françaises subissent les effets de la crise économique. À moyen terme, les effets conjugués des tensions sur les marchés internationaux du pétrole, des politiques engagées en vue de réduire les consommations énergétiques et d'augmenter la part des énergies renouvelables devraient conduire à la poursuite d'une baisse progressive des consommations globales de produits pétroliers en Europe et en France.
De plus, le marché américain, qui absorbait les surproductions européennes d'essence, devrait se réduire rapidement sous l'effet des mesures de réduction de la consommation des véhicules et du recours aux biocarburants.
Les marges de raffinage, qui évoluent en fonction du niveau d'équilibre entre l'offre et la demande de produits pétroliers, ont donc subi, ces dernières années, des variations particulièrement importantes. De 3,5 dollars par baril en 2000, elles sont passées à moins de 2 dollars en 2002, à 5 dollars en 2004, à 4,5 dollars en 2006 et à 7,5 dollars en 2008. Au cours de l'année 2009, cette marge a chuté, pour s'établir à 2,7 dollars par baril - 1,5 dollar en novembre et décembre. Le niveau de marge actuel est insuffisant pour assurer la couverture des coûts des raffineries.
Dans ces conditions, les raffineurs présents en France et plus généralement en Europe cherchent à réduire leurs productions et leurs coûts fixes pour les adapter à la demande présente et future. La situation est bien entendu différente dans les pays émergents, où le marché pétrolier est encore en croissance.
Des réductions de capacité pourraient conduire à un meilleur équilibre entre l'offre et la demande, et à des niveaux de marge permettant de relancer les nécessaires investissements productifs et d'amélioration dans l'outil de raffinage.
L'enjeu pour l'avenir est de veiller au maintien en France et en Europe de raffineries performantes et de taille suffisante pour affronter plus sereinement les prochaines années.
Au travers du financement apporté, par exemple, à des programmes de recherche tels que celui conduit par l'IFP - centre de recherche comptant plus de 2 000 employés, tous domaines confondus -, le Gouvernement soutient les évolutions technologiques nécessaires.
Il favorise aussi le maintien de la compétitivité du raffinage français, dans le contexte communautaire, en veillant à établir des règles équitables en matière environnementale, par exemple pour l'allocation des quotas d'émission de gaz à effet de serre.
Mme la présidente. Je rappelle que le temps imparti est de trois minutes, tant pour la question que pour la réponse. Nous avons déjà dépassé ces limites.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, qui saura ne pas en abuser.
M. Jean-Paul Lecoq. Je vous remercie, madame la présidente.
Madame la ministre, j'attendais un cours d'avenir : j'ai eu un cours d'histoire. L'histoire du pétrole, je la connais : je suis maire d'une commune sur le territoire de laquelle est implantée une raffinerie. Ce qui m'intéresse davantage, c'est la prospective. Fermer la raffinerie des Flandres, en ouvrir une à Dubaï et organiser un stockage en PACA, cela relève d'une stratégie industrielle qui vise à importer en France des produits finis. J'aurais aimé que vous me parliez plutôt de cela.

GDR 13 REP_PUB Haute-Normandie O