FICHE QUESTION
13ème législature
Question N° : 96754  de  M.   Urvoas Jean-Jacques ( Socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Finistère ) QE
Ministère interrogé :  Justice et libertés
Ministère attributaire :  Justice et libertés
Question publiée au JO le :  21/12/2010  page :  13654
Réponse publiée au JO le :  08/03/2011  page :  2315
Rubrique :  système pénitentiaire
Tête d'analyse :  détenus
Analyse :  visites. laïcité. respect
Texte de la QUESTION : M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur la question du prosélytisme religieux en milieu carcéral. Il lui demande si ce phénomène fait l'objet d'évaluations régulières afin d'en mesurer l'ampleur et quels enseignements elles permettent de dégager. Et si l'on observe effectivement une dégradation de la situation dans ce domaine, il l'interroge sur les dispositions que le Gouvernement a prises ou entend prendre dans le but de remédier aux dérives identifiées.
Texte de la REPONSE : L'espace carcéral n'est pas épargné par des manifestations liées au prosélytisme religieux. Face à ce phénomène, l'administration pénitentiaire est vigilante et mobilisée. Ses actions, engagées depuis plusieurs années, se sont déployées dans plusieurs directions, afin d'identifier ce phénomène, le prévenir et le combattre. L'administration pénitentiaire a, tout d'abord, développé des supports favorisant la connaissance et la détection des dérives liées au prosélytisme religieux. Consciente que ces phénomènes ne sont pas toujours convenablement identifiés et désireuse de combattre les amalgames, l'administration pénitentiaire participe à plusieurs initiatives destinées à offrir une appréhension à la fois plus large et plus profonde de ces phénomènes. La direction de l'administration pénitentiaire a élaboré un outil de détection des phénomènes de radicalisation qui rend compte, notamment, des dérives prosélytes. Ce support, à caractère statistique, permet, d'une part, de quantifier ce phénomène et, d'autre part, d'identifier les structures pénitentiaires les plus affectées par celui-ci. Cet outil fait actuellement l'objet d'une présentation dans chacune des directions interrégionales des services pénitentiaires où il est exposé aux chefs d'établissements qui auront la charge de le faire vivre localement, avec l'appui des délégués interrégionaux du renseignement. Il est proposé aux personnels en formation à l'école nationale d'administration pénitentiaire une sensibilisation aux phénomènes de radicalisation, lors des interventions à caractère pédagogique. La direction de l'administration pénitentiaire collabore à une étude menée sur la radicalisation religieuse en détention par le sociologue Farhad Khosrokavar, qui a déjà publié à de nombreuses reprises sur le sujet. Par ailleurs, soucieuse de lutter contre les réflexes et les replis communautaristes qui peuvent se nourrir d'une suspicion de traitement différencié, l'administration pénitentiaire a constamment oeuvré ces dernières années pour promouvoir un égal accès à l'ensemble des cultes. La structuration des aumôneries, via le principe d'un agrément, constitue en cela une garantie tant pour l'administration pénitentiaire que pour les personnes détenues. L'administration pénitentiaire dispose alors, en effet, d'un interlocuteur, garant du respect des principes religieux, et d'une autorité sur les aumôniers régionaux et locaux. Les aumôniers agréés sont les seuls à pouvoir encadrer les manifestations cultuelles collectives. En 2010, l'aumônerie orthodoxe a fait l'objet d'un agrément. Avant elle, l'aumônerie nationale musulmane avait été créée en 2006. Cette reconnaissance institutionnelle s'est accompagnée d'une allocation de moyens matériels, en progression depuis 2006. Ce point n'est pas neutre. Peu présents ou peu nombreux, les aumôniers musulmans peuvent voir leur légitimité contestée par des personnes radicalisées susceptibles d'exercer un ascendant quotidien sur le reste de la population pénale incarcérée. Depuis 2006, l'augmentation du nombre d'aumôniers musulmans est régulière. Celui-ci atteignait, en 2009, 142 personnes, soit un doublement des effectifs depuis 2006. Parallèlement, le budget de l'aumônerie musulmane s'est accru constamment sur ces trois dernières années : sa part est passée de 11,1 % à 15,7 %. Depuis 2008, sur instruction du directeur de l'administration pénitentiaire, les salles polycultuelles se sont généralisées dans l'ensemble des établissements, facilitant ainsi, pour chaque communauté religieuse, la possibilité de se réunir dans un lieu adapté. Une circulaire du 13 juillet 2007 a fixé les orientations générales de la pratique du culte musulman dans les lieux de détention. Enfin, l'administration pénitentiaire lutte, au quotidien, dans ses établissements, contre les manifestations de prosélytisme. Le chef d'établissement de la maison centrale de Saint-Maur, face à la répétition d'incidents liés à une pratique non encadrée du culte, a pris la décision, en 2008, d'interdire par le biais d'une note de service les prières sur les cours de promenade. Cette décision a été confirmée le 13 mars 2008 par le tribunal administratif de Limoges, puis par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 8 septembre 2009. Cette décision a permis d'asseoir la légitimité des chefs d'établissement à réguler l'exercice du culte au sein des détentions.
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