14ème législature

Question N° 100229
de Mme Valérie Fourneyron (Socialiste, écologiste et républicain - Seine-Maritime )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > professions de santé

Tête d'analyse > vétérinaires

Analyse > police sanitaire. cotisations sociales. arriérés.

Question publiée au JO le : 25/10/2016 page : 8782
Réponse publiée au JO le : 06/12/2016 page : 10025

Texte de la question

Mme Valérie Fourneyron attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, sur les difficultés auxquelles les vétérinaires sont confrontés pour obtenir de l'administration réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait de leur défaut d'affiliation aux organismes de retraite, au titre de l'exercice de mandats sanitaires pour l'État. En effet, de très nombreux vétérinaires ruraux aujourd'hui retraités ont participé, entre 1955 et 1990 à l'éradication des grandes épizooties et zoonoses qui dévastaient le cheptel français (tuberculose, fièvre aphteuse, brucellose, leucose). Pour ce faire, ces vétérinaires avaient le statut de collaborateurs occasionnels du service public (COSP) et étaient donc salariés de l'État, à travers les directions départementales des services vétérinaires, sous la conduite du ministère de l'agriculture. À ce titre, l'État aurait dû affilier ces COSP aux organismes sociaux (sécurité sociale, caisse de retraite Carsat et Ircantec), ce qui n'a pas été fait. Cette situation dommageable a conduit à priver les vétérinaires en question de leur droit à la retraite, jusqu'à-ce que deux décisions du Conseil d'État, rendues le 14 novembre 2011, reconnaissent la responsabilité entière de l'État dans ce dossier, établissant qu'une faute avait été commise, ayant privé les vétérinaires concernés de leurs droits à pension. Pourtant, nombre de demandes d'indemnisations formées à la suite de la publication de ces décisions ont été refusées au motif qu'elles étaient formées après la date de prescription de liquidation des pensions et que les indemnités auraient dû être demandées plus rapidement. Cette position a été validée par une décision du Conseil d'État du 27 juillet 2016, par laquelle il indique que les vétérinaires concernés auraient dû savoir, lors de la liquidation de leurs pensions, que l'État aurait dû les affilier aux caisses de retraite. Cet argument est difficilement compréhensible puisque, à l'époque des missions, et comme cela a été confirmé par les décisions du Conseil d'État du 14 novembre 2011, l'État, comme les organismes sociaux, indiquaient de manière erronée que les sommes versées étaient des honoraires et non des salaires. Ainsi les vétérinaires concernés ne pouvaient pas savoir qu'ils étaient en réalité salariés et devaient être, en conséquence, affiliés. Il leur était donc impossible, à la date de leur retraite, de savoir qu'ils devaient réclamer une indemnisation. La décision du Conseil d'État du 14 novembre 2011 indique d'ailleurs que les vétérinaires n'ont pas commis de faute en s'abstenant de demander leur affiliation. Ces positions contradictoires causent des préjudices importants aux vétérinaires concernés, qui se voient privés d'une part importante de leurs pensions de retraite. Aussi, elle souhaite savoir si, conformément à ce qui a été fait pour d'autres catégories de COSP, le ministère accepterait de ne pas opposer la prescription aux demandes d'indemnisation et de procéder au versement des retraites pour les personnes concernées.

Texte de la réponse

L'État a tiré toutes les conséquences des deux décisions du Conseil d'État du 14 novembre 2011. Il a mis en place, dès 2012, une procédure harmonisée de traitement des demandes d'indemnisation du préjudice subi par les vétérinaires du fait de leur défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale au titre des activités exercées avant 1990 dans le cadre du mandat sanitaire. Cette procédure s'appuie sur la reconstitution des rémunérations perçues annuellement par chaque vétérinaire sur la période d'exercice de son mandat sanitaire. L'activité sanitaire des vétérinaires s'avère, en effet, avoir été très variable et ce indépendamment du département d'exercice. Si le traitement des demandes d'indemnisation peut apparaître long, il convient de souligner que la procédure amiable concerne un pré-contentieux de masse, qu'elle est lourde, car composée d'une analyse de chaque dossier selon des règles harmonisées, et de plusieurs étapes requérant l'implication non seulement du ministère chargé de l'agriculture mais aussi d'un ensemble de partenaires extérieurs. Cette procédure est ouverte aux vétérinaires retraités comme aux vétérinaires actifs. A ce jour, 1 273 dossiers recevables sont parvenus au ministère. 1 067 ont été complètement instruits. Cette instruction est effectuée au cas par cas, l'activité sanitaire des vétérinaires étant très variable d'un vétérinaire à l'autre et ceci quel que soit le département d'exercice. Priorité a été accordée, dans le traitement des demandes, aux vétérinaires en retraite qui subissent d'ores et déjà un préjudice. Trois séries de protocoles ont ainsi été envoyées en 2014, 2015 et 2016. Au 1er novembre 2016, 496 protocoles ont été signés. Près de 80 % des vétérinaires en retraite ayant accepté la proposition d'assiette qui leur a été faite ont ainsi été indemnisés, ce qui montre la pertinence de la procédure retenue. Ce processus se poursuivra en 2017. Certains dossiers présentent néanmoins des difficultés particulières. Les modalités techniques du règlement des dossiers des conjoints survivants sont en cours de finalisation. Elles sont complexes, compte tenu de la législation en vigueur. C'est néanmoins une priorité pour les mois qui viennent. Le recours à l'assiette forfaitaire prévue par l'article R. 351-11 du code de la sécurité sociale, qui est demandé par certains professionnels, n'est pas adapté aux vétérinaires sanitaires. Ceux-ci étaient avant tout des praticiens libéraux ayant exercé une activité d'agent public de manière partielle et fractionnée, en complément de leur activité principale libérale. L'article 1er de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 dispose que « sont prescrites au profit de l'État… toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». Le Conseil d'État a confirmé, dans ses décisions no 388198 et 388199 du 27 juillet 2016, que le délai de prescription de la demande d'indemnisation courrait à partir du 1er janvier suivant le jour de la liquidation de la retraite. Il a aussi souligné que la nature de salaires des sommes correspondant à la rémunération des missions effectuées par un vétérinaire dans le cadre d'un mandat sanitaire avait été clairement établies par ses décisions du 12 juillet 1969 et du 12 juin 1974 qui ont donné lieu à diffusion et à retranscription dans plusieurs instructions de la direction générale des impôts. Ce n'était qu'à compter du 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural que les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre du mandat sanitaire avaient été « assimilées », pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Ainsi le Conseil d'État a-t-il jugé que les vétérinaires ne pouvaient être légitimement regardés comme ignorants de leur créance au moment où ils ont liquidé leur droit à pension. Le Conseil d'État, dans une décision du 10 janvier 2007 (Mme Martinez, no 280217), a en outre jugé que l'erreur de l'administration était sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle l'administration opposait la prescription quadriennale à la réclamation d'un administré. L'article 6 de la loi précitée dispose que « les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ». Si l'article 6 de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 prévoit aussi que les créanciers de l'État peuvent être relevés en tout ou partie de la prescription, ce n'est qu'en raison de circonstances particulières, notamment de la situation du créancier. Cette possibilité ne peut être qu'exceptionnelle, au risque, dans le cas contraire si cela était généralisé, de remettre en cause toute sécurité juridique et toute égalité des citoyens devant la loi.