14ème législature

Question N° 10134
de M. Charles de La Verpillière (Union pour un Mouvement Populaire - Ain )
Question écrite
Ministère interrogé > Égalité des territoires et logement
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > produits dangereux

Tête d'analyse > amiante

Analyse > désamiantage. normes. coût.

Question publiée au JO le : 13/11/2012 page : 6415
Réponse publiée au JO le : 18/06/2013 page : 6488
Date de changement d'attribution: 15/01/2013

Texte de la question

M. Charles de La Verpillière attire l'attention de Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur l'impact du désamiantage sur l'équilibre financier des opérations de rénovation urbaine engagées par les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux. En effet, les normes de plus en plus sévères, qui se traduisent par un renchérissement considérable des coûts de désamiantage, freinent maints projets de démolition ou de réhabilitation de logements sociaux, surtout dans des quartiers sensibles et bloquent dans certains cas, les projets de renouvellement urbain. C'est le cas, par exemple, à Oyonnax et Meximieux, dans l'Ain. Si l'impératif de santé publique, et en particulier la protection des travailleurs contre les risques liés à la présence d'amiante, est incontestable, le poids des procédures qui s'allongent et des coûts qui s'élèvent ne doit pas non plus être ignoré. Dans un contexte où la politique du logement est affichée comme une priorité par le Gouvernement, il lui demande donc s'il est prévu d'adapter les méthodes et les normes de désamiantage pour qu'elles correspondent vraiment aux risques encourus et ne soient pas maximalistes ou s'il est envisageable de fournir aux collectivités territoriales et aux bailleurs sociaux des moyens supplémentaires pour mener les nécessaires opérations de rénovation urbaine dans des délais raisonnables et à un coût qu'ils pourraient décemment supporter.

Texte de la réponse

Le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a pris connaissance avec intérêt de la question relative aux préoccupations exprimées par les bailleurs sociaux et collectivités territoriales concernant l'impact économique et financier de l'élévation du niveau de prévention des risques d'exposition à l'amiante, qui résulte des dispositions du décret 2012-639 du 4 mai 2012, entré en vigueur le 1er juillet 2012. Tout d'abord, et à titre d'éléments de contexte, il est important de noter que les maladies liées à l'amiante représentent aujourd'hui la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de décès liés au travail (entre 4 000 et 5 000 maladies professionnelles liées à l'amiante reconnues, dont environ 1 000 cancers). Ces maladies sont au premier rang des indemnisations versées au titre des maladies professionnelles (904 millions d'euros en 2010). Par ailleurs, il convient de rappeler que le décret du 4 mai 2012, qui a reçu un avis favorable à l'unanimité lors des consultations du comité d'orientation des conditions de travail (COCT), a pour objet de prendre en compte les avis de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail (ANSES) émis en 2009 et 2010, ainsi que les résultats de la campagne expérimentale de mesurage des empoussièrements d'amiante par microscopie électronique à transmission analytique (META), conduite par la direction générale du travail (DGT) en 2009 et 2010. Ainsi, des niveaux d'empoussièrement d'une ampleur inattendue pour certains matériaux ont été mesurés en raison, notamment, des techniques utilisées et/ou de l'état de dégradation de ces matériaux. L'abaissement de la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP), l'élévation des niveaux de prévention à mettre en oeuvre et l'extension de la certification à l'ensemble des activités de retrait et d'encapsulage de matériaux contenant de l'amiante (MCA), ont en conséquence été décidées à la lumière de plusieurs constats concordants et préoccupants. Cette campagne a mis en lumière l'inadéquation de la distinction friable/non friable sur laquelle était basée l'ancienne réglementation, les niveaux d'empoussièrement lors de certaines opérations de retrait de matériaux non friables étant aussi élevés que ceux mesurés lors d'opérations de retrait de matériaux friables. C'est pourquoi la réglementation est désormais basée, non plus sur l'état initial du MCA avant tous travaux, mais selon le niveau d'empoussièrement généré lors des opérations, la valeur des trois niveaux d'empoussièrement réglementaires étant définie sur la base des résultats de la campagne META et des facteurs de protection actuellement connus des appareils de protection respiratoire. Ainsi, dans l'opération menée à Oyonnax, que vous citez il s'agit d'une opération de démolition de 4 immeubles de 7 étages, pour laquelle les repérages avant travaux de l'amiante ont révélé la présence d'enduits en plâtre amiantés sur environ 25 % des murs concernés (5 645m2), les taux d'amiante rencontrés étant compris entre 0,7 et 3 % d'amiante. Les résultats de la campagne META précitée ont montré que les retraits d'enduits plâtreux, quelle que soit la technique mise en oeuvre sont les plus empoussiérants, excédant la limite technique des appareils de protection respiratoire (APR) à adduction d'air (25 000 Fibres/Litre). Pour mémoire des empoussièrements allant jusqu'à 60 000 Fibres/Litre ont ainsi été mesurés. Ces valeurs doivent être mises également en corrélation avec la VLEP précitée de 100 F/L et le seuil sanitaire prévu par le code de la santé publique (5 F/L). Dès lors, de tels empoussièrements nécessitent la mise en oeuvre de techniques moins émissives et de moyens de protection collective plus efficaces conformément aux dispositions des articles R. 4412-108 et 109 du code du travail. Afin d'accompagner ce donneur d'ordre dans sa démarche d'évaluation des risques et de la mise au point par l'entreprise choisie des techniques moins émissives, la DGT a mobilisé un groupe d'experts techniques comprenant notamment l'INRS et l'OPPBTP ainsi que la CARSAT et la cellule pluridisciplinaire de la Direccte Rhône-Alpes qui suivent cette opération depuis fin 2010. A cet égard, il convient de souligner le fait que les donneurs d'ordre ont, dès la phase de conception, des obligations qui leur sont propres au titre notamment des articles L. 4531-1 et suivants, telles que : - la définition de la nature et du périmètre de l'opération (retrait, encapsulage ou intervention) ; - la détermination des contraintes organisationnelles (co-activité, travaux en site occupé) et de délais de réalisation adaptés ; - l'identification et l'évaluation préalable des risques par la réalisation de repérages avant travaux des MCA assortis de sondages destructifs selon la nature et le périmètre de l'opération envisagée ; - le choix d'une entreprise compétente techniquement au regard des paramètres précités. Les carences constatées par les services de l'inspection du travail, dans la mise en oeuvre de ces obligations qui sont inscrites dans le code du travail par la loi du 31 décembre 1993, complexifient évidemment la réalisation des travaux de réhabilitation, que ce soit au plan technique, financier ou organisationnel. Pour autant, la réforme réglementaire en matière d'amiante est fondée sur des connaissances techniques et scientifiques fiabilisées. Face aux enjeux en matière de santé des travailleurs et au delà de la santé publique, il ne peut être envisagé de réduire les exigences réglementaires, d'autant plus que les opérations menées dans le cadre de l'ANRU sont susceptibles d'entraîner une exposition des locataires et/ou de l'environnement si elles sont mal maîtrisées. Cependant, le ministère chargé du travail est favorable à ce qu'une réflexion soit initiée au plan interministériel afin que le secteur de l'habitat social soit accompagné dans l'évolution de ses pratiques, en tant que donneur d'ordre mais aussi en tant qu'employeur d'équipes de maintenance réalisant des interventions sur des MCA, sans préjuger des obligations de fournir des logements salubres à ses locataires au titre d'autres réglementations.