14ème législature

Question N° 1082
de M. Serge Bardy (Socialiste, républicain et citoyen - Maine-et-Loire )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > formation professionnelle

Tête d'analyse > apprentissage

Analyse > réforme. perspectives.

Question publiée au JO le : 26/05/2015 page : 3823
Réponse publiée au JO le : 03/06/2015 page : 5263

Texte de la question

M. Serge Bardy attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la politique de formation en apprentissage et sur la baisse continue du nombre d'apprentis. La Chambre du commerce et de l'industrie de France organisait du 18 au 22 mai une « semaine nationale de l'apprentissage ». Cet événement venait s'inscrire dans l'objectif fixé par le Gouvernement d'atteindre les 500 000 apprentis en 2017, contre une moyenne de 400 000 en 2014. Or, dans la circonscription de Maine-et-Loire et dans beaucoup d'autres territoires de notre pays, les indicateurs sont au rouge. Les entreprises nous interpellent. La baisse des contrats d'apprentissage en 2014 a atteint 3 %, après avoir déjà chuté de 8 % en 2013. Tous secteurs confondus, la tendance est à la baisse. D'abord, la formation souffre d'un manque d'attractivité lié à la survalorisation des formations supérieures. Dans ce contexte, l'alternance constitue malheureusement souvent une dernière alternative, à défaut, pour trouver une formation aux jeunes. Les employeurs déplorent le manque de motivations de leurs apprentis, parfois en échec scolaire, qui les pousse à avoir un rôle d'éducateur à la place de la famille. Aussi, la lourdeur de la législation liée aux contrats d'apprentissages est régulièrement dénoncée. La multiplication des contrôles et des règles de sécurité, entre autre, participent à la baisse des signatures de contrats. Ces décalages entre les exigences de l'éducation nationale et les modalités de fonctionnement d'une entreprise sont souvent pointés du doigt. Enfin, le coût de l'apprentissage constitue un frein majeur. Le différentiel entre le salaire d'un apprenti et celui d'un employé n'est pas jugé assez intéressant, ce qui pousse l'employeur à engager un CDD. Par ailleurs, les systèmes d'aides et d'allégements des charges pour les entreprises qui se portent sur l'apprentissage sont perçus comme insuffisants. Il l'interroge sur les politiques de promotion et de revalorisation de la formation en apprentissage en vue d'atteindre les objectifs fixés pour 2017. Il souhaiterait connaître les mesures identifiées pour pallier le problème du coût de l'apprentissage. Enfin, il lui demande si, en lien avec le ministère de l'éducation nationale, une redéfinition des exigences de la formation est prévue, afin de mieux adapter les exigences de formation aux réalités de l'entreprise.

Texte de la réponse

REVALORISATION DE LA FORMATION EN APPRENTISSAGE


M. le président. La parole est à M. Serge Bardy, pour exposer sa question, n°  1082, relative à la revalorisation de la formation en apprentissage.

M. Serge Bardy. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur l'adaptation de l'apprentissage aux réalités des petites entreprises, en vue de redonner plus d'attractivité à ce dispositif. Mon intervention porte sur trois points : la responsabilité de l'employeur, le cadre normatif, et, pour finir, la grille salariale et ses conséquences sur la compétitivité de l'entreprise.

La Chambre de commerce et d'industrie de France organisait, du 18 au 22 mai, une « semaine nationale de l'apprentissage ». Cet événement s'inscrivait dans la ligne définie par le Gouvernement, dont l'objectif est d'atteindre 500 000 apprentis en 2017, contre une moyenne de 400 000 en 2014. En France, depuis une dizaine d'années, nous manquons d'artisans et de travailleurs manuels qualifiés, parce que ces métiers sont dévalorisés, et l'apprentissage délaissé. La baisse des contrats d'apprentissage a d'ailleurs atteint 3 % au niveau national en 2014, après avoir déjà chuté de 8 % en 2013. Pour vous le confirmer, dans ma circonscription de Maine-et-Loire, les indicateurs sont au rouge. Les petites entreprises du bâtiment, de la restauration et de l'artisanat, entre autres, m'interpellent. Tous secteurs confondus, la tendance à la baisse est de 13 % en région Pays de la Loire, entre 2008 et aujourd'hui, alors même que cette région constituait une place forte de l'apprentissage en France.

Mon premier point concerne la responsabilité de l'employeur. Les employeurs déplorent le manque de motivation de leurs apprentis, parfois en échec scolaire, qui les pousse à avoir un rôle d'éducateur à la place de la famille. L'employeur est en effet tenu responsable si les choses se passent mal dans les centres de formation et, si l'apprenti ne va pas en cours, c'est lui qui doit prévenir les parents et l'établissement. Où est la logique ?

Mon deuxième point concerne le volet normatif. La multiplication des contrôles et des règles de sécurité, entre autres, participent à la baisse des signatures de contrat, à l'instar des normes de sécurité draconiennes spécifiques, ou du fait que l'apprenti doit obligatoirement rentrer chez lui tous les soirs.

Mon troisième point concerne la grille de salaire. Le coût de l'apprentissage constitue un frein majeur. L'apprenti exige un accompagnement par un ouvrier expérimenté. Il génère donc un coût en termes de productivité, avant de devenir un atout pour l'entreprise. Dans ces conditions, les employeurs nous disent que le salaire est trop élevé : il doit en effet être dégagé sur le travail des autres ouvriers. Les systèmes de compensations et d'allégements des charges pour les entreprises sont perçus comme insuffisants.

Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous indiquer les politiques de promotion et de revalorisation de la formation en apprentissage qui ont été définies en vue d'atteindre les objectifs fixés pour 2017 ? Je souhaiterais également connaître les mesures identifiées pour pallier le problème du coût de l'apprentissage, celui de la responsabilité de l'employeur et, enfin, celui qui tient aux contraintes normatives.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le député, je vous prie d'excuser le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, François Rebsamen, qui n'a pu être présent ce matin, car il reçoit actuellement les partenaires sociaux avec le Premier ministre à Matignon.

Pour en venir à votre question, l'évolution défavorable des entrées en apprentissage, que vous déplorez, s'explique en premier lieu par la conjoncture économique, qui est responsable de la baisse importante du nombre d'apprentis, en particulier dans le secteur du bâtiment. Cela étant, le Gouvernement n'ignore pas les autres freins que vous avez évoqués, à commencer par le cadre réglementaire qui, rappelons-le, vise d'abord à protéger les apprentis. Nous nous appliquons à le rendre plus souple, sans rien enlever, cela va de soi, à la protection contre les risques, comme nous l'avons montré avec les décrets relatifs aux apprentis mineurs.

Le deuxième frein tient au fait que les employeurs sont parfois peu enclins à recruter des jeunes peu expérimentés. C'est précisément pour en tenir compte que nous avons créé la prestation « réussite apprentissage », qui permettra d'accompagner vers l'apprentissage 10 000 jeunes issus de quartiers défavorisés, et d'aider leurs employeurs, principalement des très petites entreprises, à les intégrer durablement dans l'entreprise.

Le troisième frein est de nature financière. Le dispositif d'aides est désormais stabilisé et a été complété tout récemment par l'aide « TPE Jeune apprenti », qui couvre la totalité des coûts salariaux.

On ne peut pas, en revanche, opposer enseignement supérieur et apprentissage. La partie qui est la plus dynamique depuis plusieurs années concerne les diplômes de niveau baccalauréat, et au-delà. La priorité est par conséquent d'encourager les élèves du collège à s'orienter vers l'apprentissage, et non d'en dissuader les étudiants. C'est l'esprit du plan d'action que la ministre de l'éducation nationale met en place pour faire évoluer les pratiques de la communauté éducative depuis la rentrée 2014-2015.

Enfin, trois chantiers structurants seront lancés d'ici la fin du mois de juin : une concertation sur le statut de l'apprenti, qui contribuera à résoudre les problèmes d'attractivité ; une offre de services numériques complète pour aider employeurs et apprentis dans leurs démarches ; une démarche nationale d'engagement de service dans les centres de formation d'apprentis – CFA – pour mieux accompagner employeurs et apprentis.

Vous le voyez, monsieur le député, l'engagement du Gouvernement est volontariste et à la hauteur des enjeux liés à l'apprentissage. Les entreprises doivent maintenant s'engager. Pour les mobiliser, François Rebsamen a confié à Gérard Mestrallet une mission d'ambassadeur de l'apprentissage, et les acteurs des territoires seront amenés, autour des préfets et des présidents de région, à se mobiliser pour prospecter les entreprises en vue de préparer la rentrée.

M. le président. La parole est à M. Serge Bardy.

M. Serge Bardy. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État. Je suis tout à fait d'accord avec vous au sujet des liens entre l'enseignement supérieur et l'apprentissage : c'est tout à fait logique. Je me réjouis par ailleurs de la concertation à venir sur le statut de l'apprenti, autour des points que vous avez évoqués – l'offre de services numériques et la démarche nationale d'engagement de service dans les CFA. Je la suivrai avec intérêt et j'entends même y prendre une part active.