14ème législature

Question N° 11706
de M. Daniel Goldberg (Socialiste, républicain et citoyen - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Artisanat, commerce et tourisme
Ministère attributaire > Artisanat, commerce et tourisme

Rubrique > bâtiment et travaux publics

Tête d'analyse > entreprises

Analyse > concurrence. contrôles.

Question publiée au JO le : 27/11/2012 page : 6877
Réponse publiée au JO le : 26/02/2013 page : 2197

Texte de la question

M. Daniel Goldberg alerte Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme sur le développement important de l'activité d'entreprises exerçant, en particulier, dans le secteur de la sous-traitance du bâtiment qui embauchent exclusivement des étrangers européens ne résidant pas de manière habituelle en France. En effet, ces entreprises abusant du détachement de travailleurs étrangers en France ne respectent pas toutes les rémunérations en vigueur en France ou tolèrent un temps de travail excédant les dispositions légales. Pour certaines, la domiciliation de leur activité et l'acquittement des taxes et cotisations légales est sujet à caution. Le développement de telles sociétés créé une concurrence déloyale pour les sociétés respectueuses de la législation. La publication d'appels d'offres irréalistes par rapport à la législation est également une incitation au développement de ces activités en marge de la loi. Aussi, il souhaite qu'elle prenne les mesures nécessaires pour mieux faire respecter l'ordre public social et protéger les entreprises respectant la loi d'une concurrence inappropriée.

Texte de la réponse

Le Gouvernement est particulièrement attentif aux distorsions de concurrence qui peuvent être liées à un détournement des règles européennes et nationales de détachement des travailleurs dans le cadre de la libre prestation de services entre États européens, tout particulièrement dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Il convient de rappeler que, s'agissant des entreprises étrangères exerçant une prestation de services sur le territoire français, le salarié détaché se voit appliquer la législation du pays où il effectue sa prestation de travail, en vertu de la directive européenne n° 1996/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs, transposée au sein du code du travail français. Par voie de conséquence, le salarié détaché en France doit donc se voir appliquer la législation française du travail. Le code du travail prévoit quatre cas de détachement. Celui-ci peut s'effectuer dans le cadre de l'exécution d'une prestation de services, d'une mise à disposition de salariés par une entreprise de travail temporaire, d'une mobilité intragroupe, ou de la réalisation d'une opération pour le propre compte de l'entreprise prestataire étrangère. Dans toutes ces situations, le détachement de travailleurs obéit à des règles précises. L'entreprise prestataire étrangère doit notamment intervenir en France de façon temporaire (en fonction de la durée nécessaire à la réalisation d'une mission définie au préalable) et à la condition d'être régulièrement établie dans son pays d'origine et d'y justifier d'une activité significative. Une entreprise établie hors de France dont l'activité est entièrement orientée en France doit créer un établissement en France et ne peut pas se prévaloir du détachement. En ce qui concerne le droit du travail applicable, les entreprises étrangères intervenant en France au titre du détachement sont tenues de respecter certaines règles françaises (fixées par le code du travail ou les conventions collectives étendues) en matière de conditions de travail et d'emploi. L'article L. 1262-4 du code du travail fixe précisément la liste des matières dans lesquelles le droit français doit être respecté (notamment rémunération, durée du travail, santé et sécurité au travail...). Concernant les formalités à accomplir, les entreprises prestataires établies hors de France doivent transmettre une déclaration préalable de détachement à l'inspection du travail du lieu d'exécution de la mission du salarié détaché. Par ailleurs, l'article D. 8222-7 du code du travail prévoit l'obligation pour l'entreprise cliente en France, en sa qualité de donneur d'ordre, de se faire remettre par l'entreprise étrangère un certain nombre de documents préalablement à la conclusion du contrat de prestation de services, dès lors qu'il porte sur un montant au moins égal à 3 000 euros. Suivant l'article L. 8222-2 du code du travail, la responsabilité solidaire de cette entreprise pourra être engagée, s'il est prouvé qu'elle n'a pas accompli ces formalités et qu'un procès verbal pour travail dissimulé est relevé à l'encontre de l'entreprise ayant détaché des salariés. En matière de sécurité sociale, le règlement communautaire n° 883/2004 du 29 avril 2004 permet, sous certaines conditions, de limiter les changements de législation applicable pour de courtes périodes de détachement, en prévoyant le maintien de la législation de l'État d'origine. Ainsi, en application de ce règlement, les entreprises prestataires établies hors de France peuvent continuer à relever du régime de sécurité sociale de leur État d'établissement et y verser des cotisations sociales pendant et au titre de la période de détachement de leurs salariés en France. Dans le but d'éviter que le détachement de salariés dans le bâtiment et travaux publics (BTP) n'aboutisse, par dumping social, à des distorsions avérées de concurrence, il apparaît effectivement essentiel d'intensifier les contrôles du respect de ces règles, quelle que soit d'ailleurs la nationalité de l'entreprise et des salariés intervenants. A cet égard, le secteur du BTP, parce qu'il est connu comme étant l'un des plus touchés par le travail illégal sous ses différentes formes, fait l'objet d'une attention particulière. Le dernier rapport sur l'analyse de la verbalisation du travail illégal en 2010, rédigé par la direction générale du travail et la délégation nationale de lutte contre la fraude, souligne à cet égard la progression constante du nombre d'infractions relevées en France dans ce secteur par les services de contrôle de l'État et des organismes de protection sociale depuis quatre ans (43 % des entreprises contrôlées). Le nombre de contrôles dans le BTP a augmenté de 17 % en 2010 pour s'établir à 30 606 (28 202 en 2009). En 2010, l'enquête recense près de 10 900 entreprises en infraction liée au travail dissimulé avec, pour le secteur du BTP, 4 500 entreprises en infraction, soit un taux d'infraction voisin de 15 %. Le taux d'infraction est en hausse de 2 points (13 % en 2009 ; 15 % en 2010). En 2010, 1 688 entreprises étrangères ont été contrôlées, soit près de 2,5 % des entreprises contrôlées. Le plan national de coordination de la lutte contre la fraude pour 2012 a retenu la lutte contre les détournements de la réglementation relative au détachement des salariés dans le cadre de prestations de services internationales comme l'un des axes prioritaires mentionnés dans le plan national de lutte contre le travail illégal. Le secteur du BTP figure dans la liste des cinq secteurs d'activité prioritaires mentionnés dans le plan national 2010-2011, reconduit pour l'année 2012. En ce qui concerne le volet « prévention », plusieurs initiatives ont déjà été engagées avec les partenaires sociaux dans le cadre du protocole sur la prévention du travail illégal et les bonnes pratiques de la sous-traitance dans le BTP, qui a été conclu le 25 octobre 2005 entre les ministères du travail et de l'équipement, et plusieurs organisations professionnelles (la fédération nationale des travaux publics, la caisse nationale de surcompensation du bâtiment et des travaux publics, la chambre nationale de l'artisanat, des travaux publics et paysagistes, entreprises générales de France-BTP, sociétés coopératives de production du bâtiment et des travaux publics, la fédération française du bâtiment et la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment). La plaquette d'information destinée à l'ensemble des maîtres d'ouvrage et des entreprises du secteur a fait récemment l'objet d'une mise à jour tenant compte de l'évolution du droit, en concertation avec les organisations professionnelles et les organisations syndicales de travailleurs. Cette plaquette est disponible sur le site du ministère du travail et sur ceux des partenaires concernés. Elle est complétée par un référentiel de questions-réponses sur la sécurité juridique des contrats de sous-traitance dans le BTP. Plus généralement, le directeur général du travail et le délégué national de lutte contre la fraude ont recommandé aux préfets, dans un courrier adressé en date du 16 juillet 2012, le renforcement de la lutte contre toutes les formes de travail illégal ainsi que la mise en oeuvre de nouvelles sanctions administratives pour travail illégal. Ainsi, les préfets de département sont désormais habilités à ordonner la fermeture provisoire des établissements concernés par de telles infractions, cette fermeture pouvant éventuellement être assortie d'une saisie du matériel professionnel et/ou du prononcé d'une exclusion des contrats administratifs. De plus, les autorités susceptibles d'octroyer des aides publiques en matière d'emploi, de formation professionnelle et de culture, outre la possibilité qu'elles avaient déjà de refuser l'octroi de ces aides, pour une durée maximale de cinq ans, pourront désormais en demander le remboursement. En outre, le Gouvernement, soucieux de lutter au mieux contre ces détournements, a réuni, le 27 novembre 2012, dans le cadre de la feuille de route adoptée suite à la grande conférence sociale de juillet dernier, la commission nationale de lutte contre le travail illégal, chargée de dresser le bilan des actions déjà engagées par les services de l'État et les organismes de recouvrement des cotisations sociales et de fixer les axes prioritaires du plan national d'action pour les années à venir. La répression des fraudes aux détachements dans le cadre des prestations de service internationales, et, plus généralement, la lutte contre toutes les formes de travail dissimulé font partie des cinq orientations fondamentales décidées dans le cadre de ce plan d'action. De surcroît, afin d'encourager l'application de ces règles dans le cadre d'appels d'offres, la circulaire du 14 février 2012 relative au guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics prévoit que les candidats qui ne sont pas en mesure de déclarer sur l'honneur qu'ils sont à jour de leurs obligations sociales et fiscales ne peuvent être admis à candidater à l'attribution du marché. Ladite circulaire prévoit également que tout contrat écrit, passé par une personne morale de droit public, doit désormais prévoir qu'une pénalité peut être infligée au cocontractant qui pratiquerait du travail dissimulé. Elle ouvre en outre la possibilité aux corps d'inspection concernés, s'ils constatent une irrégularité en matière de travail dissimulé, de saisir le préfet du département dans lequel est situé l'établissement en cause. Le préfet peut alors, compte tenu de l'éventuelle réitération de l'infraction, de son ampleur ou de sa gravité, prononcer une exclusion temporaire des contrats administratifs, qui ne peut excéder six mois. Enfin, afin d'améliorer l'application des règles existant au niveau européen dans un contexte de libre circulation accrue des travailleurs au sein de l'Union européenne, et compte tenu du constat de pratiques de contournement du droit, la Commission européenne a adopté, en date du 21 mars 2012, une proposition de directive visant à renforcer l'effectivité de la directive de 1996. Cette proposition de texte, soutenue par la France, prévoit différentes mesures visant notamment à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de services transnationale. Ces initiatives témoignent de la ferme volonté du Gouvernement d'intensifier la mobilisation des services de l'État en faveur de cette action prioritaire que constitue la lutte contre le travail illégal.