Question de : M. Guénhaël Huet
Manche (2e circonscription) - Les Républicains

M. Guénhaël Huet attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la construction d'une ligne à très haute tension (THT) de 400 kV à travers le département de la Manche. Destinée à acheminer l'électricité produite par le réacteur nucléaire de troisième génération, dit "EPR", actuellement en construction sur le site du centre nucléaire de production d'électricité (CNPE) de Flamanville, cette ligne traverse de part en part la Manche pour continuer vers la Mayenne. Confiée à RTE, gestionnaire du réseau de transport d'électricité, sa réalisation a soulevé de nombreuses oppositions liées aux larges incertitudes qui subsistent quant à son incidence sur l'environnement et ses conséquences sur la santé humaine et animale. Il lui demande donc s'il envisage de répondre favorablement à la demande d'une étude épidémiologique indépendante, formulée par de nombreuses associations et les élus.

Réponse publiée le 24 septembre 2013

Lors de la conférence environnementale de septembre 2012, le Gouvernement a fait de la santé environnementale l'une de ses priorités. Il a demandé à l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) d'actualiser pour 2014 l'expertise sur les champs dits « extrêmement basse fréquence » (de 0 à quelques kHz) des lignes à très haute tension (THT) présentée en 2010. Une étude est actuellement conduite en ce qui concerne les impacts des lignes THT sur les animaux. Le premier travail d'expertise avait permis de confirmer que les effets à court terme des champs extrêmement basses fréquences sont connus et bien documentés, et que les valeurs limites d'exposition permettent de s'en protéger. Les effets observés à court terme sont des courants induits dans le corps humain, c'est-à-dire une stimulation électrique du système nerveux, créée par le champ magnétique. Pour prévenir ces effets, des valeurs limites d'exposition ont été imposées par voie réglementaire. Les valeurs limites fixées en France sont conformes aux recommandations européennes et internationales sur ce sujet. Les valeurs seuils pour les ouvrages de transport d'électricité sont de 5 000V/m pour les champs électriques et de 100 µT pour les champs électromagnétiques induits. Les niveaux moyens d'exposition mesurés sont généralement très inférieurs à ces valeurs réglementaires. Des interrogations et des inquiétudes concernant des effets sur la santé humaine à long terme s'expriment néanmoins, comme le souligne l'honorable parlementaire, relayées tant par des associations que des élus. En effet, pour ce qui concerne les leucémies aiguës de l'enfant le risque d'incidence lié aux champs magnétiques d'extrêmement basses fréquences a conduit le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC) à appliquer le principe de précaution en les classant en catégorie 2B, c'est à dire cancérogène possible. Ce classement établi en 2002 résulte d'études épidémiologiques. Au vu des premières recommandations de l'ANSES en 2010, du rapport de l'OPECST (Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques) en mai 2010, et du rapport CGEDD/CGEIET de aout 2010, le MEDDE a signé une circulaire en date du 15 avril 2013 : celle-ci demande aux préfets de recommander aux collectivités territoriales et aux autorités en charge de la délivrance des permis de construire, d'éviter, dans la mesure du possible, de décider ou d'autoriser l'implantation de nouveaux établissements sensibles (hôpitaux, maternités, établissements accueillant des enfants tels que crèches, maternelles, écoles primaires etc.) dans les zones qui, situées à proximité d'ouvrages THT, HT, lignes aériennes, câbles souterrains et postes de transformation ou jeux de barres, sont exposées à un champ magnétique de plus de 1 µT. Cette valeur, appliquée en bordure de zone de prudence, apparait globalement compatible avec la valeur d'exposition permanente des occupants de bâtiments sensibles de 0,4 µ T proposée par l'avis de l'ANSES. L'Institut de veille sanitaire (IVS) s'est positionné en 2011 sur l'opportunité de réaliser une étude épidémiologique autour de la ligne THT Cotentin-Maine. L'effectif d'enfants exposés qu'il s'agirait de suivre pour disposer des conditions de puissance statistique nécessaires à la mise en évidence d'un excès d'incidence de leucémies doit être supérieur à 20 000 voire 75 000 enfants. Ce chiffre important rend difficile la réalisation d'une telle étude au niveau local. Seules des approches multicentriques telles que celles entreprises par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dans le cadre du projet GEOCAP peuvent permettre de faire avancer les connaissances sur ces questions. L'enquête GEOCAP inclut tous les cas de cancer des enfants survenus depuis 2002, en s'appuyant sur les registres des hémopathies malignes de l'enfant et des tumeurs solides de l'enfant. Elle porte sur différentes expositions environnementales qui pourraient être impliquées dans la survenue de cancer chez l'enfant : les lignes à très haute tension, mais également les rayonnements ionisants naturels, la pollution de l'air liée au trafic, la proximité de différentes installations industrielles. A partir d'une étude fondée sur les 2 779 cas avérés de leucémie chez l'enfant en France entre 2002 et 2007 et 30 000 témoins, les chercheurs ont observé une augmentation du risque de leucémie chez l'enfant de moins de 15 ans pour des habitations situées à moins de 50 m d'une ligne à très haute tension (225 - 400 kV). Cette augmentation semble toutefois limitée aux enfants de moins de 5 ans et n'est pas perceptible au-delà de 50 m ou pour les lignes haute tension à plus faible voltage (63 - 90 - 150 kV). Elle n'est pas visible non plus dans les zones urbaines de plus de 100 000 habitants. La taille de l'étude reste insuffisante pour certaines analyses détaillées. La force principale de GEOCAP est néanmoins son faible risque de biais de sélection des enfants inclus dans l'étude : tous les cas de cancer de l'enfant du territoire ont été recensés et l'échantillon témoin est large et fidèlement représentatif de la population du même âge. Pratiquement tous ont pu être localisés par rapport au réseau des lignes à haute tension en France. En parallèle de ces travaux, d'autres axes de recherches doivent être poursuivis, notamment sur les causes multifactorielles des leucémies et sur le modèle animal. Le Gouvernement sera vigilant quant à la bonne application de la feuille de route pour la transition écologique de septembre 2012 au sujet des champs extrêmement basse fréquence.

Données clés

Auteur : M. Guénhaël Huet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie

Ministère répondant : Écologie, développement durable et énergie

Dates :
Question publiée le 27 novembre 2012
Réponse publiée le 24 septembre 2013

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