livret de famille
Question de :
Mme Annick Le Loch
Finistère (7e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Mme Annick Le Loch attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la récente contestation par certaines administrations de la légalité des livrets de famille bilingues français-breton, délivrés par des communes depuis plusieurs années. Le Conseil constitutionnel a précisé dans sa décision n° 99-412DC du 15 juin 1999, que « l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public ; que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage ; que l'article 2 de la Constitution n'interdit pas l'utilisation de traductions ». Le principe constitutionnel posé à l'article 2 n'apparaît donc pas opposable aux livrets légalement établis en français et porteurs d'une traduction en breton. Par ailleurs, le décret du 2 thermidor An II qui stipule que seule la langue française doit être utilisée dans les actes publics, est également évoqué pour contester la légalité des livrets bilingues. Il semble pourtant établi qu'il a été suspendu par un décret du 16 fructidor An II. Dans l'attente de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, Mme Le Loch souhaite connaître les mesures qu'entend prendre le Gouvernement pour confirmer la légalité des livrets de famille bilingues et plus généralement faire cesser les procédés visant à limiter ou à empêcher l'usage des langues régionales, en violation de la liberté proclamée à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.
Réponse publiée le 30 juillet 2013
La contestation par l'administration de la légalité des « livrets de famille » bilingues français-breton ne saurait être assimilée à un procédé visant à limiter ou empêcher l'usage des langues régionales dès lors qu'elle repose sur le principe solennellement affirmé en France d'unicité de la langue officielle. Le principe selon lequel « la langue de la République est le français », inscrit à l'article 2 de notre constitution depuis la loi n° 92-554 du 25 juin 1992, a désormais valeur constitutionnelle. Ce principe ne saurait toutefois remettre en cause la liberté de tout citoyen de « parler, écrire et imprimer librement » garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ni occulter l'apport culturel indéniable, consacré à l'article 75-1 de la Constitution, que constituent les langues régionales. Il résulte de la conciliation de ces principes, rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 99-412 du 15 juin 1999 relative à la charte européenne des langues minoritaires que « l'usage du français s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public ; que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics d'un droit à l'usage d'une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage, que l'article 2 de la constitution n'interdit pas l'utilisation de traductions » (cons. 8), lesquelles s'entendent exclusivement de traductions autonomes de textes français, dépourvues de valeur officielle, telles que celles prévues par l'article 10 de la charte pour les textes officiels des collectivités locales, et par son article 9, paragraphe 3, pour les textes législatifs nationaux afin de faciliter l'accès à la justice. La Constitution permet ainsi de ménager un équilibre, distinguant les personnes publiques et services publics qui doivent employer le français, des particuliers qui ont, entre eux, le libre choix des termes. Les livrets de famille étant constitués d'actes de l'état civil, qui sont des documents publics, doivent être, en l'état du droit actuel, rédigés en français. A l'inverse, il ne saurait en conséquence être reconnu de caractère officiel à des documents non rédigés en français, même partiellement. Enfin, l'arrêté du 1er juin 2006 fixe le modèle du livret de famille, lequel est identique sur l'ensemble du territoire national, quant à son nombre de pages, son contenu et sa présentation exacte. Ces livrets ne peuvent donc avoir de caractère officiel ni de valeur probante. Rien ne s'opposerait toutefois à la délivrance par les mairies, en sus du livret de famille officiel, d'une traduction bretonne de celui-ci, dépourvue d'effet juridique, pour autant qu'elle ait lieu à la demande des intéressés et que sa charge ne soit pas supportée par l'État.
Auteur : Mme Annick Le Loch
Type de question : Question écrite
Rubrique : État civil
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 27 novembre 2012
Réponse publiée le 30 juillet 2013