14ème législature

Question N° 11943
de M. Pouria Amirshahi (Socialiste, républicain et citoyen - Français établis hors de France )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > ministères et secrétariats d'État

Tête d'analyse > économie et finances : personnel

Analyse > affectations à l'étranger. réglementation.

Question publiée au JO le : 27/11/2012 page : 6906
Réponse publiée au JO le : 09/04/2013 page : 3862

Texte de la question

M. Pouria Amirshahi attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la situation des personnels de la direction générale des finances publiques de catégorie B et C, en poste dans les trésoreries auprès des ambassades de France, au regard du droit à la vie familiale énoncé à l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme et du principe d'égalité de traitement des fonctionnaires. En effet, historiquement, les personnels des catégories B et C de ce secteur dit secteur « hors métropole » étaient affectés sans conditions de délais dans les trésoreries auprès des ambassades, absence de délais que la juridiction administrative a eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises. Aussi, certains agents se sont installés dans des pays étrangers avec l'idée d'une affectation définitive, s'y sont parfois mariés, ont acquis ou fait construire leur maison. Mais, à l'occasion de la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique, portant création de la direction générale des finances publiques, les décrets n° 2010-982 et n° 2010-984 portant statuts particuliers des contrôleurs des finances publiques et des agents administratifs des finances publiques ont institué une durée limitée d'affectation dans les trésorerie d'ambassade, de deux ans renouvelable une fois. Or, sous couvert de ces décrets, la direction générale des finances publiques adresse des ordres de rapatriement à certains des agents installés de très longue date à l'étranger, rejette leurs demandes de renouvellement de séjour pour une durée de deux ans, bien que cette possibilité est prévue par les décrets y compris au titre des mesures transitoires, ceci sans même respecter les garanties procédurales et notamment la consultation de la commission administrative paritaire compétente. Ces mesures sont ressenties d'une manière d'autant plus injuste que les critères retenus pour déterminer quels agents doivent faire l'objet d'un retour anticipé ne sont pas même définis. La direction générale des finances publiques justifie ces mesures de rapatriement par les nécessités de service, argument qui ne saurait prospérer en l'espèce puisque les agents rapatriés sont remplacés dans les trésoreries des ambassades et que leurs postes ne sont pas supprimés. Par conséquent, il demande ce qu'il est envisageable de faire afin de garantir aux agents installés de longue date leur droit à la vie familiale tel qu'énoncé par la convention européenne des droits de l'Homme et d'éviter toute mesure arbitraire contraire au principe d'égalité de traitement des fonctionnaires.

Texte de la réponse

Le réseau à l'étranger de la direction générale des finances publiques (DGFiP) est aujourd'hui constitué de seize trésoreries installées auprès des ambassades de France. Il concerne environ 180 agents de catégorie A, B et C. Il n'y a pas de corps de fonctionnaire spécifique pour l'exercice de ces fonctions, qui peuvent donc être proposées à tout agent titulaire de la DGFiP. Les emplois à l'étranger du réseau DGFiP sont pourvus après appel à candidature au sein du réseau DGFiP et consultation des commissions administratives paritaires compétente. L'appel à candidature donne lieu à la publication d'une fiche de poste précisant la durée du séjour, les fonctions occupées, l'environnement de travail et les aptitudes requises. Les agents qui postulent sont donc pleinement avisés des sujétions associées à ces postes spécifiques et du caractère temporaire de ces affectations. A l'instar de nombreuses administrations, afin d'assurer un renouvellement et une mobilité favorisant une adaptation permanente des services à leurs objectifs et permettre au plus grand nombre d'agents de pouvoir valoriser leur expérience sur un poste à l'étranger, le séjour sur ces postes a toujours été limité dans le temps. Les agents affectés sur ces emplois, qui appartiennent à des corps statutaires de la DGFiP, se sont donc vus notifier des durées de séjour éventuellement renouvelables et n'ont jamais été garantis de poursuivre leur carrière à l'étranger. Ainsi, à partir de 2003, les affectations à l'étranger ont été prononcées pour un séjour d'une durée maximale de cinq ans à l'issue de laquelle les ré-affectations devaient intervenir en métropole. A partir de 2007, les affectations à l'étranger des cadres B et C, ont été prononcées pour une durée de séjour de deux ans, renouvelable une seule fois. S'agissant des agents affectés avant 2003, les séjours étaient bornés sur des périodes courtes (10 ou 20 mois) renouvelables, avec possibilité d'obtenir une nouvelle affectation sur un autre pays. Ceux de ces agents encore en fonction dans le réseau à l'étranger en 2009 ont été destinataires en juillet 2009 d'une lettre leur proposant de renouveler leur contrat dans le pays occupé pour un dernier séjour de deux ans renouvelable une seule fois, à compter du 1er janvier 2010. La possibilité leur a également été offerte de bénéficier, à l'occasion de ce renouvellement, d'une dernière mutation dans une autre trésorerie à l'étranger pour deux ans, renouvelable une seule fois, mutation que la plupart des agents a sollicitée et obtenue. A l'issue d'un séjour maximal de quatre ans, leur ré-affectation devait intervenir en métropole. Les statuts des différents corps concernés ont été adaptés depuis 2007 afin d'intégrer de manière explicite une durée de séjour à l'étranger. Ainsi, l'article 34-1 du décret n° 95-869 du 2 août 1995 modifié par le décret n° 2007-258 du 27 février 2007 prévoit que les agents de catégorie A du Trésor public sont affectés à l'étranger pour une durée de deux ans renouvelable une fois. Ces dispositions ont été reprises à l'identique dans le nouveau statut des inspecteurs des finances publiques (article 25 du décret du 26 août 2010). Il en est de même pour les agents de catégorie B (articles 19 et 27 du décret n° 2010-982) et C (articles 20 et 28 du décret n° 2010-984). Ces deux derniers statuts prévoient en outre que le décompte de ce délai de deux ans s'effectue à compter de la date de leur entrée en vigueur, à savoir le 1er septembre 2011. Il n'y aura donc concrètement aucun retour de l'étranger au titre de ce dispositif avant le 31 août 2013. Les décrets statutaires ayant été publiés en août 2010, la réglementation des retours a donc été connue des agents concernés plus de trois ans avant son application effective. Dans l'intervalle, aucune mesure de rapatriement n'a été prise. Ayant fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir le 27 décembre 2010, la conformité de ces deux statuts a par ailleurs été rappelée par le Conseil d'Etat dans deux décisions du 14 novembre 2011. Ces décisions rappellent notamment que les dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui régissent les décisions individuelles d'affectation des fonctionnaires de l'Etat et prévoient que ces décisions doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille, ne font pas obstacle à ce que des décrets portant statut particulier de corps de fonctionnaires limitent la durée d'affectation dans certains emplois des fonctionnaires appartenant à ces corps. La Haute juridiction rappelle également que l'exercice du pouvoir règlementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes, puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante. Les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs. Il incombe toutefois à l'autorité investie du pouvoir règlementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle. Il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause. Toutefois, l'entrée en vigueur de la règle limitant la durée d'affectation à l'étranger des contrôleurs des finances publiques ayant été différée au 1er septembre 2011 et l'article 27 du décret précisant que pour les agents en poste à cette date, le délai de deux ans ne court qu'à compter de cette même date, la mise en oeuvre, dans ces conditions, des dispositions contestées, n'a pas été considérée par les magistrats comme portant une atteinte aux intérêts en cause. Dans ce contexte et dans le respect des dispositions statutaires précitées, la DGFiP a procédé à un renouvellement pour deux ans à compter du 1er septembre 2013 d'une partie des effectifs B et C en place dans son réseau à l'étranger et informé les autres agents de sa décision de non renouvellement du séjour. Ce dispositif avait préalablement fait l'objet depuis 2009 de nombreuses concertations avec les représentants des personnels. Par ailleurs, les décisions de non renouvellement ne constituent pas une mutation au sens des dispositions de l'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 devant, en tant que telle, être soumise préalablement à l'avis des commissions administratives paritaires compétentes (CAP). En effet, la consultation de la CAP s'applique lorsque des tableaux périodiques de mutations sont dressés par l'administration ou en l'absence de tableaux, lorsque les mutations comportent changement de résidence ou modification de la situation du fonctionnaire. Dès lors, seule la ré-affectation du fonctionnaire sur un poste situé en métropole ou dans un département d'outre-mer au 1er septembre 2013, entraînera un changement de résidence, et sera régie par les dispositions de la loi du 11 janvier 1984 précitée. Néanmoins, les représentants des personnels membres de la CAP locale auprès de la trésorerie générale de l'étranger ont été invités à prendre connaissance de ces informations relatives aux non renouvellements dans le cadre d'une réunion de travail dédiée. Tous les agents concernés par un retour en métropole au 31 août 2013 ont par ailleurs été invités à exprimer des voeux afin d'obtenir une nouvelle affectation dans le réseau DGFiP, dans le cadre du mouvement général de mutation de leur corps, qui sera soumis le moment venu à l'avis préalable de la CAP compétente, conformément à l'article 25 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 modifié. Le calendrier de ces réunions a d'ores et déjà été fixé. L'auteur de la question évoque la situation de fonctionnaires qui se considèrent « installés à l'étranger », notamment au travers de mariages, d'acquisitions immobilières réalisées dans un pays. Or une affectation de longue date à l'étranger ne signifie pas un séjour prolongé dans un même pays. En effet, la plupart des agents ont connu plusieurs affectations successives dans des pays différents (certains ont connus plus de 10 affectations différentes à l'étranger). Certains ont pu contracter mariage avec un ressortissant d'un pays lors de l'un de leur séjour, puis sollicité et obtenu une affectation dans un autre pays. Par ailleurs, le fait d'effectuer une acquisition immobilière dans un pays étranger, ou le cas échéant, de conserver ou acquérir un bien sur le territoire métropolitain, ressort d'un choix personnel, qui ne saurait être constitutif d'un droit à maintien sur un emploi, étant observé par ailleurs que sur certaines zones (Afrique notamment), les fonctionnaires bénéficient de la mise à disposition d'un logement administratif, moyennant une redevance d'occupation. Enfin l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ne semble pas s'opposer à la mise en oeuvre d'une mobilité des fonctionnaires lorsque celle-ci s'exerce conformément aux dispositions législatives et règlementaires applicables, ce qui est le cas en l'espèce. Toute l'attention sera requise pour les situations particulières qui pourraient nécessiter une approche personnalisée, dans le respect toutefois des dispositions statutaires précitées.