14ème législature

Question N° 12575
de Mme Sylviane Bulteau (Socialiste, républicain et citoyen - Vendée )
Question écrite
Ministère interrogé > Francophonie
Ministère attributaire > Francophonie

Rubrique > langue française

Tête d'analyse > défense et usage

Analyse > institutions européennes. actions de l'État.

Question publiée au JO le : 04/12/2012 page : 7114
Réponse publiée au JO le : 12/03/2013 page : 2854

Texte de la question

Mme Sylviane Bulteau appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée de la francophonie, sur la place de la langue française en Europe, dans le monde et au sein de notre propre pays. Au sein de l'Union européenne, d'abord, la langue allemande est celle qui compte le plus de locuteurs, suivie en cela par le français puis l'anglais. Il est donc inconcevable que le français ne soit aujourd'hui la langue « source » que pour seulement 8 % des documents qui émanent de la Commission européenne alors que sur le site internet de l'exécutif européen, seules 12 % des pages sont traduites en français. Systématiquement, les documents de travail sont transmis en anglais au Gouvernement français. Depuis de nombreuses années, les parlementaires de l'Assemblée nationale comme du Sénat alertent les gouvernements successifs sur le dramatique affaiblissement de notre langue et concomitamment de notre influence. À l'échelle de la planète, ensuite, la régression dans l'ensemble des organisations internationales s'accélère, que ce soit à l'ONU ou dans les instances associées principalement où 90 % des textes sont d'abord rédigés en anglais. Il apparaît que de nombreux pays membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ne respectent pas les engagements qu’implique leur participation à ce groupement : leurs diplomates parlent exclusivement l'anglais et leurs moyens de communication ne présentent souvent aucune version française (sites internet). Dans le domaine de la coopération de sécurité et de défense, la situation n'est pas meilleure. Depuis que la France a rejoint l'OTAN, l'armée française s'est complètement convertie à l'anglais dans ses relations avec nos partenaires. Un exemple parmi d'autres : la force de gendarmerie européenne, pourtant créée à l'initiative de la France, et qui ne compte aucun pays anglophone en son sein, n'a qu'une langue de travail officielle : l'anglais. Son site internet est là aussi unilingue, en anglais. Demain, grâce à l'Afrique, le français, actuellement 9e langue mondiale avec 200 millions de locuteurs, sera une des principales langues mondiales. À l'horizon 2050, avec 715 millions de locuteurs, elle sera toujours parlée sur chaque continent, privilège qu'elle partage avec l'anglais seulement. En France même, enfin, on ne peut que constater une évolution néfaste. Les titres de films ne sont plus traduits, les émissions télévisées s'affublent de titres anglais, les radios rechignent à appliquer les quotas obligatoires de diffusion de chansons françaises pourtant nécessaires à l'émergence de nouveaux talents et réclament même pour certaines la prise en compte, dans ces quotas, des artistes francophones qui s'expriment en langue anglaise ! Nos grands groupes industriels nationaux eux-mêmes choisissent des slogans en anglais et travaillent dans cette langue. De nombreuses grandes écoles, de Sciences Po à HEC, dispensent leurs cours en anglais, souvent, d'ailleurs, au mépris de la législation en vigueur. La recherche scientifique et les brevets sont eux aussi concernés par cette évolution qui pénalise nos chercheurs et la visibilité de nos travaux académiques. Le chantier est énorme. Les rapports parlementaires s'empilent, les associations de défense de la langue multiplient les alertes mais la situation s'aggrave. Cet état de fait doit cesser. Aujourd'hui, il faut agir vite, efficacement, de façon résolument offensive et cela en lien étroit avec les ministères concernés : Affaires étrangères, Éducation nationale, Défense, Culture, Redressement productif... Elle lui demande ainsi les actions qu'entend mener concrètement le Gouvernement tant auprès de la Commission européenne qu'auprès des membres de l'Organisation internationale de la Francophonie ou encore de nos relais politiques, économiques et culturels à l'étranger pour que le français retrouve toute sa place au service de notre rayonnement.

Texte de la réponse

La France met en oeuvre une politique active de soutien au français en Europe et dans le monde. Cet effort, relayé par nos postes diplomatiques, les Alliances françaises, les établissements scolaires etc. est renforcé par l'action de la Francophonie institutionnelle qui dispose d'outils propres de soutien à notre langue. La France est le premier contributeur de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et soutient toutes les actions de la Francophonie en faveur du français : les chefs d'Etats et de gouvernement de la Francophonie se sont engagés concrètement en adoptant, en 2006 à Bucarest, un « Vademecum relatif à l'usage de la langue française dans les organisations internationales ». Depuis 2002, et en partenariat avec la France, le Luxembourg et la Fédération Wallonie-Bruxelles, l'OIF met tout d'abord en oeuvre un plan annuel d'action pour le « français dans la diplomatie et la fonction publique ». Il touche entre 8000 et 11000 diplomates et fonctionnaires non francophones chaque année, choisis rigoureusement en fonction de leur niveau d'influence, en privilégiant les forts potentiels. Ensuite, le programme « le français dans les organisations internationales » a pour objet la promotion du français au sein des organisations internationales africaines (l'Union africaine, la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest...) avec une extension récente aux grands centres européens de formation de l'élite communautaire (Collège d'Europe de Bruges). Des « plans capitales de l'UE » permettent enfin la formation linguistique de diplomates européens de haut rang. Conjuguant stages d'immersion linguistique et cours sur place avec des contenus adaptés à ces publics à haut potentiel, ces programmes comportent aussi des volets de renforcement des compétences des traducteurs et interprètes. Au-delà, c'est une mobilisation de l'ensemble de notre corps diplomatique qui permettra, tant au sein des institutions européennes que dans les autres organisations internationales, de rappeler que le multilinguisme est un gage d'efficacité du système multilatéral. Une feuille de route pour la promotion du multilinguisme dans les organisations internationales sera prochainement adressée aux postes diplomatiques.