14ème législature

Question N° 1354
de Mme Audrey Linkenheld (Socialiste, républicain et citoyen - Nord )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Ville, jeunesse et sports
Ministère attributaire > Ville, jeunesse et sports

Rubrique > commerce et artisanat

Tête d'analyse > petit commerce

Analyse > Euro 2016. conséquences.

Question publiée au JO le : 22/03/2016
Réponse publiée au JO le : 30/03/2016 page : 2484

Texte de la question

Mme Audrey Linkenheld attire l'attention de M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports sur les règles imposées par l'Union des associations européennes de football (UEFA) aux commerçants situés aux abords des grands stades et des « fan zones », notamment le stade Pierre Mauroy de Villeneuve d'Ascq, lors de l'Euro 2016. Suite à la mobilisation de plusieurs élus locaux, certaines concessions ont été accordées par l'UEFA, mais elles demeurent insuffisantes pour les commerçants de proximité. En effet, en l'état actuel, les commerces situés dans un périmètre de sécurité délimité par des palissades de 2,5 mètres de haut environ se verront, les jours de match, imposer de lourdes contraintes : devantures et enseignes masquées, vente des produits des marques partenaires de l'UEFA uniquement et redevance de 600 euros par cellule et par jour de match. En cas de refus, les commerces se verraient dans l'obligation de rester fermés, cachés derrière des bâches occultantes. Ces contraintes sont d'autant plus difficiles à accepter que les commerces concernés sont les premiers à avoir fait le pari de s'installer aux abords de cette infrastructure et que leurs revenus ne sont pas encore complètement stabilisés. Elle lui fait donc part de son étonnement quant à la façon dont sont traités les commerces nouvellement installés et souhaite connaître les marges de manœuvre dont le Gouvernement dispose pour rétablir, dans ce cadre spécifique, un équilibre entre les multinationales et les commerces de proximité.

Texte de la réponse

COMMERCES AUX ABORDS DU STADE PIERRE MAUROY À VILLENEUVE-D'ASCQ


Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour exposer sa question, n°  1354, relative aux commerces aux abords du stade Pierre Mauroy à Villeneuve-d'Ascq.

Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, la France est heureuse d'accueillir, en juin prochain, l'Euro 2016. Les amateurs de football et, au-delà, tous ceux qui apprécient le sport et les valeurs qu'il transmet, s'en réjouissent. Plusieurs grandes villes ont la chance d'être les partenaires et les hôtes de cette compétition. Ma question portera sur le niveau de mobilisation qu'on attend d'elles ou plutôt que l'UEFA – l'Union des associations européennes de football – semble leur imposer. Des inquiétudes persistent en effet, à quelques mois du lancement de l'événement.

La première interrogation concerne les règles auxquelles l'UEFA soumet les commerçants situés à proximité des stades et des « fans zones », comme à Villeneuve-d’Ascq et à Lille. À la demande des élus locaux, certaines concessions – j'emploie le mot à dessein – ont été accordées par l'UEFA aux commerçants installés aux abords du stade Pierre Mauroy, mais elles demeurent manifestement insuffisantes.

Ces commerces, situés dans le fameux périmètre de sécurité, devront en effet masquer leurs propres devantures et enseignes. Ils ne pourront vendre que les produits des marques partenaires de l'UEFA. Mais surtout, ils devront d'abord s'acquitter d'une redevance de 600 euros par cellule et par jour de match – rien que ça ! Et s'ils refusent, ils devront tout simplement rester fermés, cachés derrière des bâches occultantes.

Ces contraintes sont évidemment difficiles à accepter, difficiles quand on connaît – et on les connaît ! – les ressources financières dont disposent l'UEFA et ses entreprises partenaires, difficiles aussi quand on sait que les commerces concernés ont fait le pari de s'installer les premiers au pied de cette infrastructure encore récente qu'est le stade Pierre Mauroy. Leur pari n'est pas encore gagné et leurs revenus ne sont pas stabilisés, loin s'en faut.

Ils attendent donc avec impatience, comme nous tous, l'Euro 2016 mais, pour y contribuer, ils ont vraiment besoin d'un coup de pouce et pas d'un coup de massue.

De la même manière, les élus locaux, qui ont déjà accompli beaucoup d'efforts à la fois financiers et logistiques pour garantir un accueil de grande qualité à cet Euro 2016, sont inquiets des charges supplémentaires qui pourraient leur incomber en matière de sécurité.

Personne ne veut bien sûr prendre ce sujet à la légère, surtout pas après les terribles attentats qui ont encore frappé, chez nos tout proches voisins belges. Et personne ne veut renoncer à la belle fête sportive qui se prépare car elle incarne justement ce que nous ne voulons pas céder aux terroristes. Mais la sécurité a un coût, qui ne peut pas être supporté seulement par le pays organisateur, ses communes ou ses commerces.

Aussi, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez dire aux commerçants ainsi qu'aux élus locaux quelles sont les marges de manœuvre dont le Gouvernement entend user, particulièrement, peut-être, auprès de l'UEFA, pour rétablir un meilleur équilibre entre les acteurs multinationaux et les acteurs de proximité, afin que les dépenses liées à l'Euro 2016 soient partagées, au moins autant que les gains.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Madame la députée, chère Audrey Linkenheld, le Nord parle au Nord, diraient certains ! Je vous remercie pour votre question. Comme vous, je souhaite que l'Euro 2016 bénéficie au plus grand nombre, que cette fête populaire soit largement partagée, en particulier par tous ceux qui participent à faire vivre le stade Pierre Mauroy, parfois dans des conditions délicates.

Les villes hôtes ont pris connaissance, dans le cadre de leur candidature, d'un certain nombre de contraintes liées à l'organisation de cet événement hors norme. Des contrats ont été passés, dès 2010, entre chaque ville hôte – en l'occurrence la métropole de Lille – et l'UEFA. Ces contrats sont d'ailleurs récurrents pour l'organisation des grands événements sportifs ; il en avait été signé un avant l'épreuve de Coupe Davis disputée sur le territoire métropolitain du Nord.

Toutefois, plusieurs élus, dont vous êtes, madame la députée, ont relevé certaines clauses contractuelles, qui suscitant des interrogations légitimes, je vous le concède. Vous les avez partiellement citées dans votre question : redevance supplémentaire pour ouvrir chaque jour de match, interdiction des tarifications au menu, prix identiques à ceux pratiqués par les sociétés qui disposent d'un contrat de gestion avec l'UEFA, etc.

Au regard de ces contraintes très particulières, je suis en mesure de vous annoncer que des contrôles de la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes ont été diligentés. Ils devront déterminer si ces clauses sont, au regard de la législation communautaire, du code du commerce et des pratiques habituelles lors de l'organisation de grands événements sportifs, susceptibles de constituer des infractions aux règles de concurrence. Il conviendra de le vérifier.

Au-delà, permettez-moi de souligner combien accueillir des matchs de l'Euro constitue une opportunité pour Lille, Villeneuve-d’Ascq et toute la métropole – et même toute la région ! Le stade Pierre Mauroy accueillera six matchs supplémentaires – qui n'auraient pas eu lieu s'il n'y avait pas eu l'Euro, chacun peut le comprendre –, dont deux en phase finale. Ces six matchs attireront 300 000 spectateurs, parmi lesquels des dizaines de milliers de spectateurs étrangers, offrant ainsi une visibilité planétaire à la métropole lilloise, ce dont je me félicite.

Au total, quelles que soient les résultats de l'enquête à venir, les retombées pour Lille et ses alentours sont estimées à 151 millions d'euros, selon une étude réalisée par le Centre de droit et d'économie du sport de Limoges. Une grande partie de cette somme, je n'en doute pas, alimentera la caisse des « concessionnaires » que vous avez évoqués, pour lesquels il faut avoir une attention particulière.

En tout cas, le Centre de droit et d'économie du sport considère que l'Euro 2016 est une chance pour notre pays. En dehors de la grande fête populaire que vous avez appelée de vos vœux – et je partage naturellement ce désir –, ce sera un booster pour l'économie française.

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Je partage évidemment avec M. le ministre l'idée que l'Euro 2016 est une chance, qu'il est porteur de retombées médiatiques mais également économiques. Je le remercie d'avoir annoncé cette vérification du partage correct des retombées, en particulier pour nos communes et nos collectivités, afin que certains n'en bénéficieront pas plus que d'autres.

J'aurai sans doute l'occasion de parler avec M. le ministre de ma deuxième question, qui portait sur la sécurité ; nous savons tous les deux que ce sujet est particulièrement sensible en ce moment.<