14ème législature

Question N° 135
de Mme Chantal Berthelot (Socialiste, républicain et citoyen - Guyane )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > outre-mer

Tête d'analyse > DOM-ROM : Guyane

Analyse > justice. fonctionnement. moyens.

Question publiée au JO le : 19/02/2013 page : 1652
Réponse publiée au JO le : 27/02/2013 page : 2295

Texte de la question

Mme Chantal Berthelot attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la défaillance de la justice dans l'ouest guyanais. Cette partie du territoire ne dispose pas d'une structure répondant aux besoins de la population et connaît un manque de moyens qui génère une attente très longue dans l'étude des dossiers et qui pénalise nos concitoyens. Elle lui demande ainsi quelles mesures elle compte prendre pour garantir une justice efficace.

Texte de la réponse

lign='center'>MOYENS DÉVOLUS À LA JUSTICE DANS L'OUEST DE LA GUYANE

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour exposer sa question, n° 135, relative aux moyens dévolus à la justice dans l'ouest de la Guyane.
Mme Chantal Berthelot. Merci madame la présidente. Ma question s'adresse à Mme la garde des Sceaux.
Madame la ministre, la population de l'Ouest guyanais attend depuis plusieurs années, depuis trop longtemps, que l'appareil judiciaire puisse répondre à ses attentes et aux problèmes de ces territoires. En effet, l'Ouest guyanais fait face à plusieurs réalités : une dispersion géographique des communes qui le composent, une croissance démographique importante et un caractère transfrontalier particulier.
Aujourd'hui, seul un greffe détaché du tribunal d'instance et de grande instance de Cayenne, ville située à 250 km, est présent à Saint-Laurent-du-Maroni. Or, le juge affecté à ce greffe détaché, malheureusement, est en longue maladie et non remplacé : il n'est suppléé qu'une seule fois par mois.
Dans ces conditions, vous comprendrez que la fréquence des audiences tant pénales que civiles est trop faible pour évacuer les contentieux existants dans des délais raisonnables.
Je tiens par ailleurs à vous signaler que, malheureusement aussi, ce territoire connaît ces derniers temps une hausse importante de la criminalité : en 2012, les violences crapuleuses ont progressé de 10 %, les violences sexuelles de 67 % et les homicides volontaires de 143 %.
Vous vous en doutez, les conséquences des carences de la justice sont très importantes pour nos justiciables : sentiment d'impunité chez les personnes mises en cause, sentiment de ne pas être considérées chez les victimes.
Quelles mesures comptez-vous prendre pour pallier cette situation et garantir une justice efficace dans cette partie du territoire de la Guyane ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Madame la présidente, madame la députée, je tiens tout d'abord à excuser Christiane Taubira, retenue par des obligations au Sénat.
Votre question relative à la situation de la justice dans l'Ouest guyanais est particulièrement d'actualité. Comme vous le savez, la garde des Sceaux vient en effet d'effectuer un séjour en Guyane sur le thème du fonctionnement de la justice dans ce département.
Lors de sa visite à Saint-Laurent-du-Maroni, le 23 février, elle a très spécifiquement abordé la question des moyens de la justice dans l'Ouest guyanais, question à laquelle la ministre a accordé une particulière attention depuis sa prise de fonction.
Actuellement sont installés à Saint-Laurent, dans un bâtiment judiciaire dédié, une maison de la justice et du droit, qui permet de fournir aux citoyens des informations quant à leurs droits, et un greffe détaché du tribunal d'instance permettant d'y effectuer certains actes.
Sont également affectés un magistrat du siège et un magistrat du parquet sur délégation des chefs de juridiction de Cayenne. Leur présence permet d'assurer certaines missions judiciaires de proximité : affaires familiales, contentieux de l'instance, audiences correctionnelles à juge unique.
La garde des Sceaux sait que ce territoire vit une mutation sociale et démographique et que l'institution judiciaire se doit d'accompagner cette mutation.
Comme vous le savez, madame la députée, puisque vous étiez présente lors de cette annonce, la garde des Sceaux a décidé la création à Saint-Laurent-du-Maroni, dès septembre 2013 si possible et en tout cas avant le 1er janvier 2014, d'une chambre détachée du tribunal de grande instance de Cayenne.
La création d'une telle chambre détachée sera une première sur le territoire national. En effet, si la base juridique de ce dispositif existe, puisque le Code de l'organisation judiciaire prévoit l'existence de " chambres détachées d'un TGI pour juger dans leur ressort des affaires civiles et pénales de cette juridiction ", cela n'a pas encore été expérimenté.
Elle souhaite que cette chambre détachée s'installe dans les bâtiments judiciaires actuels qui seront aménagés pour la recevoir.
La chambre détachée, qui montera en puissance en même temps que son activité, sera renforcée par rapport à l'existant en magistrats et en fonctionnaires. Elle bénéficiera en effet de deux magistrats du siège : il sera donc rapidement procédé au remplacement du vice-président en congé maladie, ainsi qu'à la nomination d'un juge supplémentaire ; cette chambre fonctionnera également avec un magistrat du parquet et quatre fonctionnaires, dont un greffier en chef.
Elle aura vocation, soit du fait de sa compétence générale en matière d'audiences, soit par voie de délégation du tribunal de grande instance pour les fonctions spécialisées, à traiter la grande majorité des contentieux intéressant les justiciables de l'Ouest guyanais.
On estime actuellement que 850 affaires civiles et 5 000 affaires pénales pourraient être traitées par la chambre détachée. Seules les affaires pénales avec des personnes détenues continueront d'être traitées à Cayenne, en raison de la présence de l'établissement pénitentiaire de Remire-Montjoly et afin d'éviter des transfèrements inutiles.
Sur un plan plus général, la ministre va installer à la fin du mois de mars un groupe de travail sur l'organisation judiciaire. Il sera chargé de faire des propositions pour rendre la justice plus proche des citoyens et plus rationnelle dans son organisation. Ce groupe étudiera le concept de " chambre détachée ", dont la première sera créée en Guyane, comme possibilité pour l'hexagone.
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Berthelot.
Mme Chantal Berthelot. Merci, madame la ministre. Il est vrai que, lorsque j'ai déposé ma question orale, la ministre est venue en Guyane et a effectivement dit cela. Au nom de la population de l'Ouest guyanais, je veux prendre acte du fait que ce gouvernement prend en compte la situation particulière du territoire. La mutation démographique de ce territoire devra avoir pour parallèle la mutation du système judiciaire. L'objectif sera donc peut-être d'arriver à un tribunal de grande instance sur cette partie du territoire de la Guyane, car vous savez que d'ici vingt ans, démographiquement, Saint-Laurent-du-Maroni sera la première ville de Guyane. Merci de ces réponses, madame la ministre.